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Nouvelles confirmées : Comédie Française
Publié par EXEM le 31-07-2014 04:15:40 ( 1088 lectures ) Articles du même auteur



Georges poussa sur ses bras et son corps se détacha de celui de Colette. Cette dernière avait les yeux dilatés par l'extase qui l'avait éblouie, et la température de ses joues en feu. Les boucles de ses cheveux humides collaient sur son front comme celle d'une poupée bon marché. Elle sourit d'un sourire nouveau qui ne laissait pas seulement découvrir ses dents mais aussi sa félicité. Georges en la prenant, lui avait tout donné, en la possédant, l'avait libérée. Il avait franchi toutes ses frontières, passé par des territoires encore sauvages et, finalement, était entré dans une région où la matière avait disparu pour faire place à une forêt de sentiments inconnus et là, dans une petite clairière, leurs âmes avaient fusionné. Durant leur union, Colette s'était accrochée de toutes ses forces à la chair de Georges et, avec l'anxiété de trop de bonheur, fermant les yeux pour se mieux concentrer, abandonnée, ne craignant plus pour la première fois de perdre le contrôle d'elle-même, elle l'avait perdu ! Dans un cri de jouissance et de réjouissance, elle avait enfin découvert le goût du don de soi.
Etendue, les entrailles tremblantes, Colette remerciait le ciel pour la tempête qu'il lui avait envoyée et qui l'avait poussée, allongée sur sa nef, vers le pays ou régnait Georges. Au bout de son voyage, elle reposait, et le lit, sous elle, semblait encore se balancer au rythme des vagues géantes de sa première traversée. Dans ce nouveau royaume, elle ne respirerait plus désormais que l'haleine de son roi, ne se nourrirait plus que de ses caresses et de tout ce dont il était fait.
Georges la dévisagea longuement, s'émerveillant de la capacité qu'elle avait à faire, littéralement, l'amour. Colette, usant de toute son adresse, de toutes son énergie, de tout son corps, faisait apparaître un amour palpable et, tel un sorcier qui applique sur le front d'un " possédé " une colombe égorgée, elle lui plaçait cet amour sur le cœur, et miraculeusement, il était heureux. Les bras de Georges se mirent à trembler et Colette lui dit :
«Allonge-toi, mon chéri, tu dois être fatigué. »
Après qu'il eut obéi, Colette, lui caressant du bout des doigts les cheveux, soupira :
« Comment se fait-il que je t'aime tant ?
- Parce que je t'aime tant.
- Tout s'est passé si vite ! Je n'arrive pas à y croire ! Je ne savais pas que mon corps était capable de réagir avec la même intensité que celle de mes sentiments. Je veux dire que je ne savais pas que… ma sexualité pouvait servir si bien de support à mon amour…
- De piédestal.
- Georges, je n'ai jamais eu d'amant !
- Pourquoi me dis-tu cela ?
- Parce que je tiens à ce que tu saches qu'avant toi, aucun homme ne m'a attirée. Avec toi, tout parait normal et naturel.
- Aimes-tu ton mari ?
- Non. Crois-tu que je serais ici, si je l'aimais ?
- Je ne sais pas.
- Si je l'aimais personne au monde n'aurait pu m'arracher à lui. L'amour n'est pas aveugle, ce sont ceux qui aiment qui le sont. Il suffit d'aimer quelqu'un pour ne plus être capable de distinguer les autres. Par exemple, en ce moment, il m'est impossible de penser à quelqu'un d'autre que toi. Tu es tout ce dont j'ai besoin et tout ce que je désire. »
Georges était complètement détendu. Il aimait Colette et en était conscient.
« Je n'ai jamais aimé mon mari, continua-t-elle. Je n'en eus que la courte illusion. J'étais jeune et mon expérience était si petite que je la croyais grande. Je choisis de l'épouser, pensant que du mariage naîtrait l'amour. Hélas, je me suis trompée. L'hymen n'est pas la source de l'amour, elle n'en est que le temple. J'ai vécu pendant des années, triste et désabusée, rêvant qu'un jour je pourrais sans regret ni remord, rectifier mon erreur. Aujourd'hui, je le suis. Georges, tu as extrait de moi des sentiments dont j'ignorais l'existence. Tu as su atteindre en moi, les zones les plus reculées et les plus sensibles que mon être avait gardées en jachère. En les cultivant, tu m'as appris à mieux me connaître, à mieux m'apprécier, à mieux m'aimer. »
Georges écoutait Colette avec orgueil et gratitude. Elle le faisait se sentir un homme véritable. Ses paroles, comme un doux onguent, lui pénétraient la peau y faisant fondre les chagrins qui l'avaient endurcie.
« Je n'ai jamais connu de femme comme toi.
- Je vais me séparer de mon mari. Je ne peux pas vivre avec un homme et en aimer un autre. »
Georges ne put que prononcer :
« As-tu bien réfléchi ?
- Oui. Etre possédée par l'homme auquel je n'appartiens plus est une torture, et, l'être par celui auquel j'appartiens, une trahison. Vivre avec mon mari m'attriste. Ne pouvant le rendre heureux, je veux lui rendre sa liberté. Me supprimer le droit de le quitter serait lui supprimer la possibilité de rencontrer une femme qui puisse l'aimer mieux que je ne l'aie fait. Je t'aime, mon chéri et je veux pouvoir te regarder, te toucher à n'importe quel moment du jour ou de la nuit, partager mes joies et mes peines, je veux pouvoir prendre soin de toi et en même temps me sentir protégée par toi. Mon chéri je veux te faire l'amour jusqu'à l'âge de cent ans.
- Je ne sais pas si à cent ans j'en serai capable
- Mais bien sûr que oui. On ne fait pas l'amour avec une seule partie du corps. On fait l'amour avec tout son corps et son esprit. Pour moi, l'amour c'est toi, tout entier. Te faire l'amour, c'est te faire naître, et t'aimer. C'est te bercer. »
Georges était comblé.
Il lui donna un baiser, et la paya.
Lorsqu'il fut parti, Colette, se rendit à la salle de bains. Assise sur le bidet, elle se lava, en criant :
« Putain de bordel ! Quel métier de merde ! Ça suffit plus de se faire enculer, il faut maintenant être une artiste de la Comédie Française avec ces impuissants de connards de psychos ! Enfin ! Bof ! Au moins, il m'a laissé un bon pourboire.»

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Auteur Commentaire en débat
Ermite
Posté le: 31-07-2014 07:20  Mis à jour: 31-07-2014 07:20
Plume d'Or
Inscrit le: 31-03-2014
De:
Contributions: 1652
 Re: Comédie Française
Génial ! j'y ai cru ; A aucun moment je n'ai imaginé l'issue de ta nouvelle
Quel talent ! un énorme plaisir . Bravo l'artiste .
Louis .
Loriane
Posté le: 31-07-2014 10:07  Mis à jour: 31-07-2014 10:38
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9500
 Re: Comédie Française
C'est très bien analysé, triste réponse de la bergère au berger
Cette comédie est sinistre et plus que millénaire.
Elle résulte de la dictature masculine sur une femme qu'il a asservie et qui ne peut survivre physiquement, exister socialement, qu'en monnayant son corps.
Tout le langage de l'amour physique est guerrier : prendre, posséder, don de soi, maître, appartenir... Il appartient au lexique du fonctionnement masculin (ancien modèle)
Il y a dans cette sémantique une profonde malhonnêteté morale, une inversion même des mots, dénués de leur sens premier, car vraiment comment un homme peut-il sexuellement " prendre " une femme ? comment " prendre " avec un sexe d'homme ??
Ces mots non innocents servent une vision de la relation qui se transforme en relation de force, en combat avec un vainqueur et un asservi. Dans l'acte physique la préhension, synonyme de attraper, capturer, enfermer, serrer, est le fait du corps de la femme, mais que cela jamais ne fut dit ! jamais.
Merci à l'évolution, qui nous fit plus libres et alter ego, loin de ces concepts de possession, supérieur/inférieure, car dans cet échange physique divin, la rencontre, débarrassée enfin du besoin de domination, nous porte à une rencontre des sens si puissante !

Sur la forme :

Citation :
Cette dernière avait les yeux dilatés par l'extase qui l'avait éblouie, et la température de ses joues en feu

Cette phrase se comprends mal à la première lecture :
Cette dernière avait les yeux dilatés par l'extase, qui l'avait éblouie, et par la température de ses joues en feu.
Très belle lecture
Merci

PS : je te ressors mon vieux "matin gris "
Marco
Posté le: 31-07-2014 11:02  Mis à jour: 31-07-2014 11:02
Plume d'Or
Inscrit le: 17-05-2014
De: 24
Contributions: 725
 Re: Comédie Française

EXEM,


Quelle chute !!

Tu as fait très fort, j'ai vraiment cru a une liaison passionnée
entre deux amants ; Mais bon ! ça fait combien ?

Marco
EXEM
Posté le: 31-07-2014 16:50  Mis à jour: 31-07-2014 16:50
Plume d'Or
Inscrit le: 23-10-2013
De:
Contributions: 1480
 Re: Comédie Française
Heureux de vous avoir tous trompés !
emma
Posté le: 31-07-2014 17:00  Mis à jour: 31-07-2014 17:00
Modérateur
Inscrit le: 02-02-2012
De: Paris
Contributions: 1494
 Re: Comédie Française
en lisant les répliques de colette, je me disais qu'elle était bien bavarde, cette amoureuse là. Je comprends mieux le pourquoi avec le dénouement que tu nous as mijoté, espèce de farceur !
J'ai bien ri à cette comédie qui est loin de faire un bide(t).
Alanna
Posté le: 31-07-2014 19:53  Mis à jour: 31-07-2014 19:53
Régulier
Inscrit le: 26-07-2014
De: Melun
Contributions: 66
 Re: Comédie Française
Du grand art
Et la chute!
On comprend mieux l'absence de matière que l'on soupçonnait
Mélange de drôlerie et de tristesse
En pensant à ces femmes que l'on paie
Et qui croient sûrement au grand amour
Quelque part...
Merci à toi
Marie
couscous
Posté le: 01-08-2014 17:33  Mis à jour: 01-08-2014 17:33
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Comédie Française
Là, je suis sur le cul ! Ce final en apothéose inattendue. Le décalage entre les dialogues du début et le parler franc de la fin. J'en ai ri;

Merci Exem

Couscous
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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