Le pont de Malterre
Tends ta main petit frère Tes pieds fermes sur la pierre Tu vacilles d'avant en arrière Accroche bien mes doigts et serre.
A coté, Sous le saule abritée Maman fait chanter Dans ses mains serrées De grandes herbes coupées.
De roche en roche millénaire Nous traversons la rivière En saut sur l'eau froide et claire Entre l'ombre et la lumière.
A coté, Sur l'herbe couchée Maman s'est étirée, Dans le trèfle violet Et les reines des près.
Dans les prés sonne une bélière L'eau est vive sous les fougères, Sur le gué sautons l'allure fière Car l'humble flot semble cratère.
A coté, Sur la prairie parfumée Maman baille sa volupté Dans le foin étalé Et la menthe écrasée.
Les araignées d'eau si légères Dans le lent tourbillon glaciaire Glissent sur l'onde pure mystère Alignées tels les grains d'un rosaire.
A côté, Son chapeau sur le nez Maman les paupières fermées De sauterelles entourée, A rejoint Morphée.
Les hauts peupliers pour lisière Limpide, pure comme le verre Roule en chantant l'eau sourcière. Sur son lit que la rive enserre.
A coté, Sur sa couverture allongée Maman vient de rêver Elle s'est retournée Son souffle est léger.
Nénuphars, truites, ou vipères Glissent ondulent dans leurs repaires Ombres furtives messagères Gris tremblotants, troubles oculaires.
A coté, Le temps a passé Maman est réveillée Elle s'accoude et rêve A demie allongée.
Sur la berge les salicaires Sont le refuge des éphémères La libellule gracile sert De bijou aux saponaires.
A côté, Le soleil à brûlé Maman va se protéger, Elle veut bronzer De la crème sur le nez.
Caché dans l'armoise grégaire Notre nudité est entière Dans les prêles surnuméraires L'arbre à papillon, la gravière
A coté, L'ombre s'est allongée Maman s'est levée. Le soleil est orangé Elle va tout replier.
Les pyramides de foin obèrent Coupent, les rayons de lumière. L'ombre du soir plonge sur terre, Nous ramène à l'heure des prières.
A coté Les silhouettes sont bleutées Maman a appelé Elle a frissonné Le grand sac est fermé
Au loin le tertre et son Belvédère, Remontons vers notre tanière. Nos pieds lourds de jeux, de chimères, Suivent le chemin vers la chaumière.
A côté, La fraicheur gagne les grands près Maman est pressée Elle avance sans parler Le brouillard s'est levé.
Nos pas dans les ornières, Dans l'ombre soudain sévère, Cailloux de la terre truffière, Roulent sur la sente bergère.
A côté Plus haut l'air est réchauffé Maman chante pour marcher Nous avançons sur la montée Griffés par les genévriers
Ton écharpe en Lavallière, Viens, donne ta main petit frère. Une branche pour rapière Nous quittons le pont de Malterre
Lydia Maleville
|