| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> xnews >> Cigarette et Framboise sur un air de déjà-vu - Nouvelles - Textes
Nouvelles : Cigarette et Framboise sur un air de déjà-vu
Publié par alexis17 le 30-06-2014 17:00:00 ( 1102 lectures ) Articles du même auteur



Réponse au défi d'Exem !




Le néon azuré du Bunny Bar scintillait tendrement sur la bruine bleutée et les flaques crasseuses du terne macadam. Les âmes ivres de chair avaient, par centaines, défilées toute la nuit, saoules de whiskys et de décolletés dentelés, et, tandis que les premiers rais diapraient la brume matinale, l’atmosphère lourde de sexe et d’alcool semblait enfin se dulcifier. Starlet vida l’élastique de son string et compta presque deux-cent balles qu’elle fourra dans son portefeuille avec le reste de sa paye hebdomadaire. Pas le temps d’enfiler jean et débardeur que les cloches de l’église locale sonnèrent sept coups.

Le boulevard grondait déjà sous les ronronnements mécaniques et Starlet descendit d’un pas vif jusqu’à l’épicerie. « Harvey, tu peux me donner deux… non trois Chesterfield, s’il te plait. Et le journal d’aujourd’hui… ». Le goût amer des clopes se mélangea au rouge à lèvres framboise et la bouche pâteuse de la jeune femme se nuança d’une saveur acide, désagréable et dont elle était devenue terriblement dépendante. Une violente bourrasque traversa alors l’avenue et un frisson parcourut Starlet tandis qu’elle écrasait son premier mégot sur le pavé grisâtre ; elle s’apprêta à s’en allumer une seconde mais le bus parut en haut de l’avenue.

Starlet s’assit au fond et se mit à lire paisiblement au gré des cahotements du bitume. Les nouvelles étaient peu intéressantes : orages, manifestations ; un habituel vacarme qui ne signifiait rien. Cependant, deux minuscules lignes dissimulées au bas de la nécrologie firent sursauter Starlet : « Hier soir, Rachel Johannsen, vingt-neuf ans, s’est jetée dans le fleuve, un parpaing attaché à la jambe. Enterrement prévu vendredi. ». Cette femme dont elle ne connaissait que le nom, fit un étrange écho à sa mémoire. Elle essaya de s’en souvenir mais une sombre image obscurcit son esprit : les cheveux ondulants de la jeune femme emportés par le courant mortuaire, tels des algues séculaires, aussi vieilles que le lit du fleuve…


***



Starlet regardait sur le balcon adjacent son voisin et sa maitresse ; passion enragée et délicatesse charnelle exultaient de leurs baisers embrasés. Leur couple ressemblait étrangement au sien ; au-delà du physique et des visages familiers, il y avait cet interdit, cette illégalité morale qui habitait les tréfonds de leur histoire : le voisin était marié et sa maitresse portait une bague de fiançailles.

Starlet se souvenait de l’homme qu’elle aimait lorsque les cris du voisin la ramenèrent subitement à la réalité. « Je me fiche de ton fiancé ou de ma femme ; il te suffit d’un mot et je la quitte ! Je t’aime Rachel ! Oui, toi, Rachel Johannsen, je t’aime si fort ! ». Elle l’embrassa puis le repoussa, les larmes aux yeux. Il essayait de la retenir mais elle se débattit et finit par se libérer de son étreinte. « Je t’aime aussi cria-t-elle, mais tu es marié et je le serai bientôt… Je ne peux pas faire ça. ».



Rachel regarda sa montre : deux heures du matin ; elle avait raté le dernier bus. Elle fouilla au fond de ses poches, de quoi payer un taxi, mais elle ne trouva qu’un billet de cinq et des chewing-gums. Elle s’en fourra un dans la bouche et commença sa balade nocturne vers l’appartement conjugal. « Pourquoi j’ai pas pris ma veste… ». La nuit était fraiche et Rachel grelottait dans son maigre débardeur et son pauvre jean troué.

A mi-chemin, elle s’arrêta à l’épicerie. « Je peux avoir trois… non, quatre Chesterfield s’il vous plait. Et un paquet de chewing-gums framboise. ». La framboise fut envahie par le tabac et Rachel trouva ce goût désagréable au premier abord mais peu à peu celui-ci devint doux, suave et inédit, terriblement addictif. Elle regarda de nouveau sa montre : deux heures. Les aiguilles s’étaient arrêtées ; cependant, lorsqu’elle collait son oreille contre le cadran, elle était persuadée d’entendre le mécanisme cliqueter encore et encore.

Tic-Tac. Seule dans la pénombre urbaine, Rachel essayait de se persuader qu’elle avait fait le bon choix, qu’elle serait heureuse avec son futur mari et qu’elle aimerait leurs enfants, mais, quelque part au fond d’elle-même, elle savait ; elle savait que rien ne la comblerait désormais, qu’elle ne vivrait que dans ce triste souvenir et qu’elle mourrait le prénom de son amant sur les lèvres.

Tic-Tac. Les aiguilles n’avançaient guère et Rachel s’obstinait à écouter l’horlogerie qui la rendait folle. « Le temps passe et moi je me suis arrêtée, pensa-t-elle… ». Tic-Tac. Le cliquettement devenait oppressant dans la pénombre si silencieuse et elle essayait de presser le pas mais les tics se rapprochaient des tacs et Rachel sentait la démence monter en elle ; elle avait beau courir rien n’arrêtait ce bruit étouffant, suffocant, asphyxiant tandis que la trotteuse restait immobile, figée dans le cadran, dans sa prison de verre, et Rachel perdait la tête, perdait son souffle et mourrait sur place dans une atroce souffrance, la torture des regrets que rien ne pouvait désormais arrêter si ce n’est ce parpaing abandonné entre deux poubelles et ce fleuve sinueux…


***



Starlet vidait l’élastique de son string dans son portefeuille lorsqu’elle fut interrompue par les cris de sa patronne : « Starlet, téléphone pour toi. C’est un mec qui se dit être ton cousin, Jonathan. ». Starlet regarda sa montre : sept heures du matin. Elle se dépêcha d’enfiler ses affaires de villes et trottina jusqu’au combiné.

« Allô, fit-elle en s’allumant une cigarette. Ouais, c’est moi mais je croyais qu’on n’avait dit de ne plus s’appeler. Je veux dire, c’est pas bien, c’est pas correct. Et puis, la fois où ta mère nous as surpris en train de… c’est pas normal… Je… Je t’aime aussi mais entre nous, c’est pas possible, c’est tout. Je suis ta cousine bordel ! La vie c’est pas une putain de tragédie grecque où frères et sœurs s’embrassent et se… Arrête, tu… Je… Arrête… Je ne suis qu’une putain de strip-teaseuse, oublie-moi, je ne suis qu’un objet de désir mais je ne peux être le tien. Allez, laisse-moi désormais… ». Elle raccrocha et retroussa ses lèvres. Sa langue glissa sur sa bouche et le goût framboise envahit sa gorge serrée. Une bouffée de cigarette. Le mélange, le goût suave qu’elle aimait tant pris possession de son palais.

Ses mains tremblotaient et elle revoyait encore et encore le visage de Rachel Johannsen au fond du fleuve ; ses cheveux ondulants… Elle regarda sa montre : sept heures ; les aiguilles semblaient s’être arrêtées… Elle repensait à cette femme balayée par le courant, parpaing à la cheville et, doucement, le visage de Lux laissait place au sien. Elle regarda de nouveau le cadran mais l’horlogerie était figée ; elle essaya de la remonter, en vain. Tic-tac.

Article précédent Article suivant Imprimer Transmettre cet article à un(e) ami(e) Générer un PDF à partir de cet article
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
78 Personne(s) en ligne (30 Personne(s) connectée(s) sur Textes)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 78

Plus ...