Voici mon texte en réponse au défi d'Exem :
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Amour illicite
Comme chaque jour, j’occupe mon poste habituel. J’ai un travail peu fastidieux mais répétitif. Quelques unes m’envient ma taille fine, mon corps semblant avoir été sculpté par Rodin, mes yeux de biche et mon mètre quatre-vingt-cinq, mensurations obligatoires dans mon métier.
Ce jour-là , nos regards se sont croisés. Un homme brun, à la mèche rebelle et la barbe finement ciselée se posta devant moi, me dévorant des yeux et me détaillant des pieds à la tête. Lorsqu’il lâcha un « Jolie ! » avec un petit sifflement, j’eus l’impression que mes joues s’empourpraient, ce qui n’est pourtant pas dans ma nature, plutôt stoïque. Je restais donc extérieurement de marbre face à cet admirateur inconnu, le visage figé dans une expression que l’on me reproche souvent hautaine. Ce genre de réflexion provenait évidemment de bouches jalouses de femmes enviant mes tenues sorties de l’imagination de grands couturiers au look improbable et au talent indéniable.
L’homme revint plusieurs fois me rendre des visites, pour la plupart furtives, avec toujours cette admiration faisant briller ses yeux, tel un petit enfant devant l’étal d’un magasin de jouets à l’approche de Noël. J’attendais de l’apercevoir parmi les badauds car son regard me rendait vivante, enflammée. Est-ce cela que l’on appelle « amour » ? Je comprends maintenant que chacun le cherche avidement car il nous procure ce sentiment d’exister pour quelqu’un. Il fait battre les cœurs, même ceux de marbre, de glace ou de plastique.
Mais un jour, tout bascula. Mon amoureux secret se planta devant moi, avec dans sa main, serrée, celle d’une jeune femme rousse. Ses yeux brillaient lorsqu’elle se tournait vers lui. Je me rendis compte alors que cet amour que je m’étais inventé n’était en fait qu’imaginaire, voire illicite. Et lorsqu’il lui dit :
« Regarde, Chérie. Ne la trouves-tu pas magnifique ? – Si, elle est superbe ! – Viens, je te l’achète ! »
Je compris tout de suite que je n’étais finalement pas l’objet de son désir. Il ne convoitait et n’admirait que ma tenue. Que m’étais-je imaginé ? Il me faut me résigner à ma modeste condition, celle de mannequin dans une vitrine d’un magasin en Haute Couture.
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