Avez-vous entendu, lorsque tombe le soir, A l'heure ou les anciens arrivent pour s'asseoir Sur les vieux bancs de pierre, à l' entrée du village, Ce long chant envoûtant et venant d'un autre âge ?
Ecoutez-le venir. Une voix solitaire, Comme une fleur sauvage, arrachée de la terre, Appelle tout à coup les ombres du passé Que des siècles de chant n'ont jamais effacé..
La voix désespérée raconte la misère, Les combats sans pitié entre l'homme et l' enfer, Tout le sang écoulé pour la vie et l'honneur Et les tristes veillées de peines et de de pleurs.
Avez-vous entendu, arraché de la nuit, Cet unisson de voix qui, explosant, surgit, Ce chant polyphonique prenant brusquement Tout l'espace vibrant, du sol au firmament ?
Chaque voix qui paraît ne chanter que pour elle Flotte dans l'harmonie avec ses propres ailes, Et semblant, par instant, vouloir s'en éloigner, Plonge en un long sanglot et revient s'y baigner.
Puisque vous êtes seul, envoûté par le charme, Laissez-vous savourer la douceur d'une larme Accompagnant peut-être, le temps d'un frisson, Ce cri inattendu, cette étrange chanson.
Quand le chant s'éteindra lentement, à regret, Effaçant ses arpèges à multiples degrés, Vous entendrez longtemps, du fond de son silence, Une voix indomptée qui s'attarde et qui danse.
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