FÊLURES
Les fêlures d’antan font souvent du présent une voie sans issue, Une impasse sordide où se côtoient les regrets, la rancune Et par instants la haine. Ces sentiments réunis, annihilent la moindre aspiration, Taisent les mots et leurs caresses, assombrissent les jours naissants, Torturent le corps et en ternissent l’âme ; C’est l’extinction du possible, Du plausible, De l’espoir voire de la survie !
L’image est suppliciée et dégradée. Les paupières alourdies par les nuits blanches Laissent entrevoir des yeux révulsés, Aveugles au présent et à l’illumination de l’esprit. Le visage strié par des rides profondes, Bibliothèque des souffrances et des émotions étouffées, Est devenu le reflet d'une vie aux couleurs inversées ; Les sanglots et cendres du passé modèlent un masque d’errance !
Dans le creux même de la main de ce corps déchiré, Se niche le vacarme d’une mort silencieuse.
"Je sais, mon ami, je sais…
Les yeux clos de ta bien-aimée ont rompu Le fil de vie qui te liait à nous. Je sais que tu souffres encore de cette mort ; Le silence de cette absence résonne dans l’abîme sans fond Que sont devenues les pensées de ton cœur. Tes paroles se font l’écho d’un cri d’amour venu d’outre-tombe.
Sors de cette léthargie Regarde au-delà des apparences, Au-delà du temps accompli ; Contemple cette aube nouvelle Qui se lève sur tant d’éclats ! Ne vois-tu pas cette blanche silhouette qui défie les ombres ? Ne sens-tu pas le parfum suave de cette pure jeunesse Éveiller en toi les doux et chauds soupirs Pour lesquels on a envie de vivre ? Le même qui, jadis, te fit connaître le plaisir d’un corps ivre de volupté."
Faut-il en appeler aux divinités ?
« Ô Nymphe, pleine de vie et d’envie, Sortie du temple des amours, Viens à la conquête de cet esprit égaré, Qui se maudit d’avoir trop aimé le printemps d’un amour. Viens délivrer ce corps de l’abandon, Ce corps qui se meurt d’avoir si peu vécu sa passion. Que de ta peau d’ange Provoque ses mains, Que la fragrance de ta chair Ébranle ses sens endormis. Que tes lèvres charnues abreuvent de baisers cette bouche desséchée, Que le bout de tes doigts provoque l’érection des grains de sa peau ; Frissons exquis du désir. Que tes seins dressés comme arme de beauté Harponnent sa mélancolie jusqu’à ce que joie s’ensuive, Que tes hanches à peine voilées violent son regard, Et lézardent ses peurs, Que ton mont de Vénus l’attire dans la vallée des jouissances, Source de vie, Où tous les maux s’effacent dans un cri Que le silence écoute avec délectation. »
"Je t'observe et je vois, je vois…
Je vois un sourire dans tes yeux. Ton regard a été charmé par cette beauté mythique Mais les sculptures de Praxitèle suffisent à ton humeur ; Tu es fidèle au passé de ta mémoire. Tu goûtes à la souffrance de ton âme. Cette souffrance est attisée par ta propension à te replonger Dans une mélancolie dévastatrice. Il n’y a point de garde-fou dans cette ambiance, Le rejet et l’aveuglement exsudent des murs de ta conscience ; C’est la certitude du doute qui tend vers le suicide.
Tu es une énigme pour moi !
Tu devrais prendre du recul ; T’éloigner du tumulte de la vie quotidienne, T’asseoir sur le rebord de ton existence Et te demander ce que tu veux faire Pour que ton aventure reprenne un sens ! N'entends-tu pas la mélodie des oiseaux, Qui résonnent comme une louange ; Celle-ci célèbre la beauté immortelle de la vie !"
Mais aujourd'hui, Tu es si loin de nous et si près d’elle Que ce monde n’est plus le tien !
Une vie sans le moindre appétit ni la moindre envie, Ne deviendrait-elle pas une longue agonie ? Et, l'agonie c'est une vie qui n'en finit plus de mourir !
Les fêlures d'une vie sont l'aube du crépuscule !
Marco
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