On le disait sorti de la boue, de la fange. Son gigantesque poing dressé vers les ténèbres Et déjà foudroyé par un destin funèbre, Il sut, dès le début, qu'il fallait que tout change.
Il apprit à les craindre et à servir les cieux. Dès qu'il voulait gémir, la Loi le faisait taire; Alors, terrorisé, il retournait sous terre Pour arracher de l'or qui charmait tant les Dieux.
Les millénaires coulaient en éternels combats. On le faisait bourreau, on le faisait victime. Il tenait dans sa main le glaive qui opprime Égorgeant ses égaux en horribles sabbats.
Mais il avait pour lui la grandeur de ses maîtres Qui lui avaient appris l'honneur et la vertu : Il faut vite frapper avant qu'on ne te tue. Si tu meurs au combat, guerrier, tu vas renaître !
Il savait, de ses mains, ériger des châteaux Et des murs de Titans, visibles des étoiles, Il savait tisser l'or et la trame des voiles Dont les chauds alizés emportaient les bateaux .
Et marchant, conquérant, de mépris en défaites, Le dos toujours courbé, comme le fit son père, Lorsque descend la nuit, du fond de son repaire, Il entend, en tremblant, les loups faire la fête.
Quand parfois la colère, emportant sa raison, Lui fait lever des bras qui pourraient tout raser, Il croit voir, au lointain, les enfers s'embraser, Menaçant d'enflammer sa sinistre maison.
Est-il écrit qu'un jour l'homme s'éveillera, Qu'il tournera ses yeux vers celui qui domine Et que, sortant des champs, des charniers et des mines, Il marchera vers lui et qu'il l'écrasera ?
Alors, il surgira de la boue, de la fange, Son gigantesque poing dressé vers le soleil. Il n'aura plus la peur pour troubler son sommeil Et entrera chercher sa charrue dans la grange .
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