A la demande d'une amie.
Je l'avais rencontrée dans un parc, sous la pluie, alors qu'elle venait de quitter une de ses amies, une tristesse mal dissimulée derrière ses magnifiques traits fins. Je l'avais immédiatement repérée, courant à la recherche d'un abris, cherchant à protéger sa chevelure blonde des gouttelettes agressives. Elle avait finit par repérer le auvent où je m'étais moi-même abrité, trempé jusqu'aux os, mes cheveux bruns plaqués sur mon crâne et tombant devant mes yeux sombres. A peine se fut-elle abritée que son regard océan rencontrait mes gouffres noirs et soudainement brillants face à cette apparition. Et, alors que je me noyais dans l'écume triste de ses yeux, je l'imaginais là , contre moi, blottie au creux de mes bras, apaisée comme jamais, heureuse. Oui, heureuse. Voilà ce que je voulais la rendre : heureuse. Sans même la connaître je le savais. C'était elle. Elle qu'il me fallait, elle que je désirais et que j'attendais depuis toujours, errant comme une âme en peine dans ce monde désolant. Je désirais ses lèvres contre les miennes, d'une douceur comparable à l'amour d'une mère. J'imaginais ce baiser d'une tendresse infinie, ses bras fins autour de mon cou, ses jambes fuselés et ses petits pieds s'élevant pour nous lier éternellement par ce toucher aussi chaste que sensuel, d'une violence inouïe mais d'une tendreté absolue, comme un ouragan de mansuétude épicurienne. Mais, l'amour n'est-il pas un ouragan qui vous entraîne ici et là , telle une bouteille à la surface d'une mer agitée comme le disait si bien James Barrie ? A cet instant précis, mon unique rêve était de me retrouver entraîner ainsi avec cette inconnue à la peau pâle, me laisser entraîner dans l'océan de ses yeux, dans l'écho palpitant de son cœur en synchronisation parfaite avec mon propre cœur amoureux. Amoureux de cette inconnue à la beauté paisible et divine, sensuelle et infantile. Je la veux contre moi, mienne, comme une partie de moi, comme la seconde partie parfaite de mon âme déchirée. Je veux l'aimer d'un amour innocent, trop naïf, enfantin. Comme un gamin gêné d'un baiser sur la joue, d'un amour immaculé et candide. Et alors jamais je ne la relâcherais, ne cesserais de l'aimer comme je l'aime en cet instant précis. On dit que, qu'importe les rêves et fantasmes que l'on peut avoir, la réalité finit toujours par nous rattraper. Et lorsqu'elle me rattrape enfin, je suis toujours entrain de me noyer dans son regard et elle est encore absorbé par le gouffre infini de mes yeux. Et alors que cette réalité, vicieuse et malfaisante me tiens toujours, j'ai soudainement peur. Peur de cet amour, peur de cette inconnue que j'aime. Peur de ce sentiment insensé, incontrôlable et terrible. Et ses joues, rosies par le froid, me font fondre à nouveau dans ce tourbillon qui me consume de douleur et de jouissance. Un tourbillon de paradoxe en mon fort intérieur. Et je fuis, m'extirpe de ses flots envoûtants, me dérobe à ce regard, et fuis, préférant affronter cette pluie battante, telle les larmes d'une veuve, plutôt que me risquer à un abandon fatal de mon inconnue tant aimée. Je ne peux courir, mais je la fuis, espérant que cette nouvelle distance m'arrachera à ce sentiment d'agréable torture. Mais non, rien ne vainc ce tourment éternel. Et soudainement, cette douleur disparaît, envolée, comme un envol de colombe un petit matin de printemps. Il aura suffit d'une main. Minuscule, vernie de noir, enserrant mon bras. Je me tourne. Elle a courut, est essoufflée, et me regarde de ses yeux bleus emplis à la fois de certitudes et de doutes. Elle est magnifique. Elle m'offre ces lèvres, m'offre ce baiser d'une puissance et tendresse bien plus intenses que dans mon fantasme. Elle tue cette réalité morbide et m'en offre une à l'image et l'intensité de sa beauté. Je ne veux plus qu'elle. L'amour est un ouragan qui vous entraîne telle une bouteille à la surface d'une mer agitée disait James Barrie.
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