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Nouvelles confirmées : Suspension
Publié par couscous le 01-05-2014 13:32:44 ( 1305 lectures ) Articles du même auteur



Suspension

Le regard de Jean-Pierre me fixe intensément et sa main reste serrée sur mon avant-bras droit. Le temps semble suspendu, comme moi au-dessus du vide. Pourquoi ai-je accepté de le suivre ? J’aurais dû me méfier de sa proposition, elle était trop tentante : « Viens marcher avec moi, on parlera de ta promotion. »

Et maintenant, je me demande s’il sait. A-t-il découvert le cadavre que je cache dans mon placard ? Il avait pourtant un corps magnifique ce cadavre… celui de sa femme, qui est également sa secrétaire personnelle, la jolie Nathalie.

Jean-Pierre et moi sommes amis depuis le lycée. Nous avons poursuivi les mêmes études mais il a toujours eu une longueur d’avance sur moi. Et lorsque nous avons été embauchés par le même cabinet d’avocats, il s’est très vite démarqué et est devenu mon chef. Ma jalousie fut plus forte que ma joie. Ce sentiment m’a longtemps rongé. Je l’enviais : sa réussite, sa prestance, son charisme et puis sa femme, superbe. Moi, je restais désespérément célibataire, simple employé, le petit Daniel, sous-fifre et faire-valoir du grand Jean-Pierre.

Mais un jour, l’homme parfait a dérapé. Au retour d’une soirée trop arrosée au champagne hors de prix avec les grands pontes de la boîte, il a giflé sa belle blonde qui lui demandait des explications sur les traces de rouge à lèvres présentes sur le col de sa chemise immaculée. Le lendemain, les yeux rouges d’avoir pleuré toute la nuit, elle est venue se confier à moi. Je n’ai pas eu le cœur de la laisser ainsi et je l’ai réconfortée, tendrement, amoureusement même.

Ensuite, nous nous sommes sentis coupables et avons décidé de faire comme si rien ne s’était passé. C’était presque comme un songe érotique que nous aurions eu en commun. Mais il était difficile d’effacer totalement ce moment d’extase de ma mémoire. Elle semblait ressentir la même chose car ses regards et sourires complices nous trahissaient. Le comportement de Nathalie avait changé à mon égard et cela a sûrement mis la puce à l’oreille de Jean-Pierre.

Maintenant, je me retrouve à sa merci. Je n’avais jamais fait de randonnée de ma vie. J’ai l’impression que les baskets ne sont pas les chaussures idéales pour parcourir des sentiers de montagne. Au détour d’un passage très étroit et escarpé, mon pied a dérapé. Je me suis senti inexorablement glisser vers la vallée, happé par le vide. Là, le bras de Jean-Pierre a empêché ma chute fatale.

Il me maintient entre la vie et la mort, d’une seule main. Je pendouille, pitoyable, comme un pantin désarticulé. Ma main gauche tente vainement d’agripper tour à tour un morceau de roche qui s’effrite, une racine pourrie et une grosse touffe de mauvaises herbes. Seul le bras de Jean-Pierre représente mon salut. Mais il n’esquisse aucun mouvement pour me remonter vers le sentier. Il m’adresse un regard pensif et me demande :

« Est-ce que c’est toi ? »

Là, mon cœur qui battait déjà la chamade augmente la cadence et passe à la vitesse supérieure. Mes joues s’empourprent lorsque je tente une réponse en bégayant :

« Je ne comprends pas.
- Tu sais bien de quoi je parle Daniel. C’est le moment d’avouer. »

Les idées se bousculent dans ma tête. Si je lui avoue, va-t-il me lâcher pour assouvir sa vengeance ou alors me sauver et en profiter pour me tourmenter le reste de mon existence en remuant ma culpabilité comme un couteau dans une plaie béante ? Dans les deux cas, je suis mal barré.
Et si je niais tout simplement ? Mais il semble si sûr de lui. Si je refuse d’admettre ma faute, soit il me sauve pour tenter de me faire avouer en jouant la pression psychologique, soit il me voue à une mort certaine pour me punir de ma grande lâcheté. Dans quel guêpier me suis-je fourré ? Et tout cela à cause de ma frustration. Si je dois mourir, mieux vaut que ce soit la conscience libérée :

« Tu as raison. C’est moi ! Je m’excuse. C’était plus fort que moi. Pardonne-moi, je t’en prie ! »

Jean-Pierre m’adresse un petit sourire satisfait avant de me hisser, dans un effort surhumain, jusqu’à ce que me pieds retrouvent la sensation de la terre ferme. Après un concert de respirations saccadées, nous essuyons les gouttes de sueur qui ont inondé nos visages rouges. Jean-Pierre est le premier à briser le silence :

« Je savais que c’était toi. Si tu la voulais, il suffisait de me le demander au lieu de me la prendre en douce. On est amis tout de même !
- Vraiment ? Je ne serais pourtant mal vu te demander si je pouvais coucher avec Nathalie !
- Moi, je te parlais de l’affaire Van Bidouille que tu m’as piquée. »

J’ai soudainement envie de sauter dans le vide.

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Auteur Commentaire en débat
Bacchus
Posté le: 01-05-2014 14:10  Mis à jour: 01-05-2014 14:13
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Suspension
Ah....décidément, ce Daniel est une andouille qui a bien mérité son sort.
On ne doit JAMAIS toucher la femme d'un ami. Il y en a tant d'autres.
Par contre, puisque c'est toi qui possèdes son destin entre tes mains, je me demande comment tu vas t'y prendre pour le sortir du pétrin dans lequel tu l'as mis.
Ton histoire est bien menée et est très distrayante.
Merci Couscous. Tu as gagné un grand pot de muguet virtuel !
Bises Bacchus
couscous
Posté le: 01-05-2014 14:35  Mis à jour: 01-05-2014 14:35
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Suspension
Je suis d'accord avec toi, chacun ses affaires !

Je ne m'occupe plus de son destin, je le laisse entre les mains des lecteurs. Ils déciderons de son sort !

Merci Bacchus, il sent très bon. Les enfants en ont cueillis dans le jardin de Papy et Mamie et en vendent plein au magasin, histoire de remplir leur tirelire.

Bises

Couscous
maurizioB
Posté le: 01-05-2014 14:56  Mis à jour: 01-05-2014 14:56
Plume d'Argent
Inscrit le: 02-03-2014
De:
Contributions: 426
 Re: Suspension
Bonjour Couscous, et bien voilà ce qui arrive quand on est pas très sûr de soi...
Quand on a, au fond de soi caché depuis des années, un vilain petit esprit de vengeance
Et je crois que je viens d'inventer un proverbe ( enfin, je pense ) pour les bien bavards: " Ne dis mots, à qui n'en sait que trop "
Encore une fois, qu'elle final mes amis
Braaaaaaavissimo, je me suis vu dans un feuilleton du commissaire Maigret
Amitiés, Maurizio
couscous
Posté le: 01-05-2014 15:30  Mis à jour: 01-05-2014 15:30
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Suspension
J'aime bien ton proverbe et je pense qu'il devrait servir à de nombreuses personnes.

Merci pour ton commentaire et ta comparaison. J'en suis flattée ! Surtout le grand Maigret.

Amitiés

Couscous
Donaldo75
Posté le: 02-05-2014 15:24  Mis à jour: 02-05-2014 15:24
Plume d'Or
Inscrit le: 14-03-2014
De: Paris
Contributions: 1111
 Re: Suspension
Moralité: ne jamais avouer !
Eh bien bravo, couscous, c'est du propre de m'amener à une telle conclusion.
Heureusement que c'est un très bon texte sinon j'envoyais Igor.
Urbi et orbi
Donald
EXEM
Posté le: 02-05-2014 16:04  Mis à jour: 02-05-2014 16:04
Plume d'Or
Inscrit le: 23-10-2013
De:
Contributions: 1480
 Re: Suspension
Encore un texte bien ficelé de Couscous. J'en ai encore le vertige.
Tout comme Maurizio, ce texte m'inspire un proverbe qu'on pourrait inclure dans les 10 commandements pour rire :
" Tu dois convoiter la femme de ton voisin car elle est ton épouse."
couscous
Posté le: 02-05-2014 16:35  Mis à jour: 02-05-2014 16:35
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Suspension
Exem, je te tends la main avant que tu ne tombes ...

Ton proverbe est aussi à faire entrer dans les annales ! Ah, ces hommes !

Merci mon ami

Couscous
couscous
Posté le: 02-05-2014 16:36  Mis à jour: 02-05-2014 16:36
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Suspension
Donaldo, la chanson dit bien "N'avoue jamais, jamais, jamais, etc..."

demain est un autre jour mon cher !

Couscous
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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