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Nouvelles : Le pacte
Publié par christianr le 23-04-2012 04:50:00 ( 1439 lectures ) Articles du même auteur



Dans un monde semblable au nôtre vivait un magicien. Depuis la mort de sa femme, il n'avait d'yeux que pour une seule personne, sa fille. Il l'aimait tellement, qu'il s'assurait qu'elle ne manquait jamais de rien. Pour lui, tout malheur qu'elle pourrait vivre lui était insupportable. Il utilisait donc tout le pouvoir de sa magie pour que rien de fâcheux ne lui arrive. Un jouet de perdu? Hop! Il réapparaît! Un genou de fendu? Pouf! Le bobo disparaît! La petite fille eut l’enfance que tout enfant aurait pu rêver.

Mais arrive le jour où les filles cessent d'être petites. Toute la magie d'un père ne peut empêcher leurs enfants de grandir. Le père a dû constater que la nature l'avait maintenant dépourvu de très beaux atouts. Il savait que les garçons de son âge ne manqueraient pas de le remarquer eux aussi. Ayant été jeune également, il savait très bien toute la tristesse que ceux-ci pouvaient causer à sa précieuse fille. Il concevait donc un plan.

Il n'a pas eu à attendre longtemps pour le mettre en application. Sa fille arriva à la maison en trombe, tout heureuse d'avoir une première rencontre amoureuse avec le plus beau garçon de l'école. Le magicien feignit le bonheur et laissa sa fille se pomponner. Prétextant d'avoir à faire des courses, il partit à la rencontre du « prince charmant ». Le destin était du côté du magicien. Le jeune garçon marchait seul vers sa maison. Le moment était idéal pour le plan. Le père déploya alors son illusion. En sondant l'esprit de l'adolescent, il lui fait apparaître la plus belle fille qu'il pouvait concevoir. La réaction ne s'était pas fait attendre. Le bellâtre déclara son amour infini pour la fausse jouvencelle. Immédiatement après la grande déclaration, le visage de l'illusion changea radicalement. De la grande beauté passa à l'horreur. Des délicieuses mains passèrent aux griffes qui agrippèrent le pauvre garçon. D'une voix d'ogre, la femme, qui était maintenant un monstre, fait promettre au garçon de se tenir le plus loin possible de la fille qu'il était censé rencontrer. Après avoir promis dans les pleurs et la terreur, le garçon s'enfuit le plus vite possible du cauchemar qu'il venait de vivre.
Le magicien heureux du succès de son stratagème se dirigeait chez lui pour la suite. Il modifiait l'esprit de sa fille pour lui donner le bonheur de l'oubli, celui de la rencontre et du garçon.

Les mois continuaient et d'autres garçons se présentaient. Comme le premier, ils échouaient au test du grand magicien. Le manège continuait jusqu'à la vie adulte de la fille. Au collège, elle y a rencontré un garçon différent des autres. Il était tombé tout de suite éperdument amoureux. Il était prêt à tout pour elle. Le père avait bien vu la force de ses sentiments, mais il ne voulait pas faire d'exception. L'amoureux se rendait à son cours quand il a vu la fameuse illusion. Immédiatement, il partit à rire, de toutes ses forces. Devinant où se trouvait le marionnettiste, il regardait dans la direction du père désemparé et s'exclamait :

— Astucieuse manigance que voilà! Mais totalement inutile contre un maitre de l'illusion tel que moi!

Eh oui! Le destin a voulu unir la fille du magicien avec un homme tel que lui. C'était lui et sa défunte femme à nouveau. Dans son for intérieur, il le savait. Le doute par contre, toujours présent, le forçait à trouver une façon de s'assurer qu'il ne ferait jamais de mal à sa fille. Il dit donc au prétendant :

— Soit, tu m'as bien eu. Mais avant que je t'accorde la main de ma fille. Comment puis-je m'assurer que tu ne te lasses jamais d'elle et que tu la laisses? Comment m'assurer que tu ne lui feras jamais de mal?

Le jeune homme réfléchissait. Il pourrait combattre l'homme, mais l'avoir de son côté serait plus judicieux. Il eut alors une idée.

— J'ai peut-être une solution. Il existe un vieux rituel, un pacte. On l'appellerait « Hecho de Sangre ». On pourrait l'appliquer à notre situation.
— Hum, vous savez ce que ça impliquerait... Surtout pour vous?
— Bien sûr, celui qui ne respecte pas son engagement est condamné à mourir. Et c'est ce que je suis prêt pour votre fille... On n'aura qu'à mettre comme condition que je ne quitte jamais votre fille.
— Ouais... Mais qui ne me dit pas que vous ne feriez pas volontairement le mauvais mari pour que ce soit elle qui vous laisse?
— Dans ce cas-là, on ajoutera que je ne devrais jamais déplaire à votre fille. Mais j'ai une condition moi aussi.
— Laquelle?
— Que vous ne nuisez jamais à notre couple... Rien ne me dit que vous ne tenteriez pas de me nuire dans le futur.
— Ça me semble raisonnable. Êtes-vous vraiment sûr que vous voulez aller dans une telle avenue? Je vous avertis, je n'annulerais jamais ce contrat.
— Je n'ai jamais été aussi sûr, faisons-le!

Les deux sorciers se mettaient donc à la préparation du vieux rite. Ils ont du récolter une plume d'un aigle chauve d'Amérique, du papyrus égyptien et pour encre, leurs propres sangs qu'ils ont mélangés. Après avoir transcrit les termes du rigoureux contrat, ils ont dû les réciter en diapason. Et c'était à ce moment que les destins des deux hommes furent scellés à tout jamais, à l'insu de la jeune fille. Car si cette dernière n'ignorait pas les pouvoirs des deux hommes, ceux-ci se gardaient bien de lui révéler la vérité sur leur accord.

Au début, tout se passait bien. Les deux tourtereaux convolaient en juste noce. À leur retour, l'amour vivait partout dans la maisonnée. Parfois même, on pouvait voir le bonheur débordé des fenêtres. Mais voilà, tout comme les enfants, on ne peut empêcher l'amour de vieillir. Tout comme un adolescent, les couples vivent des crises, qui sont en réalité des épreuves, celles qui déterminent la valeur de celles-ci.

Il faut comprendre que la fille, qui a toujours eu ses désirs comblés, en est devenue une fille quelque peu capricieuse. Et au grand malheur du jeune sorcier, il fut obligé de céder à toutes ses demandes, contrat oblige. Donc, si la fille était toujours très heureuse dans sa vie de couple, on ne peut en dire autant de notre jeune monsieur. En fait, il en devenait profondément malheureux.

Et vint le jour où il touchait le fond. Il arrivait à la conclusion qu'il devait résilier le contrat. Mais il se rappelait très bien les paroles de son beau-père : « Je vous avertis, je n'annulerais jamais ce contrat. » « Tant pis! », se dit-il, « je n'ai plus le choix! » C'est donc avec beaucoup d'appréhension qu'il se rendait chez le vieux mage. Il sonnait et le vieil homme répondit en robe de chambre. En constatant l'air démoli de son gendre, il s'exclamait :

— Et bien que vous arrive-t-il? Entrez, qu'on en discute!
Les deux hommes se sont assis devant une tasse de thé et c'est à ce moment que le jeune homme décida de faire sa déclaration :
— Je crois qu'on doit résilier notre contrat.
— Quoi? S'exclama le vieil homme en s'étouffant avec son thé.
— Comprenez-moi bien. J'aime encore votre fille. Mais je crois que nous avons fait une erreur en faisant ce contrat. Le contrat n'assurera pas la continuité de notre amour, il va le détruire.
— C'est vous qui faites une erreur. Je vous l'avais bien dit, je n'annulerai jamais ce contrat. Jamais!
— Si je suis malheureux, comment puis-je rendre heureuse votre fille convenablement?
— C'est votre problème mon ami, pas le mien. Sortez, avant que je me fâche vraiment!

…

Le téléphone sonne. La jeune fille y répond. Une voix familière se fait entendre. Il s'agit de son mari, son bien-aimé. Cette même voix a un ton solennel et triste. Elle lui déclare :

— Mon amour, c'est moi, ton mari.
— Je t'ai reconnu, qu'y a-t-il? Tu me sembles perturbé.
— Je t'appelle pour t'annoncer une mauvaise nouvelle. J'ai le malheur de te dire que ton père vient de mourir.

Le cœur de la jeune fille se brise dès qu'ils prononcent ses derniers mots.

— Mais que s'est-il passé? Pourquoi? Pleura-t-elle.
— Pardonne-moi mon amour, mais ton père et moi avons en secret fait un pacte. Un pacte qui assure que je ne te quitte et ne te déplaise jamais sans quoi je mourrai.
— Quoi? Mais pourquoi? Non, je le sais pourquoi, mon père t'a forcé n'est-ce pas?
— Pas du tout! En fait, c'est moi qui le lui ai proposé.
— Alors pourquoi est-il mort en fait?
— Il y avait une autre partie du pacte, qui le concerne. Il ne devait pas nuire au bonheur de notre couple.
— Qu'a-t-il fait pour nous nuire?
— Tu vois, ma chérie, je ne pouvais plus vivre avec les conséquences de notre pacte. Je lui ai demandé de le briser, il a refusé. Cela a causé sa mort. Car ne pouvant plus vivre avec un tel contrat, je serais maintenant forcé de rompre avec toi, donc de mourir.
— Quoi? Non! Attends! Il y a une autre solution, mon chéri, chéri?

Un bruit sourd d'une chute se fait entendre, et un lourd silence suit. Il n'y avait plus que deux cadavres et une fille au cœur éternellement brisé.

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Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 24-04-2012 22:17  Mis à jour: 24-04-2012 22:17
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9505
 Re: Le pacte
Voici un joli conte.
Mais je remarque que les femmes sont toujours dépeintes comme des vilaines capricieuses.
Le récit est bien mené, cohérent, les dialogues sont bien construits.
Quelques remarques sur la syntaxe :
Mais arrive le jour que les filles cessent d'être petites.

Mais arrive le jour où les filles ...
Le magicien feignait le bonheur et laissait sa fille se pomponner

Le père déployait alors son illusion.

Là c'est l'emploi du passé simple qui s'impose
Le magicien feignit le bonheur et laissa sa fille se pomponner
Le père déploya alors son illusion."
« Tant pis»qu'il se dit, Â« je n'ai plus le choix»

« Tant pis! », se dit-il, « je n'ai plus le choix! ».
Sympa ce conte j'ai pensé, au début, à peau d'âne.
Merci
christianr
Posté le: 25-04-2012 15:09  Mis à jour: 25-04-2012 15:09
Plume d'Or
Inscrit le: 17-03-2012
De: Boisbriand, Québec
Contributions: 125
 Re: Le pacte
Citation :
Mais je remarque que les femmes sont toujours dépeintes comme des vilaines capricieuses.


Commentaire intéressant, j'avoue ne pas y avoir pensé en l'écrivant... Je ne crois pas voir toutes les femmes capricieuses... Mais je crois qu'on a tendance à traiter nos filles plus comme des princesses que les garçons résultat cela donne des adultes capricieux. C'est une théorie évidemment...

Citation :
Sympa ce conte j'ai pensé, au début, à peau d'âne


Ça doit faire très longtemps que j'ai lu ce conte, car je me rappelle à peine de quoi ça parle, si ce n'est qu'une fille qui s'habille d'une peau d'âne. Faudrait bien que je le relise...

Merci pour les beaux commentaires et les corrections!
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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