Six-Fours, Var. Lundi 18 juillet 1976. Six heures quarante. En tombant sur le bouton noir, le doigt lourd d’Archange réprime le tapage matinal de son réveil. A six heures quarante, car depuis deux ans qu’il est à la retraire, Archange a décidé de s’octroyer tous les jours, une ration supplémentaire d’horizontalité. Trente cinq ans durant, les premières secondes après six heures trente, l’ont assis sur le bord du lit pour le pousser ensuite vers sa journée d’instituteur. Sinon, rien n’a changé vraiment sur le seuil de ses journées. Une fois levé, la même poix entre les cils, le même froissement au bout des doigts Un froissement lent et soutenu. Un bruit de bouts de doigts contre des bourses molles. Il arrivait, au cours de ses journées de travail, que cette manie échappe à sa vigilance. L’hilarité de ses élèves lui faisait alors reprendre une contenance plus convenable. Malgré les remarques et les remontrances qu’il subissait depuis son adolescence, ce tic pas chic restait tenace. C’est à la rentrée 1964/65 que Rémi Oustalet, qui triplait son cours moyen deuxième année, avait offert à son fidèle auditoire de la cour de récréation : « à force de se gansailler les œufs, il finira par se faire une brouillade! » Dès lors le sobriquet de « Brouillade » avait supplanter dans l’école, y compris parmi les enseignants, celui de « Gratte-couilles ».
Non, rien n’a vraiment changer sur le seuil d’une journée d‘Archange, pas même l’écoute assidue des infos de 7h00 sur radio Monté Carlo. Et ce lundi 18 juillet 1976, les infos de 7h00 ouvrent sur l’annonce d’un hold-up perpétré durant le week-end dans une agence niçoise de la Société Générale. Les cambrioleurs se seraient introduit dans la banque par un tunnel creusé sous la rue. Un des premiers enquêteurs dépêché sur les lieux, évoquait au micro du journaliste, une inscription laissée par les malfrats dans la salle des coffres : « Ni arme ni violence et sans haine! » En entendant cela, sidéré, Archange replonge instantanément, deux semaines plus tôt, dans une discussion qu’il a eut au téléphone avec son neveu. Au milieu de cette conversation, qui déplorait la perte du titre de champion de France par l’O.G.C Nice, à cause, s’accordaient ils à dire, d’évidentes carences offensives; Albert, le neveu demanda:
« comment tu dirais ? » :
« ni violence ni haine » ou « sans violence et sans haine »
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