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Nouvelles : Azéline Chapitre 22
Publié par arielleffe le 02-04-2014 09:50:00 ( 965 lectures ) Articles du même auteur



Il est 8 heures du matin à Lannargan. Béryl se maquille les yeux en pensant à cette pauvre jeune fille aux sourcils brûlés. Son frère avait eu une riche idée d’inventer le mascara pour elle.

- Toutes les femmes en mettent maintenant.

La voix d’Azéline l’a faite sursauter.

- Zut, j’en ai mis sur ma joue ! Je ne t’entends jamais venir !

- Excuse-moi, je devrais faire plus attention, je ne me rends pas compte.

Azéline et Béryl s’installent sur le canapé du salon. Marie-Madeleine est partie jouer au bridge avec des amis. La maison est à elles, et aux animaux… La jolie brune est d’humeur songeuse.

- Le mascara, la vie avec Germaine, je me demandais où tout cela allait me mener. Je savais qu’une jeune fille comme il faut devait se marier et avoir des enfants. J’aurais pu rester vieille fille et continuer à vivre avec Germaine. Il y avait quelquefois des femmes non mariées qui habitaient ensemble et ça ne semblait choquer personne. Le problème c’est que je savais que ma bienaimée n’accepterait jamais cette vie « ordinaire » à laquelle j’aspirais. Germaine repartirait à Paris, elle ne serait jamais institutrice, elle faisait des études pour faire plaisir à ses parents.
- Tout ça devait te rendre bien triste ma pauvre Azéline.

- Il est vrai que j’avais parfois des accès de mélancolie. Ma vie était tellement intéressante, je vivais Béryl, je vivais. Mais je savais aussi que tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain. L’ambiance était étrange avec cette guerre qui menaçait d’éclater. Nous pensions en sortir vainqueurs mais elle nous faisait peur. Il y aurait des blessés, peut-être des morts, et si des gens que nous connaissions en faisaient partie ? Ils seraient morts pour la France, nous savions que leur courage serait célébré, mais ils ne seraient plus là ! Nous étions bien loin de la vérité, hélas ! Seul Jules était plus lucide que nous, il avait peut-être un pressentiment, il était très sensible.
En tous cas, j’ai bien fait d’en profiter. Plus tard dans les moments difficiles le souvenir de ma jeunesse à l’Ecole Normale m’a fait supporter beaucoup de choses.

- Pourquoi est-ce que tu n’es pas restée à Rennes, ou dans une autre grande ville ? Rien ne t’obligeait à revenir ici.

- Je t’expliquerai cela plus tard, petite Béryl. Tu raisonnes comme une fille du 21ème siècle. N’oublie pas que j’ai vécu tout cela au début du 20ème.

- Est-ce que vous alliez au cinéma ? Germaine te raconte une de ses sorties à L’Omnia Pathé de Paris, est-ce qu’il y en avait un à Rennes ?

Le visage d’Azéline s’éclaire.

- Nous allions à l’Opéra…

§§§§

Germaine et Azéline sont prêtes. Elles finissent d’ajuster leurs chapeaux, il ne reste plus qu’à mettre des gants.

- Dépêche-toi ma Germaine, les garçons nous attendent en bas.

- Attends je vais mettre un peu de parfum. Shakhyamuni de Paul Poiret, c’est mon préféré.

- Encore un cadeau de ta tante.

Les yeux verts de Germaine pétillent.

- Non ma beauté, d’un a-mou-reux.

Azéline ne comprend pas pourquoi Germaine s’ingénie à la faire souffrir comme ça.

- Ne prends pas ton air pincée ma jolie ! Je l’ai ramené de Paris. C’est Gontran un ami de mes parents qui me l’a offert. Il a 50 ans, c’est un vieux barbon.

- Tu acceptes les cadeaux des vieux messieurs maintenant ? Ses intentions ne devaient pas être si pures ! Tu ne m’en as jamais parlé de ce Gontran.

- Il est veuf et très riche. Mes parents me verraient bien me marier avec lui.

Elle regarde Azie du coin de l’œil pour voir l’effet produit.

- Tu vas te marier avec lui ?

Germaine enlace sa bonne amie et la regarde dans les yeux en replaçant une mèche de cheveux qui s’échappe de sa capeline.

- Mais non que tu es bête ! Je n’aime que toi, tu le sais bien. Tu me vois au bras d’un vieux monsieur aller parier aux courses et faire des courbettes devant la bonne société parisienne ?

En disant cela la jeune femme mime des révérences ridicules, et fait semblant de soutenir un vieillard qui ne pourrait plus marcher.
Azéline rit à la vue de cette comédie, mais elle ne peut s’empêcher de retrouver cette inquiétude pour l’avenir qui semble ne jamais vouloir la quitter.


Henri et Jules attendent les deux jeunes femmes. Ils portent un costume trois pièces et un chapeau. Le premier a même apporté une canne pour se donner de l’importance. Aucun rapport avec le vieux Gontran de Paris cependant. On dirait Rudolph Valentino !

- Bonjour les filles, que vous êtes jolies ! Germaine, tes yeux de biche me font craquer. Dit-il en lui tendant son bras.

Nos deux demoiselles sont devenues expertes en maquillage, et Azéline parvient même à mettre un peu de mascara sur ses cils, et de la poudre de riz.

- Qu’est-ce que c’est que ce parfum envoûtant ? Germaine tu embaumes !

Henri et sa compagne sont aussi bruyants et voyants qu’Azéline et Jules sont discrets. La seule extravagance du jeune homme est la couleur flamboyante de ses cheveux, mais ils sont dissimulés sous un canotier.
Les deux couples marchent jusqu’à l’Opéra qui est un superbe théâtre dans le centre de Rennes, pas très loin de la Vilaine. A l’affiche : « Fantômas » de Louis Feuillade avec René Navarre. Azéline et Jules ne sont jamais entrés dans un lieu pareil. Il y a des dorures partout. L’entrée coûte un franc, ce qui est assez cher, mais il y a un spectacle, un documentaire et enfin le film. Tout cela est accompagné par la musique d’un orchestre. Les deux jeunes campagnards sont émerveillés, ils ne savent plus où regarder, tout est tellement beau. Le théâtre est immense. Les gens se pressent à l’entrée. Tout le monde a mis sa tenue du dimanche, les enfants sont très sages, ils sont aussi intimidés que nos deux amis.
Les places se situent au balcon et il faut monter un grand escalier recouvert d’un épais tapis rouge qui étouffe le bruit des pas. En haut, la salle est immense. Une multitude de fauteuils recouverts de velours rouge attendent le public. Azéline, Jules, Germaine et Henry s’assoient juste derrière la balustrade en bois doré. En bas, au pied de la scène, se trouve la fosse d’orchestre.
Le spectacle commence avec une chanteuse qui imite Mistingett
https://www.youtube.com/watch?v=KAtmLlz83Qc
à la perfection. Elle chante, elle danse, le public est aux anges. Certains lui font des déclarations d’amour :

- Je t’adore, veux-tu m’épouser ?

La chanteuse rit et intègre les interventions à son spectacle. Elle répond avec la gouaille de son modèle.

- Y’m prend pour la belle Otéro c’ui-là !

- Plus haut la jambe, plus haut !

- Fallait aller voir du French Cancan mon joli cœur !

Le public adore. Tout le monde s’amuse, un joyeux brouhaha est présent dans la salle.
Au bout d’une heure, la fausse Mistingett sort de scène sous les bravos, les hourras et les gerbes de fleurs. Il y a un court entracte. Azéline et Jules n’osent pas quitter leur place de peur de manquer la suite du spectacle. Germaine et Henri partent visiter ce palais du divertissement.
Jules est enthousiaste :

- Pas besoin d’aller à Paris pour voir des gens célèbres, cette chanteuse valait toutes les divas à la mode.

- Tu as raison, j’ai adoré son spectacle. J’espère que je n’ai pas chanté faux mais la musique était si entraînante que je n’ai pas pu m’empêcher de l’accompagner.

- Mais non ma charmante, ta voix est beaucoup plus jolie que celle de cette chanteuse.

Azéline est toujours un peu gênée quand Jules devient tendre, elle a l’impression d’être malhonnête avec lui. Comme toujours dans ces cas-là, elle essaie de faire diversion.

- J’aperçois Germaine en bas, elle nous fait de grands signes. Ils remontent je crois, on entend la sonnerie qui rappelle les gens à leur place.

Les spectateurs se précipitent vers leurs fauteuils, mais Germaine et Henri sont bloqués, ils n’arrivent pas à rejoindre leurs amis.

- Je m’en doutais, peste Azéline. Ils n’avaient pas assez de temps pour descendre, Germaine ne tient pas en place, ils ne vont pas pouvoir nous rejoindre !
Les lumières s’éteignent, le lourd rideau qui recouvre le mur du fond, s’ouvre lentement sur un écran immense. L’orchestre abandonne le répertoire de la chansonnette pour une musique plus romantique où les violons ont la part belle. Il s’agit maintenant d’un documentaire sur les transatlantiques. On voit un magnifique paquebot blanc. Des gens très élégants arpentent les ponts et fond des signes à leur famille restée à terre avec de grands mouchoirs immaculés ou de jolis foulards.
Des sous-titres accompagnent les images.

New-York et l’Amérique sont à 5 jours et demi de la France.
Les distances ne comptent plus ! Désormais vous pourrez danser à Rio en 10 jours !
Vous préférez aller respirer l’air de Buenos Aires et bien 13 jours vous suffiront pour aller danser le tango.
Les cabines sont magnifiques, elles sont toutes plus luxueuses les unes que les autres. Le restaurant est impressionnant avec ses tables recouvertes de nappes blanches et de vaisselle précieuse.
Germaine et Henri sont enfin parvenus jusqu’à leur place, une ouvreuse les y a conduits avec l’aide d’une petite lampe à pétrole.
Même l’amie d’Azéline est impressionnée.

- Ils sont magnifiques ces bateaux, on peut y rencontrer toutes sortes de gens célèbres.

- J’aimerais tellement faire une croisière avant de mourir, soupire Azie.

- Mais enfin, bien sûr que tu en feras une, nous irons tous sur un de ces bateaux, pas vrai les garçons ?

Germaine vit dans un monde qui n’est pas celui de ses amis, tout semble possible pour elle.

Le documentaire se termine avec des images de riches Parisiens profitant des bains de mer à Deauville.

L’eau de mer guérit tous vos maux, si vous voulez rester en bonne santé venez tremper vos pieds sur la côte Normande !

Le film va enfin commencer. Certains enfants se sont endormis. Azéline se dit que ce n’est pas plus mal. Ce Fantômas est horrible. Il tue les gens à tour de bras. On le voit même découper la peau des mains d’une de ses victimes pour s’en faire des gants ! Quel sinistre individu ! Ce stratagème lui permettra d’échapper une nouvelle fois à la police. Les experts munis de pinceaux et d’une poudre sombre retrouveront les empreintes d’un autre sur les lieux du crime. Les spectateurs ont beau crier pour aider les policiers, Fantômas s’échappe une nouvelle fois en riant.
https://www.youtube.com/watch?v=lx17rDzUnnU

La journée se finit par un souper dans l’enceinte même de l’Opéra. Un restaurant se trouve dans le hall de la salle et les quatre jeunes gens trinquent à leur jeunesse, et à la chance qu’ils ont d’être nés à une époque où l’on peut voir de si belles choses.
FB arielleffe

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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