Monsieur Tiroir
Avait l'allure d'une armoire à glace
Meublé comme un vaisselier
Dont on aurait fait bon usage

Monsieur Tiroir
Se promis il y a de cela des années
De trouver l'âme idéal
Las de sa vie de placard inanimée

Si bien qu'il finit par tomber
Sur une meublette bien garnie
Espérant feindre de s'y engouffrer
Oubliant toutes gamineries

Monsieur Tiroir
Seul et prenant la poussière
Décida qu'il était temps
D'entrer en elle de n'importe quelle manière

Mais oubliez donc la jolie fin
Puisque meublette fut vendue
Au plus offrant des clients
Qui romprait leur amour absolu

Monsieur Tiroir
Mort de chagrin, vit son bois
Petit à petit prendre humidité
Jusqu’à perdre tous ses éclats

Ses pensées tournées vers celle
Qui fut vendue pour un prix si bas
Une modique somme, pas une merveille
Que le meuble voisin en frissonna

Monsieur Tiroir
Finit loin des siens, abandonné
Dans un coin du garage
Seul à se morfondre, à ressasser le passé

Mais entre deux larmes une voix
Celle d'une poignée de porte
Aussi vieille et usée que son bois
Celle qui depuis, quand il pleure le réconforte

Monsieur Tiroir
Même s'il perdu l'être aimé
Décida que finalement, après tout ce temps
Il avait trouvé mieux, une jolie poignée

Monsieur Tiroir
Avait l'allure d'une armoire à glace
Meublé comme un vaisselier
Dont on a fait bon usage.