J’ai une petite sœur !!!! Elle est toute petite, je ne la vois pas beaucoup, elle est soit dans les bras de ma mère, soit dans son berceau, ou bien dans son landau. Elle est toujours emmitouflée dans des couvertures et des langes, forcément elle est née l’hiver donc elle est toujours malade, ma mère a peur qu’elle ne meurt. Moi je suis née l’été, je suis solide ! - Elle a encore une rhino pharyngite, elle ne mange rien ! Moi j’ai bon appétit, et je suis en bonne santé ! Mais moi on ne me regarde pas. - Quel joli bébé, elle ressemble à sa mère, guili guili ! Moi je ressemble à mon père, il est gros et il pique quand on l’embrasse.
Un jour, une lettre arrive de Bretagne.
Chère Janine, Mon petit garçon s’ennuie, si tu veux tu peux m’envoyer ta fille en vacances cet été. Notre sœur Lucienne peut passer par Le Havre et nous la ramener. La petite pourra rentrer avec toi quand tu viendras passer quelques jours chez nous avec le bébé. Je t’embrasse, Madeleine
Quelle bonne idée, je vais pouvoir jouer avec un copain et ne pas rester à attendre que Miss l’ange se réveille, boive son biberon et fasse son rot. - Oh elle a souri, regardez comme elle est mignonne ! Il est temps que je parte d’ici.
Un jour, on frappe à la porte, une dame et un monsieur arrivent avec deux très très grands enfants. Le garçon a l’air gentil mais il est beaucoup plus vieux que moi, il doit avoir douze ans et moi quatre, pour jouer ça va être compliqué. - Alors on t’emmène tu es contente ? Lucienne est ma tante, elle a la même voix que ma mère mais elle est beaucoup mieux habillée. Je ne sais pas quoi répondre, je ne sais pas si je suis contente, et je ne sais pas si j’ai envie d’aller en vacances avec eux. D’abord c’est quoi les vacances ? C’est quand il n’y a pas d’école, je suis déjà en vacances !
Le lendemain nous partons en voiture. Ils doivent être riches parce qu’ils ont une voiture. Mes parents n’en ont pas. Mon oncle Henri est très énervé, les deux grands se chamaillent. A peine sommes-nous partis que nous nous arrêtons pour manger dans un restaurant. - Alors tu as bien dormi ? Tu as piqué un sacré roupillon !
Ca amuse beaucoup mon cousin Riton, il a des fossettes au milieu des joues quand il rit, comme moi, et comme sa sœur, nous sommes de la même famille ! Je ne suis jamais allée au restaurant, il y a des tables avec de jolies nappes à carreaux et des chaises en bois. - Qu’est-ce que tu as prévu à manger ? Demande mon oncle. Ma tante a l’air très ennuyée. - Je crois que le poulet est resté chez Janine dans le frigo.
- Comment ! On n’a rien à manger, je conduis, je suis fatigué et il n’y a rien à manger ! Tu es une bonne à rien, ce n’est pas possible ! Tata Lulu qui est très gentille, est très embarrassée. Nous sommes dans un restaurant où « on peut apporter son manger », sauf que nous on l’a oublié dans le frigo… Mon oncle n’a pas l’air très gentil, j’espère que ceux chez qui je vais sont plus gentils que lui. Le restaurateur nous amène du poulet et des frites, tout est très bon, mais mon oncle n’arrête pas de dire que ça va coûter cher, alors je n’ose pas toucher à mon assiette. - Et en plus elle n’a rien mangé ! Un plat acheté pour rien ! Les adultes ne sont jamais contents. Après des heures en voiture, et plusieurs arrêts pipi et vomi qui ont encore énervé tonton Henri, nous arrivons à Lamballe en Bretagne. La maison où habite ma tata Madeleine est très grande, elle est partagée en appartements. Plusieurs familles de gendarmes habitent là , il y a un très grand jardin autour, c’est la campagne, j’adore ! Par contre j’ai un peu peur de rencontrer mon oncle, si je fais une bêtise il va peut-être me mettre en prison, et s’il est aussi méchant qu’Henri…
Un garçon de mon âge s’approche. - Dis bonjour à ta cousine, ne sois pas timide ! Le courant passe tout de suite, il est habillé en cowboy comme dans les films. Il me tend un chapeau à larges bords, et nous partons en courant nous amuser.
Pendant deux mois j’ai appris ce que voulait dire le mot « vacances ». Nous partions le matin dès huit heures et excepté au moment des repas, nous ne rentrions jamais dans la maison. Il m’a montré comment attraper les limaces, j’ai vu ma tante tuer et dépecer un lapin. J’ai fait de la voiture à pédale, et j’ai fait un tas de bêtises dont personne ne s’apercevait, puisque personne ne nous surveillait.
Un jour, ma mère est arrivée avec ma petite sœur qui était toujours un bébé : - Tu vas la trouver changée ! Et bien non, elle ne marche pas et ne parle toujours pas ; J’ai su que ce merveilleux moment allait bientôt prendre fin, que j’allais retourner dans le petit appartement sombre à l’atmosphère irrespirable.
Le retour au Havre se fit en taxi breton. C’est un taxi que les marins prennent pour embarquer au port ou pour rentrer au pays. Il m’a fallu quelques jours pour me réhabituer à la vie citadine. La rentrée approchait, la pluie était de plus en plus fréquente. J’étais bien aussi finalement avec ma mère et ce petit bébé qu’il me tardait de voir grandir pour jouer aux cowboys. L’année prochaine je retournerai en Bretagne c’est sûr !
FB arielleffe
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