Le caddy de Marie
Marie sort de chez elle, un petit appartement dans le quartier est de Bruxelles. Elle tire son vieux caddy rouillé au tissu orné de grandes fleurs rouges aux couleurs fanées. Le caddy cliquotte, Les verres s’entrechoquent En sortant de l’ascenseur, elle envoie un signe de bonjour à la gardienne qui nettoie les escaliers. Tout en se frottant le front, cette dernière lui renvoie un bonjour tonitruant qui résonne dans tout l’immeuble. Le caddy clicotte Les verres s’entrechoquent Marie prend la direction de le Rue du Roi Chevalier. Sa démarche est lente, incertaine, chancelante parfois. Après quelques centaines de mètres, elle s’arrête devant le café « Au bon vivant ». C’est là que Gilbert lui avait demandé sa main. Elle était serveuse et était tombée sous le charme de ce client régulier et aux pourboires faciles et généreux. Mais la vie conjugale ne fut pas celle dont elle avait rêvé. Gilbert continua à rester fidèle au même caberluche même si Marie n’y travaillait plus, trop occupée à prendre soin de leurs enfants, Nathalie et Christophe. Il donnait toujours des dringuelles aux serveuses, empêchant ainsi l’achat de choses essentielles pour sa famille comme un manteau pour Christophe ou des chaussures pour Nathalie. Marie reprend sa route. Le caddy clicotte Les verres s’entrechoquent Le divorce fut long et pénible. Puis il a fallu assumer seule l’éducation des enfants. Ce ne fut pas facile tous les jours. Les bouteilles de rouge permettent d’oublier un temps ses malheurs. Lorsque les enfants eurent pris leur envol, Marie ressentit un vide que l’alcool put en partie combler. Le caddy clicotte Les verres s’entrechoquent Rapidement, ce fut la maladie qui s’invita dans sa triste vie. Une maladie longue et douloureuse, celle qui vous broie le corps et l’esprit à coups de médicaments et d’opérations. Là , ce fut Monsieur Scotch et Madame Whisky qui restèrent ses seuls amis. Le caddy clicotte Les verres s’entrechoquent Et puis, comme si un monstre, après l’avoir bien mâchée, l’avait recrachée, la maladie l’abandonna et Marie fut guérie. La vie pouvait reprendre son cours. Maintenant, elle était âgée de septante-deux ans, le visage buriné par le temps et les épreuves. Elle sort un mouchoir afin d’essuyer son nez rougi. De grands cernes ornent ses yeux fatigués. Un jeune homme passe à ses côtés et la dévisage, d’un air hautain en pensant « Encore une alcoolo ! » et il s’éloigne en pressant le pas. Le caddy clicotte Les verres s’entrechoquent Marie parvient finalement à la grande bulle de collecte du verre et ouvre son caddy fleuri. Elle en sort des bocaux de tomates pelées, de petits pois, de flageolets, de chou rouge, une bouteille d’huile d’olives et une de vinaigre. Ensuite, elle rentre à la maison afin de remplir son caddy avec la casserole de soupe tomate et les divers légumes préparés afin de les porter aux Restos du Cœur, comme elle le fait plusieurs fois par mois, lorsque sa maigre retraire le lui permet. Le caddy clicotte Les plats s’entrechoquent
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