Plus rien ne sera pareil …
Nous sommes le 24 décembre et toute la ville semble en effervescence : derniers achats de nourriture telles que les huîtres afin d’en assurer la fraîcheur, passage chez le traiteur ou le coiffeur, cadeaux de dernière minute à dégoter pour un invité inattendu ou un cousin du Canada qui débarque.
Personnellement, je me suis organisée pour que tout soit prêt à temps, sans stress. Il faut dire que nous ne sommes jamais nombreux à réveillonner à la maison : mon mari et moi, nos trois beaux enfants et ma grand-mère paternelle. D’ailleurs, son cadeau trône sous le sapin depuis ce matin : une bouteille de son parfum préféré « Angel ». Je me souviens qu’à l’occasion d’un de ses anniversaires, il y a plusieurs années, mon grand-père avait briffé tout le monde pour acheter ce parfum. Sa femme a donc reçu quatre bouteilles, de quoi sentir bon longtemps ! Qu’est-ce qu’on avait ri ! Il est 19 heures et j’achève les derniers préparatifs avant de me mettre en route pour aller chercher Mamie. C’est alors que le téléphone sonne. C’est sûrement elle qui s’impatiente déjà !
Au bout du fil, une dame me demande : « Vous êtes Madame C., petite-fille de Madame D. ? »
J’émets un oui inquiet et hésitant.
« C’est l’hôpital. Votre grand-mère a fait une chute devant chez elle. Un voisin a prévenu l’ambulance. Elle a été admise aux soins intensifs. »
Sans répondre, je raccroche prestement. J’ai l’impression que le sol va se dérober sous mes pieds, mon cœur s’emballe et ma gorge se serre. Je me ressaisis et attrape mon sac à mains. Je lance une phrase explicative rapide à mon mari et court vers la voiture.
Arrivée devant le service des soins intensifs, je trouve porte close. Sur ma droite, je remarque une sonnette qui active un interphone. Je décline mon identité à la voix masculine qui me répond « Entrez. »
Un infirmier maigrelet m’amène jusqu’au chevet de Mamie. Elle a des tuyaux partout et seuls les bips d’une machine rompent le silence pesant. Mon aïeule ouvre les yeux et me sourit faiblement. J’ai envie de lui poser plein de questions mais je sais qu’elle n’aura pas la force d’y répondre.
Un médecin se poste dans l’embrasure de la porte et m’informe qu’elle a fait un infarctus et qu’ils ont dû la réanimer. Là , je m’adresse à Mamie en lui prenant la main :
« Ben, t’en fais toi ! Tu as oublié que je venais te chercher pour le réveillon ? Tu n’as pas le droit de nous faire de telles frayeurs ! »
Elle referme les yeux et la machine commence à s’affoler, provoquant une arrivée massive d’infirmières et du médecin. Ce dernier se met à faire un massage cardiaque avant qu’une paire de palettes viennent offrir l’électrochoc, peut-être salvateur …. Mais il n’en est rien.
Quelques minutes plus tard, l’infirmière éteint la machine qui n’émet maintenant qu’un sifflement strident et monotone. Je croise des regards de compassion, je sens une main se poser sur mon épaule avant de me retrouver seule dans la pièce.
Je pose un baiser sur la joue ridée de Mamie. Ce réveillon et les suivants ne seront plus jamais les mêmes ….
à la mémoire de ma chère Mamie.
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