Depuis le 13 Août j’ai 50 ans. Un demi-siècle, ça fout la trouille. Quand j’étais petite les personnes de cet âge ma paraissaient être des vieillards. Aujourd’hui, j’ai des amis de 60 ans et plus qui font du sport et s’habillent normalement, c'est-à -dire à la mode. Ils n’ont pas encore revêtu l’uniforme des vieux : robe sac en acétate pour les femmes qui veulent cacher leur embonpoint, couleurs criardes ou bordeaux triste ; pantalon marron en acrylique pour les hommes avec blouson beige et casquette. On voit les Rolling Stones à la télévision en jeans et Perfectos, ouf !
Au milieu des pubs Damart, Anne Weyburn et couches pour incontinents, (je suis sur les « mailings » des vieux maintenant), je trouve une lettre de l’assurance maladie :
« Madame X,
Vous venez d’avoir 50 ans (merci, on est au courant !), Le cancer colorectal (beurk !) touche un nombre important de personnes. Dans le cadre d’un dépistage systématique, nous vous invitons à prendre rendez-vous avec votre médecin munie de cette lettre.
Veuillez agréer… »
J’ai déjà vu comment ça se passe, on doit passer une petite bandelette sur un caca bien frais. Pas très réjouissant, mais c’est pour la bonne cause. Je prends rendez-vous chez mon médecin.
« Je ne fais plus faire ce genre de test, c’est de la bêtise. Un de mes patients a failli mourir parce qu’aucune trace de sang n’avait été détectée dans ses selles. Il maigrissait, donc je lui ai prescrit une coloscopie, il avait une tumeur grosse comme une balle de tennis dans l’intestin, c’était impressionnant ! »
Elle regarde mon dossier :
« Votre mère et votre tante ont eu un cancer du côlon ? On ne rigole pas avec ça, je vous fais une ordonnance. Vous irez voir mon ami Bolgarski, il est très sympa.
- Vous êtes sûre que c’est obligatoire ? Je me sens bien, je suis sûre que je n’ai rien.
- Quand il y a une tumeur c’est trop tard, c’est un mauvais moment à passer mais ça évite pas mal d’ennuis. Prenez rendez-vous le plus vite possible.»
Martine (mon médecin s’appelle Martine), tu n’es pas sympa aujourd’hui ! Je n’ai pas du tout envie de faire cet examen. Ma mère m’a toujours dit que c’était très pénible, d’ailleurs à la fin, elle refusait de le faire, ma tante aussi d’ailleurs. Il fallait boire des litres de « plâtre » dégoutant, et on avait la colique pendant 24 heures.
J’envoie un message à ma sœur, elle me répond :
« On me demande d’en passer une régulièrement mais je ne l’ai pas encore fait. J’ai une copine qui m’a dit que c’était mieux qu’avant et que le liquide à boire n’était plus aussi mauvais qu’avant. Maman devait passer la nuit à l’hôpital, maintenant on rentre le soir même. »
Je ne suis qu’à moitié rassurée. Allez courage ! Il y a plein de gens qui en passent tous les jours, je ne vais pas faire ma mauviette.
Je passe à la pharmacie :
« Vous allez passer une colo ? (quand on est branché et qu’on parle comme les médecins, on dit « colo », bien que ça ne soit pas des vacances…), pourquoi on vous demande ça ? »
- Ma mère et ma tante ont eu un cancer colorectal, mais rassurez-vous elles ne sont pas mortes de ça.
La pharmacienne me regarde comme si j’étais déjà passée de l’autre côté du miroir. Entre les cancers du sein et les cancers du côlon, les femmes sont assez gâtées dans ma famille.
« Voici un verre mesureur, la poudre à mettre dans l’eau, et l’arôme de vanille. Vous n’êtes pas obligée de l’utiliser, certaines personnes trouvent que le goût est encore pire avec la vanille, (encore pire…). Vous pouvez aussi mettre du sirop de menthe si vous préférez.
-On m’a dit que ça s’était amélioré et que la potion était moins difficile à avaler maintenant.
La jolie blonde a une moue dubitative :
-On n’est jamais venu m’en redemander après l’examen… »
Me voilà prévenue, ça ne va pas être une partie de plaisir.
Je prends rendez-vous avec le gastro-entérologue et l’anesthésiste.
Le jeune homme qui va m’endormir me dit qu’il remplace un certain docteur Martin. Il m’indique les tarifs, ce praticien est dans le secteur 1, ce qui signifie que son acte sera complètement remboursé ; si il avait fait partie du secteur 2 ses honoraires étaient libres et il aurait fallu que je change la date de mon intervention pour avoir un autre anesthésiste. Je n’ose pas imaginer le bazar dans l’organisation pour que les deux spécialistes et moi soient disponibles le même jour !
« On vous a donné une feuille avec le régime à suivre ? Suivez bien toutes les indications surtout. Quelle est votre taille, et votre poids ?»
Il a l’air satisfait de mes mensurations de mannequin, je sens du respect dans son regard. Il y aura moins de risques d’accident pour lui, c’est aussi bien. La tension est bonne, tout s’annonce pour le mieux.
« C’est un examen qui ne dure que 20 minutes, après on vous place en salle de réveil, et vous retournez dans votre chambre. Quelqu’un doit venir vous chercher, il ne faut pas rentrer seule. »
Je demanderai à une amie de venir, j’espère qu’il y en aura une de disponible, mon « cher et tendre » ayant déserté quelques mois plus tôt.
« Vous risquez d’avoir un peu mal au ventre après l’examen.
Je le regarde inquiète,
-On vous met de l’air dans l’intestin donc, de retour dans votre chambre, vous allez être ballonnée. Il ne faut pas retenir les gaz surtout, il faut qu’ils s’évacuent. »
Je regarde ce jeune médecin séduisant me parler de mes prouts qu’il ne faudra pas retenir dans la chambre que je vais partager avec quelqu’un dans le même état que moi, j’imagine déjà le concert de pets que je vais jouer avec une inconnue… Tout avait bien commencé, il m’avait trouvé séduisante, là , je viens d’en prendre un sacré coup ! Je n’ai vraiment pas envie de vivre ça !!!
(Ã suivre ...)
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