Vous ne me croirez pas : j'ai été jouvenceau ! J'étais le benjamin de toute la famille. Jusqu'à ce qu'un neveu arrive et me torpille, Et il m'a fait tonton, ce petit vermisseau !
Avant lui, c'était chouette. Parfois, je ronronnais. Tous les meilleurs morceaux, ben c'était pour bibi. On me faisait manger, me passait mes habits, Mes soeurs étaient ravies et elles me pouponnaient.
Mais j'ai, en grandissant, ruer dans les brancards. Me laver le zizi ! à onze ans, on veut plus. Certains petits détails, brusquement, m'ont déplu, Je désirais parfois être mis à l'écart.
Et puis tous mes tontons, rois du 'guili-guili ', Voyaient toujours en moi le gamin en bas-âge; Mais leurs billets glissés avaient leur avantage, Je me faisais petit et ils étaient ravis.
Maman passant sur moi son trop-plein de tendresse, Dernier 'petit dernier", mettait les bouchées doubles, Et j'en ai profité car, de terreur en trouble, J'ai dû lui faire mûrir sa précoce vieillesse.
J'étais le beau ' Ti-clôd' ', aimé et dorloté. Croyez-moi, j'ai connu pire situation. Jamais je n'ai laissé passer une occasion D'être le grand chéri et le petit gâté.
Et maintenant encor, j'avoue, je lui en veux. Il est venu troubler une vie bien pépère. Cette phrase, aujourd'hui, toujours me désespère : " Puisque t'es le plus grand, promène ton neveu. "
|