A chacun son dû ( 3ème partie ; suite )
A la naissance d’Ismaël, Le juif changea de comportement. Il n’était plus l’homme séducteur qui la câlinait, la caressait à chaque rencontre. Taciturne et renfermé, il avait toujours l’air absent. Inquiète par la tristesse qui se lisait sur le visage de son amant, Leila le suppliait de se confier à elle et de lui raconter tous ses soucis afin qu’elle puisse l’aider si elle le pouvait. Le juif répétait à chaque fois qu’il savait à l’avance qu’elle ne pouvait pas le secourir. Mais lorsque Lalla éclata en sanglots, Shimon fut convaincu que le fruit était mûr et qu’il fallait impérativement le cueillir. Il n’avait pas oublié les fameux pots de vin qu’il avait versés au juge. Il décida donc de se servir de la femme de ce dernier pour récupérer son dû. Allongé tout nu à côté de Leila, Shimon choisit ce moment de détente pour l’informer qu’il avait besoin d’argent, de beaucoup d’argent, s’il voulait sauver son entreprise. Il ne pouvait plus payer les crédits qu’il avait contractés auprès des banques. Il devait agir vite s’il voulait éviter la prison. Même le juge ne pouvait pas le faire sortir de cette crise. Il ajouta : « - j’aurais aimé vivre le reste de mon âge avec toi, mon amour, dans le plus beau pays d’Europe. Malheureusement, tous les rêves que j’ai caressés jusqu’à aujourd’hui risquent de tomber à l’eau ». Il conclut son histoire : « - je suis le plus malheureux des hommes. J’ai peur de te perdre, moi qui ai toujours envisagé de t’épouser et de vivre avec toi et Ismael en Suisse ». La goutte fit déborder le vase ! Pour ne pas perdre son amour qui commençait à donner ses fruits, la femme du juge était prête à se sacrifier pour son amant, malheureusement elle n’avait aucune ressource pour lui venir en aide. La somme d’argent que lui remettait son mari à la fin de chaque mois n’était pas suffisante. Elle voulait tant, elle aussi, vivre avec Shimon le reste de sa vie. Elle se voyait déjà se promener dans les bois, aux pieds des montagnes enneigées de la Suisse. Elle maudit silencieusement son destin. C’est alors que le juif lui proposa une solution à laquelle elle n’avait pas pensé. « - Pourquoi n’essaies-tu pas de soutirer de l’argent à Al Madmoon ? Je suis sûr qu’il ne te dira pas non. » Il ajouta en rigolant : « Non, non. C’est pour rire. Je sais que tu ne peux pas le lui dire ». « - Mais oui ! Tu as raison, déclara Leila. Il peut bien « Nous » aider ce cochon. Il paraît qu’il est archi-milliardaire ». Elle ajouta : « Al Madmoon, à nous deux ! ». Le piège était savamment tendu. Encore fallait-il agir avec prudence afin de ne pas affoler le gibier. Le juif dicta alors à la femme du juge toutes les astuces infaillibles pour attirer la proie. Il lui demanda de se consacrer entièrement à l’homme venu des pays du Golf et d’oublier pour un certain temps leurs rencontres hebdomadaires. « Nous retrouverons notre amour quand tous les problèmes d’argent seront réglés », conclut Shimon. Leila voguait dans son rêve, enivrée par l’air sain des paysages suisses. Incapable de raisonner face au discours convainquant de Shimon, elle haussait la tête de haut en bas en répondant : « D’accord chéri !...Tu as raison mon amour !... Entendu mon cœur !... » Le juif lui remit le numéro de son compte bancaire afin qu’elle puisse y verser les sommes gagnées auprès d’Al Madmoon. Depuis cet accord, l’arabe venu du désert avait acquis une place privilégiée auprès de Lalla. Il remarqua lors des soirées suivantes que le juif avait perdu tous ses éclats. Alors il se sentit fort et intelligent d’avoir écarté ce Dom Juan dangereux. Il se jura de combler tous les besoins de la femme du juge, afin que son prétentieux émule ne tente de récidiver. Leila, quant à elle, appliqua toutes les consignes de son amant et joua le jeu. Elle couvrit le cheikh de fausses tendresses. Elle accepta toutes les maladresses et les caresses de celui-ci. Elle l’encouragea même à oser davantage en le priant de danser avec elle. Elle l’invita à l’accompagner à la salle de bain afin qu’elle se maquille et remette ses cheveux en ordre. Le cheikh baignait dans le bonheur, surtout quand il voyait son adversaire vider silencieusement ses verres de whisky. Il se permettait même des plaisanteries du genre : « Alors mon cher Shimon, le monde est petit, n’est-ce pas ? » et il éclata d’un rire assourdissant en caressant la jambe de Lalla, comme s’il voulait lui montrer qu’il restait le maître séducteur à qui nulle femme ne pouvait résister. De temps en temps, le juge ouvrait péniblement les yeux pour grogner des mots incompréhensibles. Personne ne lui prêtait attention. Au cours d’une danse, Leila demanda à Al Madmoon pourquoi il ne l’avait jamais invité à visiter son bureau. Elle ajouta en souriant : « Tu as peur que je découvre comment tu travailles. En tout cas, Shimon était très galant le jour où il m’avait fait visiter son entreprise… » Le cheikh sursauta en entendant Lalla parler du juif. Il répondit de but en blanc : « Bien sûr que tu peux venir quand tu veux. Ce sera un grand honneur pour moi ». « Quand par exemple », poursuivit la femme du juge. « Lundi après midi, si tu veux », proposa l’homme à la tête de pastèque. « Je viendrai ! », conclut Leila. ( à suivre )
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