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Nouvelles : Azéline Chapitre 7
Publié par arielleffe le 19-10-2013 11:20:00 ( 993 lectures ) Articles du même auteur



Béryl lit et relit les quelques mots écrits sur la lettre :

« Je suis désolé mais je ne peux plus continuer comme ça, je ne suis pas heureux, je te quitte ».

Elle est devenue très pâle, et doit s’assoir pour ne pas tomber, sa tête bourdonne et elle a très chaud. Marie-Madeleine se précipite,

« mon Dieu, que se passe-t-il ? Tu as reçu des mauvaises nouvelles des enfants ? ».

Béryl ne peut pas parler, elle regarde le papier qu’elle tient toujours dans sa main. Sa tante lui prend délicatement, et s’exclame :

« incroyable, alors vraiment je n’aurais jamais cru ça de lui ! »

Elle prend sa nièce dans ses bras,

« ne pleure pas, les hommes n’en valent pas la peine ».

Elle sait de quoi elle parle, mariée trois fois, divorcée deux fois et finalement veuve.

« Les bonshommes s’en vont ou ils meurent, c’est comme ça, les femmes sont plus fortes qu’eux ».

Elle se dirige vers le placard et sort une bouteille de Volnay,

« on ne va pas se laisser abattre, tu as échappé à la mort de peu, tu es costaud ».

Elle pose deux grands verres sur la table et les remplit à ras bord. Béryl est toujours muette, Florent était l’amour de sa vie, son âme sœur, du moins c’est ce qu’elle pensait.

« Ma pauvre Bébé, les hommes n’aiment pas que nous soyons malades, il faut toujours être en forme, mais eux, dès qu’ils ont un pet de travers, il faut jouer les infirmières ! »

La jeune femme ne peut pas croire que Florent soit ce genre de type, pourtant il ‘a quitte alors qu’elle est encore sous le choc de ce qui lui est arrivé, quel manque de courage, quelle lâcheté ! Elle est incapable de boire, sa gorge est serrée, elle se sent anesthésiée. Voilà pourquoi elle n’avait plus de nouvelles. Pourquoi n’avait-il rien dit avant de partir, quand il l’avait laissée chez sa tante, il savait qu’ils ne se reverraient plus. Elle se sent trahie, salie. En même temps un sentiment de honte l’envahit, comment a-t-elle pu accorder sa confiance à une personne comme celle là, comment a-t-elle pu la présenter à ses enfants, à sa famille, à ses amis. La colère prend la place de l’abattement,

« quel salaud, je n’arrive pas à y croire ! »

Marie-Madeleine relativise,

« les hommes sont de grands enfants, il va peut-être réfléchir ».

Béryl n’est pas d’accord,

« alors il aurait dû réfléchir avant, on n’envoie pas une lettre comme celle là à quelqu’un qui est affaiblit, je suis tellement déçue ! »


Elle monte se coucher, elle sait qu’elle ne dormira pas mais elle a besoin d’être seule. Arrivée dans sa chambre, les larmes viennent, ça durera des heures, comme si sa peine n’en finissait pas. Azéline est assise au bord du lit, son côté gauche est complètement bloqué et son cou est douloureux.

« Pleure, ça va te faire du bien, moi aussi j’ai dû renoncer à l’amour de ma vie, la différence c’est que toi tu n’es pas obligée de sacrifier ton existence pour expier ta faute ».

Béryl lève la tête et regarde la belle femme qui est penchée vers elle. Elle sait qu’elle a raison, elle se sent une fois de plus en communion avec cette amie si proche et si lointaine. Elles ont vécu à des époques différentes, l’une est morte et l’autre est vivante, pourtant elles sont capables de ressentir la même chose, et de se comprendre parfaitement. Béryl a presque l’impression de voir sa jumelle, et si la réincarnation existait ? Azéline revit peut-être dans le corps de Béryl. Elles sont pourtant différentes physiquement, la première est brune aux yeux bleus, l’autre est blonde aux yeux noisettes, par contre elles sont toutes les deux grandes et fines. Azie est habillée dans des vêtements du début du 20ème siècle, elle a les cheveux très longs coiffés en chignon, elle est très gracieuse, et se déplace doucement dans sa jupe longue et son corsage en dentelles. Béryl porte la plupart du temps un jean et un pull ou un tee-shirt, ça ne l’empêche pas d’être gracieuse, mais elle est paraît beaucoup moins féminine. Béryl finit par s’endormir.

Le lendemain matin, elle se lève avec les yeux gonflés, et de grands cernes noirs sous les yeux. Quand elle se regarde dans le miroir, elle a presque peur. Heureusement personne ne la verra dans cet état, à part Marie-Madeleine. Espérons qu’elle ne s’inquiète pas trop.

Béryl se sent vide, elle a l’impression qu’un morceau d’elle est parti, sa gorge est toujours serrée, elle peut à peine boire son bol de thé. Comme à son habitude, Marie-Madeleine a disposé une quantité impressionnante de viennoiserie, de pains et de confitures de toutes sortes sur la table.

« Bébé, on t’a confiée à moi, ce n’est pas ici que tu va mourir de faim, il va falloir te secouer ma fille ! »

Elle a raison, les femmes bretonnes sont fortes, elles ont toujours mené la maison seules pendant que les hommes étaient en mer, Béryl ne peut pas se laisser aller.

« Il y a un temps pour pleurer, et un temps pour agir. Tu as besoin d’évacuer ton chagrin, c’est normal, et ça te prendra du temps, crois en mon expérience, mais il ne faut pas tomber malade, aucun homme ne mérite qu’on meure pour lui »

La jeune femme a entendu cette phrase des dizaines de fois, c’est la devise des femmes de la famille, elle se demande si l’une d’elle a déjà eu l’idée de la faire sculpter sur le fronton de sa maison. Sa tante lui tend l’album de cartes postales,

« ne pense plus à cet imbécile, il ne sait pas ce qu’il perd, replonge toi dans ces vieilleries, je vois que ça te fait du bien. »


Chère Azéline,
Tu t’es fait des amies, je suis jalouse, elles sont avec toi, alors que je reste ici à t’attendre. Tu me dis que vous êtes allées dans les magasins, j’aimerais tant être à Rennes avec toi, tu as beaucoup de chance. Ici, rien de neuf, mon chat a eu ses petits, je t’en garderai un si tu veux.
Je t’embrasse,
Guillemette



Jeudi est enfin arrivé, et Germaine entraîne Azéline dans les rues de Rennes. Les jeunes filles passent devant les Halles Centrales, des odeurs de poisson s’échappent, Azie doit relever sa jupe pour ne pas mouiller le tissus, les trottoirs sont trempés, les poissonniers ont tout lavé à grande eau en fin de matinée. Germaine et Azéline parcourent les rues jusqu’à la Vilaine qu’elles traversent par la rue de Nemours.

Elles arrivent dans les voies où se trouvent la plupart des magasins, autour de la Place Sainte Anne. Azéline n’a jamais vu autant de boutiques, on y vend des chapeaux, des robes, des manteaux, des dentelles, elle se demande qui peut bien acheter tout ça. Autour d’elle, des femmes élégantes se promènent, elles entrent et sortent des magasins, quelques unes portent des paquets. La jeune campagnarde se dit qu’elle a beaucoup de chance de pouvoir se mêler à cette foule, alors que son amie Guillemette se morfond au milieu des champs. Elle va lui écrire comme chaque semaine pour lui raconter ses aventures à la ville.

Germaine aperçoit une bonneterie, elle entraîne son amie,

« Viens par là, on va trouver ce qu’on veut ».

La vendeuse vient au devant des deux jeunes filles,

« Que puis-je faire pour vous Mesdemoiselles ? »,

« Nous voudrions des bas, et un porte jarretelles pour mon amie »,

Germaine prononce le mot « porte jarretelles » comme si elle allait acheter une baguette de pain.

« Vous désirez des bas pour sortir ou pour tous les jours ? »,

la dame regarde Germaine et Azéline de la tête aux pieds pour voir si elle n’a pas affaire à des intrigantes qui vont le soir dans des lieux de perdition, Azéline est mortifiée. Germaine comme d’habitude, ne se laisse pas impressionner,

« pour tous les jours, nous reviendrons une autre fois pour les autres », elle fait un clin d’œil à Azie.

La vendeuse prend un air pincé et ouvre des petits tiroirs en bois alignés derrière le grand comptoir. Elle sort des bas de soie d’une finesse extrême, elle passe les doigts dans l’un des deux et montre aux deux filles le dos de sa main par transparence,

« Ceux-ci sont très bien, ils sont chauds et on voit quand même la jambe au travers ».

Les bas sont magnifiques,

« nous allons passer dans le salon derrière, il faut que je vois vos jambes, ajoute-t-elle à voix basse ».

Azéline retrousse sa longue jupe et montre sa jambe jusqu’à mi-cuisse,

« vous avez la jambe fine, ceux là devraient convenir ».

Germaine se tient à côté de la vendeuse, elle regarde la jambe de son amie, et lui sourit,

« tu vas être toute belle ma petite Azie ».

Elles repartent avec une paire de bas chacune et un porte jarretelle pour Azéline,

« si ma mère me voyait, elle me prendrait pour une fille de joie, je les laisserai à Rennes, je ne peux pas les ramener à la maison, c’est impossible ».

Germaine est contente, « tu t’encanailles ! Viens on entre dans cette petite boutique, ils ont de la pacotille, j’ai envie de te faire un cadeau, tu ressembles à un enfant dans un magasin de bonbons. »

Dans le magasin il y a des bijoux de toutes sortes, des colliers qui n’en finissent pas, des bracelets, des bagues, des boucles d’oreilles, mais aussi des rubans. Germaine repère des pendentifs sertis de fausses émeraudes,

« regarde comme tu vas être belle avec ça, elles vont très bien avec tes yeux ».

Elle place une boucle près de l’oreille de son amie pour voir l’effet produit,

« tu es très jolie mon Azie ». Azéline se sent belle, elle est tellement contente de connaître quelqu’un d’aussi gai que Germaine, on a l’impression qu’elle n’a peur de rien, qu’elle est à l’aise partout. Quand elle est seule la jeune campagnarde se sent gauche et déplacée dans ces rues où déambulent des femmes si élégantes.

Quand elles rentrent à l’Ecole Normale les autres filles se regroupent autour d’elles pour voir leurs achats. Les plus sérieuses sont restées à l’étude, mais Azéline ne regrette pas son escapade, elle a envie de vivre, elle a eu l’impression d’être entre parenthèses depuis tellement longtemps. Elle était la petite fille sage qui ne pose jamais de problèmes. Elle sort enfin de sa coquille, les pendentifs sont déjà sur ses oreilles, elle se regarde dans le miroir, contente de son effet.

Béryl aperçoit les mêmes pendentifs sur Azéline ,

« Tu vois je les porte toujours, en souvenir de tous ces bons moments, c’est le premier cadeau que Germaine m’ait fait, j’étais tellement heureuse, le monde était à nous. Tu dois me trouver un peu niaise, ajoute-t-elle en riant, mais je peux t’assurer que je l’étais en arrivant à Rennes. Je ne connaissais rien, j’étais comme un poussin qui sort de l’œuf, je me demande même comment Germaine a pu s’intéresser à moi, je l’amusais probablement. »

« elles sont très belles tes boucles d’oreilles, elles te vont très bien »

Une voix retentit derrière Béryl,

« tu parles toute seule maintenant ? »,

Marie-Madeleine a l’air inquiète, elle surveille beaucoup sa nièce, elle a peur pour elle.

« Je réfléchissais à voix haute », répond Béryl.

« C’est curieux, j’ai presque eu l’impression d’entendre deux voix différentes », dit la tante d’un air soupçonneux.

Azéline sourit, elle se tient juste devant Marie-Madeleine qui ne voit rien.
FB arielleffe

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Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 24-10-2013 16:08  Mis à jour: 24-10-2013 16:08
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9505
 Re: Azéline Chapitre 7
Arielleffe, je t'en conjure, espace plus tes textes, j'en suis privée.
Présenté ainsi ce n'est pas du tout attractif, mais plutôt rébarbatif.
Les liens publicitaires, ou autres dans les textes ne sont pas autorisés, merci de ne plus en mettre.
J'espère pourvoir retrouver bientôt Béryl et Azeline et leurs aventures.
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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