Comme chaque vendredi, Lucie remplit son caddy avec les courses pour la semaine. Un steak pour demain, du poisson pour dimanche, des baguettes à cuire, du fromage, de la charcuterie, etc. Le supermarché est quasi vide. Il faut dire qu’il est déjà près de vingt-et-une heures. Elle doit se presser, les portes vont bientôt fermer. Près du rayon fruits, elle salue une petite dame, âgée de près de nonante ans, le visage buriné par les années. Lucie ne connaît pas son prénom mais son salut lui rend toujours un peu le sourire. La solitude est un lourd fardeau à cet âge.
Les courses fourrées dans le coffre, Lucie prend la route de chez elle. Arrivée à un passage pour piétons, elle freine brusquement. Une dame en robe grise et petit béret assorti traverse la route en poussant un landau à grandes roues. Derrière, les autres conducteurs s’impatientent et klaxonnent bruyamment. Lucie laisse la mère rejoindre l’autre trottoir avant de redémarrer.
Enfin son immeuble. Elle empoigne les anses de tous les sacs et se met à gravir l’escalier de béton brut. Au palier du premier étage, un ado au crâne rasé, en guenilles et chaussures sans lacets, se précipite vers le rez-de-chaussée. Il passe en trombe à côté de Lucie et la frôle. Surprise, elle sent son cœur s’emballer et un frisson s’emparer de son corps entier. Elle continue ensuite son ascension jusqu’au troisième étage. Elle entre dans la pièce et s’empresse d’appuyer sur l’interrupteur. Un chat noir vient se faufiler entre ses jambes.
Lucie range ses courses et se réchauffe un plateau repas aux micro-ondes avant de s’affaler sur le canapé devant le film de la soirée. Le chat grimpe à côté d’elle, se pelotonne silencieusement contre l’accoudoir avant de disparaître. La jeune femme s’exclame tout haut : « Pas facile tous les jours de voir des fantômes ! ».
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