JE CROIS QUE JE SUIS DÉPRIMÉE. Attention ; pas dépressive. Juste déprimée. Faut être débile. Débile. Dé-bile.
Non mais à quoi je m'attendais ? On récolte ce qu'on sème. Si je m'étais boujé le cul, il aurait pu être à moi. Oui, oui, bougé avec un « j ». Au départ j'ai rectifié et puis je me suis dit que, finalement, cette énormité faisait partie du show. Je suis déprimée. Point. Alors je peux bien me permettre une petite faute d'orthographe de temps en temps. J'ai couché avec ce type. Une fois. C'était la fin des cours et c'est arrivé sans prévenir. Mais avec préméditation. Préméditation du cours de la fin de la soirée. Bref. Je ne l'aime pas. Pourquoi j'en fais tout un foin, si je ne l'aime pas ? C'est pire que ça. C'est juste charnel. J'aime sa façon de me caresser, de me serrer contre lui et de me mordre, de me tordre, de rire et de me serrer contre lui, de me réchauffer contre lui, et ses remarques déplacées parfois, ses cheveux et ses déclarations philosophique, c'est un tout. J'ai aimé, et je peux dire que je n'aime pas. Ce serait encore plus catastrophique, oh ça oui. Et pourtant je suis malade à l'idée qu'il préfère peut-être son corps à elle. Qu'il préfère peut-être ses soupirs et ses caresses, à ELLE. Que je ne suis pas THE ONE. Parce que lui, c'est justement ce qu'il est pour moi. Le premier. Sans pudeur. Le premier. Matin de juin. Je ne regrette pas. Pas ce matin-là . Mais le deuxième, lui, il était surfait, sur-joué, mal joué, mal goupillé, terrible, horrible, et si court, si fade, si amer, presque mélancolique, j'en aurais pleuré, je l'ai jeté hors de son propre lit. Il n'est pas revenu. Et moi, je continue à déblatérer, à me prendre la tête, à retourner encore et encore toutes les inepties que l'alcool m'a aidée à formuler, là , au creux de ses bras où il ne voulait pas que je me blottisse, qu'il manquait de me refuser et qu'il ne m'aurait pas offerts naturellement, si je n'avais pas réclamé. Tout ce que j'ai avoué alors que j'aurais mieux fait de l'embrasser. Et ma tasse de thé qui est vide. Et qu'il s'en fout. Après tout, pourquoi s'en faire ? Pas mal loti le petit, avec deux nénettes à sa poursuite. Et elle qui me souhaite joliment « bonjour » quand elle me croise, sans se douter – de ce que j'en sais – de ce qui se passe avec lui. (Oh, trois fois rien. Il n'est pas dans mon lit aussi régulièrement que dans le sien, non.) Pourquoi toujours moi, l'autre femme, pourquoi toujours moi qu'on prend pour une conne ou pire, qui se laisse prendre pour une conne, qui réclame les coups de bâton qu'elle se prend et va ensuite pleurer sur son clavier... Oh, j'exagère. Je ne pleure pas, je ne pleure plus pour ces êtres à deux pattes qui ont le cerveau sous la ceinture, s'il y en a un. Je suis simplement en colère. Formidablement en colère. Je ne suis pas à sa disposition. Je ne suis pas sa chose. Et pourtant c'est comme s'il pouvait faire ce qu'il voulait de moi. Et pourtant j'ai toujours une étincelle qui explose dans le ventre quand son nom s'affiche au-dessus d'un texto. Et pourtant je sais que je pourrais passer un weekend entier à faire l'amour avec lui sans me lasser. Je pourrais passer des heures à sourire en comptant ses marques sur mon corps, dans mon miroir et à me remémorer avec délices comment elles sont arrivées là . Mais qu'est-ce qu'il m'a fait ? Je ne l'aime pas, je ne l'aime pas, je ne l'aime pas, et le premier qui vient me dire le contraire, je lui casse les dents à coups de marteau. Des volontaires ? Je ne l'aime pas. Je n'aurais jamais dû y retourner, je n'aurais jamais dû le suivre, je n'aurais jamais dû remettre ça et je n'aurais jamais dû boire. C'est tout. (Et tant.) C'est fini. C'est mort dans l'œuf. Et l'œuf il s'en fiche, lui. Sortons les mouchoirs, amis du soir. Parce qu'en plus, je suis enrhumée.
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