La Réalité quotidienne est souvent injuste, cruelle, blessante. C’est pour cette raison que je me réfugie souvent au sein d’un univers que j’ai fais mien, d’un monde où personne ne peut me détruire ni m’atteindre. C’est pour cette raison que je m’y réfugie sans cesse et y narre de multiples chroniques, y suit le destin d’êtres exceptionnels qui me ressemblent parfois tant. De toute ma vie, je n'ai jamais couru qu'après un seul rêve ; je n'ai eu qu'un seul but, qu'une seule ambition. De toute ma vie, je n’ai désiré atteindre qu’un seul but ; j’ai continuellement tenté de franchir qu’une seule frontière. J’ai essayé de vaincre qu’une seule impossibilité, qu’une unique incapacité. Car ce sont elles qui, à mes yeux, m’ont toujours empêché de me réaliser pleinement, de me montrer aux autres tel que je suis réellement ; mais surtout et avant tout, d’avoir confiance en moi, de me sentir sûr de moi face aux autres et à leur détermination sans faille. Il s'agit d'un espoir peut-être dérisoire, risible, lamentable, aux yeux de certains. Mais pour moi, il représente cet instant d'Eternité qui me hante depuis tant d'années. Il concentre en lui toutes mes peurs, toutes mes blessures, tout ce qui me torture et me déchire l'âme continuellement. Il me fait hurler de douleur au milieu de la nuit ; il me malmène, et lacère mes jours ; tout n'y est alors que misère et folie. Je m'effondre, épuisé, anéanti par ses griffes acérées qui me harcèlent. Il détruit tout ce que je tente, en vain, de construire ; il arrache ma vie et m'empêche d'être l'être qui tente de fuir ce cauchemar infini. Il se moque de qui je suis, des trésors enterrés aux tréfonds de cette vigueur intérieure tourmentée, et finalement en sursis. Souvent, au cours de mon existence au sein de cette Réalité qui m’a fait tant de mal, j’ai croisé la route de femmes que je qualifierai de « quasi-divines ». A mes yeux, leur beauté époustouflante était foudroyante. Elle me figeait sur place et m’empêchait de penser, de me comporter, de manière détendue et cohérente. Elle m’irradiait, m’envoutait littéralement ; et même si je ne me sentais pas capable de les approcher ou de les côtoyer, au risque de m’y bruler et d’accentuer ainsi les tortures dont j’étais l’objet, secrètement, je les vénérais. Chacun de leur passage à ma proximité, je les considérais comme une bénédiction ; je les conservais au sein de ma mémoire écrasée comme des instants, si fugitifs soient t’ils, de bonheur intense. Je tremblais de peur, c’est certain ; des perles de sueur craintive glissaient de mon front, c’est entendu ; je baissais humblement les yeux à leur passage, terrorisé à l’idée qu’elles me foudroient, puisque indigne de leur magnificence je me sentais. Mais désireux de leur plaire secrètement, je le souhaitais. Car, ce vœu pieux qui n’a cessé de m’accabler, c’est, au moins, une fois au cours de mon existence, partager un moment, une nuit uniquement, la couche de l’une de ces divinités. C’est que l’une d’entre elles lise dans mon regard l’intensité des émotions qu’elle fait naitre aux fins fonds de mon cœur, de mon âme et de mon corps. C’est qu’elle se rende compte de l’émoi qui se propage à chaque fois en moi. C’est qu’elle voit les larmes de terreurs, d’effroi, d’impuissance à exprimer distinctement ce que je ressens lorsque je suis réellement en face d’elle, qui me submergent malgré moi. C’est qu’elle entende cet appel au secours, qu’elle m’aide à aller vers elle, puisque que suis désarmé face à une telle prestance. C’est que je puisse l’aimer rien qu’une nuit, que je puisse me donner à elle pleinement, ardemment, passionnément, afin d’emporter son souvenir jusqu’aux limites de la mort. J’ai un tel besoin de partager avec elles cette admiration qui est la mienne pour ce qu’elles sont. Car, à mes yeux, elles incarnent un esthétisme exacerbé étonnant qui me fait chavirer dans un lieu situé aux confins de l’espace et du temps. Elles sont à la fois délicates, sensuelles, presque irréelles, qui me transportent en des ailleurs qui n’ont pas de nom. Elles sont stupéfiantes de distinction et de pureté, rendant les mots vides de sens. Elles sont remarquables, estimables, magnifiques, merveilleusement féériques ; s’agenouiller devant elles afin de les remercier d’être ce qu’elles sont est un honneur, un privilège sans aucun équivalent. Il émane d’elles tant de charme, de majesté, que je me damnerai volontiers, sans hésiter, afin de clamer cette vérité au monde entier. Rien n’est plus grand, n’est plus important, n’est plus vital à mes yeux, que de répéter ces propos irraisonnés. Je suis parfaitement conscient que la beauté extérieure n’est rien, comparée à ce qui existe au tréfonds de leur cœur, de leur âme, comparé à leur intelligence, à leur personnalité ou à leur tempérament. Mais, moi qui suis né sans attraits que l’on peut immédiatement observer, moi qui aie été humilié du fait de la médiocrité de mes traits, il me faut en passer par cet aboutissement afin de me libérer de ces chaines immondes. Et ce n’est qu’en pouvant serrer l’une d’elles dans mes bras, c’est en pouvant partager cette passion dévorante qui me gangrène lentement mais surement, que je pourrais enfin me délivrer de mes tourments. C’est en lui disant en face combien son existence m’est précieuse, que je pourrais enfin acquérir cet avenir qui me fait défaut. C’est en frôlant son corps, en effleurant ses lèvres, son visage, sa chevelure dorée mêlée d’ébène, que je pourrais accomplir cette Destinée qui se dérobe sans cesse à mes assauts. C’est en caressant, encore et encore, la courbe de ses seins, en m’y abreuvant délicatement, que je pourrais laisser derrière moi ces terribles années sans idéaux. C’est en explorant sa féminité la plus secrète et la plus ardente, que je remporterai cette victoire décisive sur une existence qui m’a tant de fois brutalisé sans raison. Malheureusement, hier, aujourd’hui encore, chacune de ces femmes, à sa façon, innocemment, m’a fait souffrir plus que de raison. Chacune d’elle m’a fait endurer les pires épreuves de mon existence. Car, si jamais elles ne se sont rendu compte de ce que le rêve qu’elles ont, en moi, généré, souvent pourtant, certaines d’entre elles, de ma fragilité à leur encontre, se sont ouvertement moqué. D’autres, de mes élans amicaux, se sont détourné. D’autres encore se sont acharné à me déstabiliser et à m’humilier parce que j’étais perdu, malheureux et en difficulté devant tant de beauté. Elles ont mis à mal la confiance en moi que j’aurai pu développer au fil des années. Elles ont détruit ce respect de l’homme que je suis et que j’aurai tant voulu être à leurs cotés. Elles m’ont obligé à fuir la lumière, l’éclat doré de la joie d’exister, et de montrer aux autres mes multiples qualités. Elles m’ont forcé à m’enfuir au cœur de l’obscurité, puis, à me réfugier au sein d’un Univers où je pouvais exprimer librement ma sensibilité. En espérant, un jour, pouvoir me libérer de cette misère qui me maintenant depuis si longtemps prisonnier. Alors, oui, ce que je révèle ici est peut-être, certainement même, insignifiant. Oui, ces mots que je dévoile vont peut-être, une fois encore, déclencher rires et moqueries, rejets et humiliations. Oui, peut-être que ces femmes si magnifiques à mes yeux, vont, une fois de plus détourner leurs regards de mes terreurs et de mes tourments les concernant. Oui, peut-être, elles vont les ignorer, comme s’ils n’existaient pas, et me rejeter dans les oubliettes où tant d’hommes démunis souffrent en silence. Mais, au moins, elles sauront qu’elles me font vibrer au-delà de tout ce que mes pauvres mots sont capables d’exprimer ici bas. Elles sauront que chacune d’elles est à la fois source d’extase et de terreurs sans nom. Et elles ne pourront plus ignorer le Destin de l’homme que je suis et qui n’attend qu’un miracle de l’une d’elles, afin, enfin, d’être délivré de ses cauchemars d’antan…
Dominique
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