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Nouvelles : Les étranges rencontres
Publié par violette12 le 24-09-2013 13:00:00 ( 1354 lectures ) Articles du même auteur



Suite à la lecture de la nouvelle de Bacchus, "Les étranges rencontres", je reste songeuse.

Ce texte a fait ressurgir du passé une rencontre anecdotique que je vais de ce pas vous conter.

J'étais alors étudiante en première année d'école infirmières. Suite à un départ volontaire et salutaire de chez moi, je résidais dans un foyer aux horaires et aux règles très strictes... Je travaillais quelques nuits ou week-end comme aide à domicile et je pouvais pratiquer mon loisir préféré, l'équitation, grâce à une de mes patientes qui me confiait ses chevaux.

Un après-midi de novembre, je pris le bus pour Rouen afin de profiter de cette ambiance automnale, où la pluie résidait en maître. J'aimais me promener seule sous un parapluie, déambuler dans les rues délaissées par des passants trop frileux. La ville semblait pouvoir me livrer ainsi des images gardées sous confidence, je regardais librement cette somptueuse arche surplombée de gargouilles, de fresques et d'une magnifique et gigantesque horloge. Sur les pavés mal lissés, les talonnettes claquent, les baskets se font discrètes. À deux pas d'ici, la rue Saint-Romain et la rue des Chanoines témoignent de l’architecture à pans de bois. L’Aître Saint-Maclou ravive la réalité des épidémies de peste, tandis que la place du Vieux-Marché rappelle le souvenir de Jeanne d’Arc.

Au beau milieu de mes rêveries, je suis abordée par un charmant jeune homme, un peu trop apprêté peut-être pour cette matinée pluvieuse, il me propose de m'offrir un café afin de faire plus ample connaissance et de s'abriter de ce qu'il qualifie de mauvais temps! Nous voilà donc discutant joyeusement de nos vies dans ce magnifique café, à l'intérieur douillé et au cadre suranné, je lui parle succinctement de ma vie, il me raconte un peu la sienne, très aventureuse au demeurant. Il ne me conte que de jolies aventures qui l'auraient conduit à être la personne qu'il est aujourd'hui. Je suis séduite par ses histoires, le timbre de sa voix et ses attentions.

À la sortie de notre abri, une bourrasque de vent retourne mon parapluie et il se propose aussitôt de m'en offrir un nouveau. Arrêtée devant la vitrine Pigagnol , je contemple un magnifique parapluie hors de prix, il se propose de me l'offrir, je refuse, il insiste et je finis par acheter un parapluie à 10 francs dans une petite boutique. Nous nous donnons rendez vous pour le jour suivant vers 18 h, je lui précise que je dois prendre un bus vers 21h30 obligatoirement afin d'être rentrée à temps avant mon couvre-feu. Je ne tiens pas à passer la nuit sur un banc.

Le soir venu, je me prépare, petite robe de laine beige, cavalières en cuir, et manteau-cape rouge, je me regarde. Ça ira!

Arrivée à La réserve, Bar à cocktails d'ambiance coloniale, je le vois assis, un verre à la main. Il m'attend. Il semble agité, il me dit bonjour, m'invite à m’asseoir et nous commençons à discuter, il se montre empressé à mon égard et mes mouvements de recul provoquent un certain énervement de sa part. Il a trop bu à mon avis, je regarde l'heure et constate que 21h sonne bientôt. Je m'empresse de le lui signaler. En guise de réponse, il sort de sa poche une clef avec un gros porte-clefs en bois noté d'un numéro.

- Je ne souhaitais pas que notre soirée se termine trop tôt alors j'ai prévu une chambre d'hôtel pas loin d’ici.

Interloquée que l'issue de notre rencontre lui semble si évidente, je provoque la dispute et m'enfuis.

Rentrée à l'abri de mon foyer, ma vie reprend son cours habituel et j'oublie rapidement cette petite mésaventure.

Presque une année plus tard, la directrice de l'école entre dans notre salle de cours accompagnée de deux gendarmes. Le silence se fait pesant dans cette classe pourtant régulièrement agitée.

- Nathalie D, pouvez-vous nous suivre s'il vous plait?

Interloquée, je me lève, une foule d'idées me submergent en quelques secondes, un accident ? Mes frères ? Mes sœurs ?

Hors de la classe, l'un des deux gendarmes me signale ma convocation dans leurs bureaux trois jours plus tard.
Après m'être assurée qu'aucun de mes proches n'est en péril, les trois jours me semblent interminable, les pensées les plus saugrenues me traversent l'esprit.
Le jour de la convocation arrive enfin, je suis fébrile et soulagée à la fois. Je pénètre dans ce grand bâtiment, demande le bureau du commandant, il m'invite à entrer et à m’asseoir.

- Bonjour, vous vous nommez bien Mlle Nathalie D.

- oui.., pourquoi cette convocation?
Je bégaie, je parle trop vite, mes mains tremblent.

- Je vous ai convoqué dans le cadre d'une enquête.

Il sort quelques photos et me demande si je reconnais une personne, ce à quoi je réponds par la négative. Je sens bien qu'il ne me croit pas, mais sincèrement, je ne reconnais personne, cinq jeunes hommes, mais aucun ne me semble familier.

- Je répète, vous êtes bien Melle Nathalie D ?
Il me regarde intensément.

- Oui.

- Vous êtes bien élève infirmière à la croix rouge de Bois Guillaume?
Ses poings se ferment nerveusement sur la table.

- Oui.
Ma voix est à peine audible!

- Vous pratiquez l'équitation chez une de vos patientes ?
Il se lève de sa chaise.

- Oui.
Je me sens rapetisser à vue d'œil!

- Vous vivez bien au foyer L ?
Il ouvre grand les yeux, tape sur la table et insiste cramoisi par la frustration.

- Oui.

Il fait le tour de son bureau, passe derrière moi et plaque violemment une photo devant moi!

- Alors, vous ne reconnaissez toujours personne?

- Je l'ai peut-être croisé Monsieur, mais je n'en suis pas certaine, je ne suis pas physionomiste!
J'ai comme l'impression de fondre sur cette chaise, son bureau me semble démesuré, je sens mon pouls battre dans mes tempes, je sais bien qu'il ne me croit pas, mais je ne mens pas!!! Je ne suis par certaine de le reconnaître ce type!

- Alors, vous passez deux soirées avec une personne et vous pouvez oublier même son visage!
Il est rouge de colère.

- Que faisiez-vous dans la nuit du 14 au 15 novembre 199..

- Mais Monsieur, si vous me demandiez ce que je faisais une nuit il y a quinze jours, sauf fait exceptionnel, je ne pourrais vous le dire, alors il y a un an!!

Je vois bien que je l'excède, mais je ne peux lui donner les informations qu'il attend!

- Vous voyez Mademoiselle, cet homme est accusé d'un fait répréhensible et il vous nomme, vous... Mlle D... comme alibi! Il vous aurait rencontré il y a un an, vous auriez passé deux soirées ensemble, et enfin une nuit, cette nuit fatidique qu'il dit avoir passé avec vous dans un hôtel!

- Enfin!

- Monsieur l'agent, j'ai une mémoire de poisson rouge..., je ne suis pas le moins du monde physionomiste, ça frise même l'état pathologique..., mais je peux vous signifier et vous signer de suite et sans aucune hésitation que je n'ai, à ce jour, jamais passée une nuit à l'hôtel avec un homme.

Ce fameux jeune homme, je l'appris plus tard, avait cambriolé une bijouterie dans la nuit du 14 au 15 novembre et souhaitait m'utiliser comme alibi.

Comme on fait son lit on se couche, paraît-il, heureusement, je ne me suis pas couché et il a dû assumer les conséquences de ses actes!

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Auteur Commentaire en débat
Bacchus
Posté le: 24-09-2013 13:26  Mis à jour: 24-09-2013 13:26
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Les étranges rencontres
Bonjour Violette
Est-ce que c'est le destin des Normands que de rencontrer des gens étonnants ou patibulaires ? Celui-là, tu aurais pu le renifler : il sentait probablement le poisson.
Mais tu as été prudente...
Je suis sensible au fait que tu lises mes vieux écrits, merci.
J'ai aimé ton texte qui m'a permis de retrouver des rues que j'ai hanté, il fut un temps. La rue St Romain où je prenais une chambre d'hôtel, moi aussi, le bar 'la pipe ' , où j'aimais aller parfois m'encanailler.
Tiens, petite question piège : sais-tu pourquoi, à Rouen et au Havre, il y a un bar ' la pipe ' ?.
Attention : la réponse est typiquement Normande.
Amitiés de Bacchus
violette12
Posté le: 24-09-2013 14:04  Mis à jour: 24-09-2013 14:04
Semi pro
Inscrit le: 08-09-2013
De: le havre
Contributions: 99
 Re: Les étranges rencontres
Bonjour Bacchus, merci pour ton com et la lecture de mon texte et en effet, étant nouvelle sur le site, j'aime découvrir les écrits de certains auteurs de ce site, c'est un réel plaisir de me plonger dans certaines anecdotes, nouvelles ou de suivre, épisode après épisode certains récits.
Pour ce qui est de ta question piège...., je sèches!!!
La réponse...La réponse!!!

A bientôt
Violette
Bacchus
Posté le: 24-09-2013 14:35  Mis à jour: 24-09-2013 14:35
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Les étranges rencontres
Tu penses bien que si je pose une colle, c'est avec l'espoir de pouvoir donner la réponse...
La voici :
Au Havre et à Rouen, Les carabots ( les dockers ) ont , ou avaient, je ne sais pas comment les choses ont régressé, un statut tout à fait particulier sur les ports de France.
Les dockers professionnels, organisés en syndicats puissants, avaient un système de travail assez complexe. Dés le matin, à la formation des équipes, opérations très nébuleuses où jouaient les privilèges et le favoritisme, les équipes se concertaient afin de se scinder en deux: la première équipe commençait à travailler, l'autre allait attendre, au bar du port, l'heure du remplacement prévu.
Ce mode d'organisation s'appelait " casser la pipe ", la pipe étant, dans le langage des travailleurs, la période de repos qu'ils s'octroyaient pour aller fumer une cigarette; une pipe, quoi.
Les dockers cassaient donc cette pipe d'une manière avantageuse pour les deux bordées.
Quoi de plus naturel que le bar où ils allaient casser cette pipe porte ce nom !
Je suppose que vers le quartier de l' Eure, le bar ' la pipe existe toujours, bien que les employés de port soient devenus des techniciens de machines gigantesques et compliquées.
Je t'ai appris quelque chose ?
Amitiés Bacchus
violette12
Posté le: 24-09-2013 14:59  Mis à jour: 24-09-2013 14:59
Semi pro
Inscrit le: 08-09-2013
De: le havre
Contributions: 99
 Re: Les étranges rencontres
Merci de cette délicieuse anecdote, je me promenerais le long des docks et si je trouve un bar nommé "la pipe", ou "casser la pipe", je le mettrais en photo.
Merci encore.
Violette
Loriane
Posté le: 24-09-2013 23:03  Mis à jour: 24-09-2013 23:03
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9505
 Re: Les étranges rencontres
Et voilà comment on peut être mêlé à un fait divers. Il était pas très honnête ton gars, mais pas très finaud non plus, et c'est peut-être bien son indélicatesse qui a dû te sauver de rester dans cette mauvaise relation.
Il faudrait pas que je me trouve à ta place, je ne suis pas du tout physionomiste.
Ouvrons l'oeil soyons prudent
Merci

Violette pour toi :

http://www.loree-des-reves.com/module ... s/article.php?storyid=443

http://www.loree-des-reves.com/module ... ws/article.php?storyid=19
couscous
Posté le: 25-09-2013 06:29  Mis à jour: 25-09-2013 06:29
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Les étranges rencontres
Il avait l'air trop poli pour être honnête cet homme et proposer de passer la nuit à l'hôtel au second RDV, il n'était pas assez malin pour comprendre que tu refuserais.
Quelle histoire ! Je suis comme toi, pas du tout physionomiste. C'est un peu gênant lorsqu'on vient te parler et que tu es incapable de situer la personne que tu as devant toi !

Merci pour cette anecdote.
violette12
Posté le: 25-09-2013 06:41  Mis à jour: 25-09-2013 06:41
Semi pro
Inscrit le: 08-09-2013
De: le havre
Contributions: 99
 Re: Les étranges rencontres
Oui, dans son état pathologique, le manque de physionomie se nomme la prosopagnosie, je pourrais vous raconter de nombreuses anecdotes amusantes ou malheureuses qui en ont découlées!
M'enfin! je n'en suis pas réellement à la prosopagnosie non plus!
Merci de vos lectures Lorianne et Couscous.
Et merci pour tes textes en cadeau Lorianne.
Violette
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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