Où vont les mots quand on ne les voit plus ?
"Peaux de lapin ! Peaux de lapin ! "
La charette s étire, enfilée par le vent, du charbon aux essieux qui fait perler les yeux. La Garonne s emplit et se désemplit. Le vieux tire le vieil âne qui n en peut plus de toutes ces peaux perdues sans âme, à tanner.
"Peaux de lapin !!"
La nuit s étend comme des bras qui cherchent au drap les pliures d antan. Elle rebondit sur les os, ponce les doigts noués et épaissit le sang qui pourrait s agiter. Derrière les fenêtres, ça brille, ça grille des marrons. Ça crie, ça secoue la maison. Des flacons s entrechoquent, des fluettes de temps, égalant au passage les glaçons sous les dents.
Dehors le vieux peine, le dos en pentes pleines, ses veines se décousent en fil d ans qu'on égraine.
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