Toutes les femmes que j'ai croisées au cours de ma vie, je les ai secrètement aimées, adorées, vénérées. Je me serai jeté à leurs pieds sans hésiter ; pour elles, je me serai volontiers damné. Elles n'ont pourtant jamais réalisé à quel point elles m'avaient envouté, et n'ont jamais compris à quel point leur indifférence à mon égard m'a constamment et profondément torturé. Evidement, je suis un homme intelligent, conscient qu'elles n'ont jamais imaginé la sensibilité dont j'ai été l'objet, et qu'elles ont toujours exacerbé, amplifié. Je sais parfaitement qu'elles n'ont jamais désiré engendrer en moi folie et désespoir de ne pas avoir l'opportunité, le droit, la capacité, de les approcher, ou mieux encore, de les côtoyer. Mais, le fait est que c'est ce qui s'est à chaque fois passé. Comment auraient t'elles pu se rendre compte que je n'attendais qu'un sourire, qu'un signe, de leur part, pour leur révéler ce que je ressentais ? Comment auraient t'elles pu s'apercevoir de l'émotion dont j’étais la proie, de la peur dont j’étais la victime, à chaque fois que j'osais fugitivement croiser leur regard ? Comment auraient t'elles pu deviner les sueurs froides qui ornaient mon visage, les spasmes d'émerveillement et d'effroi qui parcouraient mes bras, mes mains, mes doigts, à chaque fois que je tentais d'attirer, en vain, leur attention ? Je ne pense pas qu'elles aient, rien qu'une fois, vu, que la terreur dont j’étais alors la proie, était incontrôlable, et n'avait rien à voir avec ce qu'elles étaient ou ce qu'elles représentaient ; il s'agissait uniquement là de mon émoi. D’ailleurs, aujourd’hui, c’est toujours le cas Car, si je les vénérais, si je les considère toujours, comme des Déesses nées au cours des Ages précédents, je me sens indigne d'elles, insignifiant. Leur beauté, leur majesté, leur grâce, leur charme est, à mes yeux, si grand, que je ne peux concevoir de les approcher, de les frôler, de leur parler, de les toucher, sans enfreindre la plus terrible des lois : seuls ceux dont les attraits sont admirables, dont l'esthétique est irréprochable, ont le droit, l'avantage, le privilège et l'honneur de les aimer. Je n'ai jamais été le détenteur de ces attributs ; bien au contraire, même si je ne suis pas laid ni monstrueux, rien en moi n'est physiquement attirant. Ce qui pourrait éventuellement l'être ne se voit pas. Il faut le chercher, creuser au cœur de ma personnalité afin, éventuellement, de le deviner, de se l'approprier. Or, à l’heure actuelle, l'intelligence, la curiosité livresque et intellectuelle sont mésestimées, pire, moquées, galvaudées ou l'objet d'humiliations répétées. L’envie d’apprendre, d’accroitre son savoir sociétal, encyclopédique, littéraire, n’est rien à leurs yeux. L’envie de développer ses connaissances du passé le plus lointain au plus récent, de la naissance de l’Univers à celle de la Terre ou de l’Espèce Humaine, au devenir de cette dernière, est considéré, par elles, comme inutile ou fastidieux. L’envie de dépasser les frontières du réel, de laisser voguer son imaginaire, de s’enrichir d’expériences métaphysiques, oniriques, mystiques, est, de leur part, raillé et trainée dans la boue. Or, je suis tout cela et bien d’autres choses encore. C’est un fait incontestable qui pourrait être gravé dans le marbre : depuis toujours j'ai subi ce genre de comportements de la part de ces Divines que j'ai croisé et secrètement aimé ; d'autre part, aucune d’elles, auxquelles j'ai souhaité, depuis mon adolescence, me dévoiler, que j'ai tant admiré, vénéré, ne s'est interrogé sur les raisons qui ont fait que je n'ai jamais osé les approcher. Aucune d'elles ne s'est jamais rendu compte que, lorsque je les observais depuis l'endroit obscur dans lequel je m'étais réfugié, me permettais de ne pas avoir à leur dévoiler mon visage décomposé. Aucune d'elles n'a jamais discerné les tremblements de mon corps usé par les blessures de celles qui, dans mon cœur, les ont précédées. Aucune d'elles ne s'est jamais aperçu que cette infinie douleur qui s'emparait de mon âme, de mon cœur et de mon corps lorsque j’étais en leur présence, venait du fait que mon insignifiance esthétique m’empêchait de leur divulguer les qualités dont je suis apprêté. Aujourd’hui encore, celles que je connais, qui ont toute mon amitié, mon affection, avec lesquelles je partage un peu de ma sensibilité, en sont l'abominable et sublime reflet. Elles qui ne sont qu'éclatante vision d'un Paradis magnifié, je suis impuissant à les affronter. Je ne peux supporter les sarcasmes, le rejet, les railleries, que cette infériorité génère systématiquement en vérité. Je suis incapable de leur donner plus que ce que j’ai. Je suis un inadapté en ce qui concerne les manières de les séduire, et auxquelles elles attachent tant d’importance dans leurs relations avec autrui. Je ne peux donc que pleurer, seul dans l'ombre de ces lieux désertés, en méditant sur ces Déesses qui embrasent ma Destinée, annihilent ma volonté, consument les désirs de ce corps que je porte comme un fardeau puisqu'enchainé à mes blessures passées. Et je ne peux qu’avoir honte d'être ce que je suis, et de ne pouvoir davantage que je le souhaiterais afin de leur apporter joie, bonheur, amour, dévotion, sensualité, plaisir des sens et félicité. Elles sont belles, je ne le suis pas. Toute l'intelligence, la culture, la gentillesse, l'attention, l'affection, le désir de d'échange, ne valent rien face à leurs incomparables attraits. J'ai beau me démener, j'ai beau tenter d'attirer leur attention, rien n'y fait. D'autres hommes les prennent aisément dans leurs filets. Plus entreprenants, plus sûrs d'eux, de leurs avantages, moins respectueux de la splendeur que Mère-Nature leur a accordé, ils les salissent, les déshonorent par un comportement immérité. Et pourtant, c'est facilement qu'ils parviennent à leurs fins en les entrainant dans leur lit et en faisant d'elles leurs jouets. Evidemment, je suis conscient que leur majesté, leur magnificence et leur beauté n’ont rien à voir avec leur personnalité. Ce ne sont que peu de choses face à leur individualité. Mais, je reste un homme. Comme les autres, je ne suis pas insensible à l’harmonie et à la finesse de leurs apprêts. Je succombe aisément aux divins plaisirs de l'érotisme, de la volupté, des désirs que leurs courbes peuvent engendrer. Leurs visages, leurs traits, leurs sourires, sont autant d'aspects de ce que le Créateur a jugé bon de donner au monde afin de le magnifier. Leurs yeux révulsés de délice, leurs bustes et leurs fesses cambrés, leurs cuisses écartées conduisant à leur féminité la plus secrète, leurs seins pleins de générosité, ne sont qu'un appel constant à une jouissance effrénée. Ces Divines créatures sont nées afin de hanter nos nuits et de mutiler nos jours. Sans s’en rendre compte, sans le vouloir certainement, elles me détruisent lorsque je songe à leurs corps s'offrant sans retenue à leurs amants d’un moment. Sans parler, bien entendu, de ces instants d'Eternité qui me scarifient quand, au terme de leurs ébats, elles poussent des soupirs euphoriques teintés d'immortalité. Mais je dois avouer que, si belles, si nobles, et désirables soient t'elles, même si je les désire à un point que mes pauvres mots ont beaucoup de mal à l’exprimer véritablement, l’exprimer, elles me donnent surtout envie de découvrir ce qu’elles cachent de manière, parfois, si désespérée. Elles attisent irrésistiblement mon extrême sensibilité, ce besoin viscéral de creuser leur personnalité. Elles me poussent à aller au-delà de leurs apparences. C’est pour moi une nécessité de les choyer et de les aimer pour ce qu'elles n'osent pas montrer. Et je méprise tous ceux qui les considèrent uniquement comme des proies destinées à combler leurs passions les plus débridées. Car je ne suis pas de cette Race d'hommes et ne le serai jamais. C'est pour cela, plutôt que de les importuner, pour éviter qu'elles me prennent pour l'un de ces freluquets obsédés par l’idée d’abuser de leur stupéfiante sensualité, que j’ai choisi de m'éclipser. Je préfère les regarder inonder de leur aura les lieux, les personnes, auxquelles elles sont confrontées. Je préfère les imaginer heureuses et épanouies en compagnie de ces hommes auxquels elles ont décidé, pour une heure, une nuit, toute une vie, de se donner. Je préfère souffrir plutôt que d’encombrer leur existence de mes rêves mutilés. Je préfère ne pas leur montrer qui je suis plutôt que de les effrayer par la complexité et la diversité de mes centres d’intérêts, bien que ces derniers soient à la base de la richesse de ma personnalité. J’ai fais ce choix, car je sais pertinemment que je n’appartiens pas à leur monde et que je ne le serai jamais D’autant que je n’y serai jamais invité, ni le bienvenu ; les rares fois, d’ailleurs, que j’ai tenté de le pénétrer, j’en ai été chassé : « Etre répugnant et ennuyeux, ces femmes, non seulement méritent mieux que toi, mais, de plus, nous appartiennent. » m’a-t-on maintes fois déclaré avant de m’en éjecter. C'est ainsi, je le regrette, j’en souffre ; cela fait parti de mon malheur et de mon déshonneur. Malgré tout, c'est leur bonheur - sans moi puisque c'est leur souhait – auquel je pense en me retirant délibérément. A ces hommes qui les côtoient, qui les aiment et les possèdent intimement, je leur dis : « Vous n’avez aucune idée de la chance que vous avez, de la valeur de la personne aux cotés de laquelle vous vous tenez. Vous ne vous rendez pas compte du privilège de pouvoir partager le lit de cette Divinité. ». A ceux qui croient que c’est si facile d’abandonner ce que j’ai tant, d’elles, espéré, je leur dis : « Allez-y, faites en autant et voyons dans quel état, au final, vous serez. ». Tant pis pour eux, tant pis pour moi, mais ce sont les choix, les fortunes et les satisfactions de mes aimées, qui me guident et m'ont toujours guidé… Dominique
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