Encore une fois je me retrouvais dedans.
J’avais beau faire, c’était plus fort que moi, ça me revenait dessus comme une malédiction, comme si les dieux m’avaient concocté le destin dans une marmite bien merdeuse histoire de s’en payer une tranche, de voir comment le petit nigaud allait s’en sortir. Et aussi vrai que la terre avait le soleil, l’arbre ses branches et des moineaux, moi j’avais mon chômage, une femme, un fils et ma mélasse.
On marchait dans la rue avec Nina et le moustique.
- tu te rends compte c’est la deuxième ou troisième fois, j’arrive même plus à me souvenir. - Tu devrais avoir honte - J’ peux pas être responsable de la connerie des autres. - C’est toi le con et en plus t’as un fils.
Je l’ai fermé et on a continué à marcher comme des âmes perdues, effleurant nos mains sans jamais oser nous toucher. Tout autour, le bruit, les regards comme des vautours qui nous grimpaient dessus à l’affût de la moindre flamme d’espoir à abattre, partout des visages : vieux, jeunes, beaux, laids, je me perdais en moi pendant que je me perdais sur eux.
- T’as remarqué les voitures ? que j’ai dit. - Quelles voitures ? - Regarde, bien, tout est neuf. Y a pas une poubelle dans les rues. - Qu’est-ce que tu crois. - Je crois que je suis le seul imbécile heureux. - Si t ‘es heureux c’est pas mon cas. On serait plus heureux si tu roulais en BM et que tu changeais pas de job tous les trois mois.
Je l’ai fermé à nouveau.
Je regardais toutes ces voitures neuves dans nos rues pleines de Gens sans argent, tout ce cirque suffisant pour rendre heureux tous ces corps sans âmes, quatre roues comme une façade qu’ils veulent à tout prix pour briller dans cette société qui les vomit tous les jours. Humanité-futilité, qui que tu sois : tu n’as jamais été grand-chose.
Le moustique crapahutait devant nous, découvrait la vie, scrutait des visages que peux être plus tard il ne pourrait plus voir ; et comme à chaque fois, je veux dire comme à chaque fois que quelque chose clochait, Nina allait acheter du fromage. D’après elle, il existait 365 fromages différents ce qui faisait pour Nina 1 fromage par jour pour se consoler.
- Ecoute bébé, je vais retrouver quelque chose rapidement - oh ! je sais que tu vas trouver. - bon et alors quoi ? - on te demande pas de trouver un job mais d’en garder un c’est pas pareil. - Ecoute… - Qu’est-ce que tu lui diras à ton fils quand il faudra lui payer des études….t’y a pensé !!!!! - J’aurai plus le problème. - Avec toi c’est toujours la même histoire : beaucoup de BLA BLA et les actes on les attend encore.
Nina était vraiment furax de devoir encore attendre ces jours meilleurs qui n’arrivaient pas. Mais le plus dure pour elle c’était d’aimer un homme comme moi : damné parmi les saints, grande gueule, inconscient, irresponsable.
- J’ sais pas de quelle façon je vais m’y prendre mais je trouverai un boulot décent. - Depuis le temps que tu le dis. - Je te promets que je ferai plus 15 heures par jour pour cette bande d’incultes. Cons comme ils sont on se demande comment ils sont arrivés là . - C’est sûrement parce qu’ils le sont moins que d’autres. - Tu parles, le dernier patron que j’ai eu, c’est à peine s’il prenait pas BALZAC pour une marque de chocolat en poudre. - Et ça t’avance à quoi de savoir qui est BALZAC si tu crèves de faim. - Je te promets que je trouverai ce qui cloche, il faut que je comprenne. - Tu as lu CYRULNIK ? - Non - Quand il a commencé sa carrière de psychiatre, il s’est fait renvoyer de sa première place au bout de 6 mois. Quelques mois après, il lui arrive la même chose dans une autre clinique. Alors il demande un entretien au directeur et le directeur lui dit : « je boite, les infirmières boitent, vous, vous ne boitez pas ». Alors CYRULNIK lui répond : « Mais je peux boiter s’il n’y a que ça pour vous contenter ». « Non ! lui dit le directeur, vous ne boiterez jamais comme il faut ». - Moi j’sais pas boiter. - Et bien t’as intérêt à apprendre si tu ne veux pas te retrouver comme un moins que rien toute ta vie.
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