Mercredi 5 novembre
Chers lecteurs, veuillez lire les chapitres précédents pour une parfaite compréhension.
Matinée sans surprise avec son train-train quotidien. Aujourd’hui, la robe est brune, à volants et ses cheveux arborent deux couettes. On dirait Fifi Brindacier ! Cette pensée fait sourire la jeune fille. Enfin seule, ses cogitations peuvent recommencer mais, elle a beau retourner le problème dans tous les sens, elle se retrouve bel et bien coincée ici, incapable de s’échapper ou de prévenir qui que ce soit. A moins que …
Lucie ouvre le tiroir de la table de chevet. Elle retrouve son portable, seul objet moderne dans toute la baraque. Elle remarque que les gouttes sur l’écran ont à présent disparu. Elle appuie fébrilement sur le bouton d’allumage. L’écran clignote et redonne des signes de fonctionnement. Son code pin entré, Lucie prie pour que la batterie soit suffisamment chargée pour passer un appel et qu’il y ait du réseau dans cette partie reculée de la Belgique. Une barre sur cinq ! Ouf. Elle forme le 112 et attend, en jetant des regards inquiets vers la porte, redoutant qu’elle ne s’ouvre.
Trois longue sonneries et une voix féminine la salue. Lucie se lance :
« Je suis retenue prisonnière chez des personnes. Je suis blessée … - Connaissez-vous l’adresse ? - Non. Je revenais de chez ma tante. Elle habite à Trouville et s’appelle Norma Leman. J’ai parcouru quelques kilomètres en vélo en direction de chez moi, à Mastad, quand j’ai eu un accident. Vite, je vous prie. - Avez-vous plus d’informations sur le lieu ? - C’est une grande demeure isolée avec une allée en graviers devant. Le couple dit s’appeler Dad et Mom. Ils ont eu une fille, décédée à l’âge de seize ans et prénommée Marguerite. Dépêchez-vous. Je pense que mon état se dégrade. »
A ce moment, Mom entre. Surprise de voir Lucie au téléphone, elle reste un instant figée avant de se précipiter vers elle. Elle lui arrache le GSM des mains, ouvre la fenêtre et le lance dans les taillis de l’allée, avec une puissance impressionnante pour une femme de son âge. Elle s’approche de la jeune femme aux yeux écarquillés de terreur, et la gifle violemment en criant :
« Vilaine fille ! Tu seras privée de repas jusque demain ! »
Elle sort en claquant la vieille porte de bois. Lucie halète en se frottant la joue endolorie. C’est un vrai cauchemar. Elle espère que les secours ne vont pas tarder. Elle leur a donné suffisamment d’éléments. Pourvu qu’ils ne croient pas à un canular !
Lucie reste seule et affamée toute la journée dans la chambre d’enfant dont les poupées lui paraissent de plus en plus effrayantes. Pas de photo aujourd’hui, c’est déjà ça de gagné.
Il est plus de vingt-et-une heure lorsque la porte s’ouvre doucement. C’est Dad. Il lui tend une tartine au fromage. Lucie avale goulûment le frugal repas pendant que le vieil homme entame un plaidoyer. « Tu sais. Tu as fait beaucoup de peine à Mom. Elle voit que tu veux fuguer. Pourquoi ? Tu es bien ici. Tu es nourrie, soignée, lavée, habillée. Que veux-tu de plus ? Dehors, il y a des gens dangereux qui risquent de te faire du mal. Reste avec nous. »
Lucie choisit de répondre par un silence qu’elle laisser croire contrit. Il sort et la laisse en proie à ses interrogations et ses angoisses. Elle n’en dort quasi pas de la nuit. Vers trois heures, elle finit par succomber à l’inconscience.
A suivre ...
|