Chers lecteurs, veuillez lire les chapitres précédents pour une parfaite compréhension.
Le vieil homme marque une pause et observe Lucie avec un léger rictus. Il continue son avancée, plus lentement. La jeune fille tremble autant de froid que de peur. Elle tient son geôlier en joue, pose son index sur la gâchette … et appuie. Mais rien ne se passe.
« Il n’est plus chargé depuis longtemps, mon enfant, rigole Dad. Donne-moi cette arme et rentrons. Tu vas attraper la mort. »
Lucie ne s’avoue pas encore vaincue. Elle retourne la carabine et la saisit par le canon en la brandissant comme une batte de baseball. L’homme ne semble nullement impressionné car il continue son approche. Le cœur de Lucie bat la chamade, elle se prépare pour un « home run ». Elle assène un premier coup … dans le vent. Puis, elle tente un second mais perd l’équilibre. Dad en profite pour lui arracher l’arme des mains.
Il lui reste ses poings qu’elle serre et lève, sans grande conviction. Postée sur une jambe, l’image du combat final de « Karaté Kid » lui traverse l’esprit. Elle regarde décidément trop de films ! Même en l’ayant vu une dizaine de fois, elle reste incapable d’une telle prouesse. Restent ses poings à la « Rocky » mais elle ne possède malheureusement que la musculature de sa femme Adrienne ! Le vieillard part dans un rire moqueur avant de fondre sur Lucie, comme un rapace sur sa proie affaiblie. Pas le temps de décocher un uppercut ou un direct du droit, qu’elle se retrouve maintenue au sol. Les yeux bleus, presque translucides, de Dad la contemplent. Lucie est glacée et terrorisée. Sans la quitter du regard, il se met à presser de sa main charnue la cuisse droite de la pauvre jeune fille, juste là où ça fait mal ! Elle hurle autant de désespoir que de douleur.
« Vas-y. Hurle autant que tu veux ! Personne ne peut t’entendre ici ! »
Il relâche son étreinte et attrape le corps sans force de Lucie. Il la jette sur son épaule comme un vulgaire sac de pommes de terre, et reprend sa carabine.
Dans la maison, il la dépose, sans ménagement, dans son lit en annonçant, magnanime :
« Je ne dirai rien à ta mère pour cette fois. Mais ne t’avise plus de recommencer sinon je devrai sévir. Couvre-toi pour te réchauffer sinon tu vas attraper une pneumonie toi aussi. »
Lucie est secouée de tremblements incontrôlables. Elle se cale sous les couvertures en se massant doucement la cuisse pour tenter d’apprivoiser la douleur. Des larmes lui inondent le visage et viennent tremper son oreiller. Elle a une pensée pour Marguerite. Est-elle décédée car ses parents ont tenté de la soigner au moyen de décoctions de pissenlits sans se rendre compte de la gravité de son état ? C’est affreux et cela ne la rassure en rien. Que va-t-elle devenir ? Elle finit par sombrer dans un sommeil agité.
En début de soirée, la porte de sa chambre s’ouvre en grinçant. La respiration de Lucie s’accélère. Mom apparaît avec un plateau.
« Dad m’a dit que tu ne te sentais pas très bien. Alors, je te ramène de quoi te retaper : de la bonne soupe au potiron. »
Lucie ne dit mot. L’homme a tenu sa promesse de ne rien révéler de la tentative infructueuse de fuite de Lucie. La soupe lui réchauffe le corps et l’âme. Elle repense à Hansel et Gretel …
Après avoir tout ingurgité, Mom l’aide à se déshabiller et la réprimande :
« Tu as des traces de boue sur ta robe ! - Euh … je pense que Dad a oublié de se laver les mains avant de me porter. »
La vieille dame souffle en grattant nerveusement la boue séchée qui macule le bas de la robe. Elle sort en annonçant :
« Il va m’entendre celui-là ! »
Lucie tend l’oreille. Une dispute conjugale éclate au rez-de-chaussée. Impossible d’en saisir un traitre mot mais le ton monte. Lucie espère secrètement qu’ils finissent par s’entretuer, cela lui faciliterait la tâche. Mais tout s’arrête d’un coup. Quelques minutes plus tard, elle entend des pas dans le couloir. Le couple rejoint silencieusement sa chambre.
A suivre ...
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