Naufrage
Yannick un beau matin quitta l'île de Groix Comme tous les garçons, laissant pères et mères Il suivait ses aînés natifs de cet endroit Qui tentaient l'aventure au-delà de la mer.
Son père était pêcheur, homme brave et altier Ayant bourlingué dans la marine du roi Pour affronter les vents sur l'un des fiers thoniers Ramenant le poisson du pays des grands froids.
Le regardant partir il était sur le port A ses côtés sa mère, toute vêtue de noir Qui lui avait donné afin qu'il reste fort Une médaille sainte pour qu'il gardât l'espoir.
Les anciens lui avaient parlé des équipages Qui quittaient Saint-Malo, Cancale ou Lorient Et avaient accosté sur des lointains rivages Qu'on savait exister au bout de l'océan.
Par sa mère il savait que de ces longs voyages Parmi ces hommes-là tous ne revenaient pas Et que nombre de veuves maudissaient les naufrages Où leurs pauvres maris avaient vu leur trépas.
Venant de fêter son quinzième anniversaire Il rêvait avant tout d'embarquer comme mousse Et de poser son sac sur un vaisseau corsaire Qui quitterait le quai comme le vent le pousse.
Il se voyait déjà , accoudé au bordage Guettant l'homme de quart de service à la hune Et brûlait d'impatience du prochain abordage Qui leur ferait à tous bientôt faire fortune.
Puis revenant à Brest ferait à Recouvrance Beuveries et ripailles avant de repartir Vers d'autres Amériques pour y faire bombance Et se forger ainsi un plus bel avenir.
Oui mais en attendant, sur la Marie-Gaëlle Qui l'emmenait tout droit sur le vieux continent Il pleurait Maryvonne, son esprit rempli d'elle Et cachait son chagrin en faisant face au vent.
C'était sa confidente et sa meilleure amie Et pour tout dire aussi presque sa fiancée Le vent dans les haubans lui chantait sa romance Alors il s'adossât au mât qui balançait.
C'était dur de partir, mais le choix était fait Se tournant vers le môle qui s'éloignait déjà Il cria à tue-tête : un jour je reviendrai Et je te marierai, surtout ne m'oublies pas !
C'est ainsi le destin d'un enfant de Bretagne D'affronter l'océan et son sombre ressac Pour revenir un jour retrouver sa compagne Et près d'elle à jamais accrocher son hamac.
Il se sentit plus fort, et dit au capitaine D'accélérer un peu la marche du bateau Retrouvant son courage d'une façon soudaine Ayant la certitude de revenir bientôt.
Mais plus encore au large, perdu dans la tempête Son esquif se perdit et coula corps et biens La mer avait gagné que jamais rien n'arrête Et le jeune Yannick plus jamais ne revint.
Longtemps l'île de Groix pleura le petit mousse Qui jamais n'atteignit le port de Lorient Qui n'épousa jamais Maryvonne la douce Et gisait pour toujours au fond de l'océan.
A "Job" Quéméneur. Souvenir de jours en mer.
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