A une amie qui connait la valeur du temps


Le rire est devenu un luxe méprisé.
Tel, pleurant vendredi, dimanche pleurera
Et le comique étant devenu scélérat,
Deviendrait, pour certains, la source de risées.

Est-il bien de bon goût lorsque, autour de nous,
Le monde s'entre-tue, la nature se meurt,
de rire malgré tout, de s'en sentir l'humeur,
Plutôt que de gémir et pleurer, à genoux ?

Ne manquant plus de rien, l'homme en ressent le vide
Et le plaisir d'avoir, enfin, tout à foison,
Ne donne plus l'envie de trouver la raison
De rire d'une vie, devenue insipide.

Faut-il donc, pour goûter le don de chaque jour,
En connaitre le prix, en payer la puissance,
Savoir comment doser chagrins et réjouissances
Et de pleurer sa joie comme on pleure l'amour ?

Certains ont l'air, parfois, de répondre à l'appel
D'une voix d'outre-tombe, ordonnant tout bas,
D'aller au cimetière et d'y guider leurs pas,
Afin d'y fignoler un trou, avec leur pelle.

Et pourtant je sens bien, à la moindre occasion,
Le besoin, pour chacun, d'avoir envie de rire,
A la lueur parfois dans leurs yeux, d'un sourire,
Le désir de tourner la vie en dérision.

Puisque nous savons bien que tout est éphémère,
Mesurant un passé si proche, et disparu,
Pourquoi donc s'obstiner à placer la charrue
Toujours devant le boeuf, et non pas le contraire ?

Je préfère, et de loin, conter le temps passé,
que de compter les jours restant, et me morfondre
A les voir s'écouler pendant que tout s'effondre.
Je veux chanter la vie et non la ressasser.

Et je m'adresse à vous, encor jeunes poètes :
Qu'aurez-vous à pleurer lorsque, le temps venu,
Vous devrez affronter votre déconvenue
D'avoir pleurer trop tôt, cachés sous votre couette ?

Bon sang, nous le savons que tout doit s'enflammer;
Mais rien ne vous oblige à allumer la mêche !
Avant le Grand Final, qu'est-ce qui vous empêche,
De souffler, juste à temps : j'ai eu le temps d'aimer..?