Pour son deuxième déraillement, Marco étudia scrupuleusement les horaires de passage des trains, pour être sûr de faire basculer un train contenant des passagers. En outre pour augmenter ses chances de contourner des mesures de surveillance, il changea de région, la première fois il agissait en Bretagne, pour la deuxième il avait choisi le Languedoc Roussillon. Il avait mis plus de cinq cents kilomètres entre sa première et deuxième cible, de plus il s’était équipé d’un appareil d’écoute, une machine qui permettait d’entendre des sons lointains.
Ainsi il pouvait entendre tout en se cachant les bruits qu’émettaient les survivants de l’accident qu’il provoqua. Comme le cannibale l’avait prévu, un train de passagers bascula, faisant dix morts et cinquante blessés. Les gémissements des blessés, et les pleurs de ceux qui avaient perdu un proche apportèrent du contentement à Marco. Mais le mangeur d’homme ne ressentit pas une joie supérieure comparé au plaisir que lui apportait le meurtre d’une seule personne. Le deuxième attentat rendit encore plus sévère la presse à l’égard des anarchistes. Des journaux de droite comme L’UMPDA s’avérèrent carrément féroce, car ils appelèrent à la dissolution de toutes les associations anarchistes. Bien que des journaux tels que l’Humanité clamèrent qu’il fallait faire preuve de discernement. Que même si les auteurs des attentats étaient des anarchistes, ce qui n’était pas prouvé de manière formelle. Les attaques contre les trains étaient l’œuvre de fanatiques qui étaient rejetés par la plupart des organisations anarchistes. Marco lorsqu’il apprit qu’il avait causé la mort de moins de cent personnes fut déçue, il décida de réaliser un troisième déraillement.
Le cannibale choisit de frapper à un kilomètre du village de Poirin, une commune du département de L’Yonne se situant en Bourgogne, qui s’avérait célèbre pour ses potiers et son restaurant le bourguignon accueillant ; servant d’après la rumeur les meilleurs escargots de la région, grâce à une sauce spéciale dont la recette était connue uniquement du propriétaire et du meilleur cuisinier du restaurant. Pour augmenter ses chances de faire dérailler un train plein de voyageurs, le cannibale choisit de frapper un jour de trafic intense, le vingt quatre décembre. En outre pour augmenter le nombre de victimes, il avait préparé une surprise dévastatrice. Le cannibale pendant son attente, se mit à songer à Ernestine Nana, il se dit que s’il avait continué à la fréquenter, il n’aurait peut-être pas poursuivi l’accomplissement d’actes meurtriers. Seulement voilà son ancienne petite amie avait un caractère particulier, ses tendances sadomasochistes, étaient supportables, et avaient même un côté amusant, car elles égayaient leurs rapports sexuels. Mais la nymphomanie d’Ernestine qui la poussait à coucher avec tout homme ou femme qu’elle trouvait désirable, était trop dure à gérer pour Marco. Surtout que le mangeur d’homme était très territorial. Pour lui la fidélité était plus qu’une vertu, lorsque l’on choisit de devenir l’amant de quelqu’un. C’était un devoir sacré, y manquer c’était faire preuve d’un comportement intolérable, qui méritait une sanction exemplaire. Le cannibale avait épargné Ernestine parce qu’il jugeait que son infidélité était liée à un trouble mental, qu’elle ne contrôlait pas ses actes, mais Marco s’était quand même vengé. Le mangeur d’homme lui avait infligé une raclée tout en préservant son anonymat en portant un masque. L’attaque dont l’ancienne petite amie de Marco fit l’objet traumatisa gravement Ernestine, et la métamorphosa.
Cette femme rousse aux yeux marrons, cessa d’être enjouée, ses habitudes vestimentaires changèrent. Elle laissa tomber ses tenues sexy pour ne pas dire provocantes, par exemple elle abandonna l’usage de la mini-jupe, pour ne porter que des pantalons. Elle arrêta de se maquiller, et de prendre soin de son apparence extérieure, ses cheveux soyeux devinrent rêches et cassants. Ernestine s’acheta un robuste berger allemand, elle délaissa toutes ses relations, excepté quelques amis très intimes, qui avaient subi dans leur enfance ou à cause de leur compagnon des violences. Ce changement d’état d’esprit plut à Marco, pendant un moment il songea à renouer des liens avec Ernestine, cette victime fragilisée par son agression, serait facile à manipuler, à modeler. Mais le cannibale changea d’avis, il y avait toujours le risque qu’une fois mieux, Ernestine se remette à chercher à séduire tout ceux qu’elle trouvait attirants. L’érotomanie était un trait de caractère faisant partie de sa nature profonde.
Une fois que le TGV eut déraillé, Marco s’en approcha, et lança une dizaine de grenades sur les wagons. Le cannibale ne connaissait personne qui vendait du matériel de guerre. Par contre son ami Alphonse disposait de quelques relations dans le milieu du trafic d’armes, il avait fourni des armes de guerre à Marco en échange d’un versement de cinq mille euros. Le nombre de morts dépassa les cent dix, et il y eut deux cents blessés. Le retentissement de l’attentat perpétué par le cannibale fut énorme. L’attaque engendra une vague mondiale d’hostilité contre les anarchistes, des dizaines d’entre eux furent victimes d’insultes voire agressés. Les partis comme le FND et l’UMPD mirent les bouchées doubles dans une campagne de dénigrement. L’antipathie générée par ses attentats plut à Marco, mais il déchanta vite. S’il était content que la présidente de la République Ingrid Betham, qui était affiliée à L’UMPD, orchestra des enquêtes et des arrestations contre des anarchistes influents. Le mangeur d’homme n’appréciait pas que Betham se serve de l’émotion suscitée par ses attentats pour faire passer des lois liberticides, notamment l’impossibilité pour un prévenu de bénéficier des services d’un avocat pendant soixante douze heures, lorsque le suspect était accusé de terrorisme.
Une autre mesure qui déplaisait à Marco était le développement de la surveillance amicale dans les quartiers. Elle consistait à confier aux habitants d’un quartier X, et non à des employés, la gestion du contenu des vidéos des caméras de surveillance du quartier X. Si quelqu’un avouait un secret en étant dehors, il prenait le risque que l’ensemble des habitants du quartier soit au courant. Cela pouvait être néfaste voire dangereux, le fait que sa confession religieuse ou son orientation sexuelle soit connue, incitait certains voisins à médire voire à commettre des actes de vandalisme. Il y avait aussi le fichage en fonction des opinions politiques qui dérangeait Marco, cette mesure était digne des nazis de l’Allemagne des années 1930. Le cannibale arrêta de commettre des attentats pour ne plus alimenter les arguments de ceux qui voulaient privilégier la sécurité au détriment de la liberté. Mais la principale raison qui poussa le mangeur d’homme à renoncer aux meurtres de masse, était que les attentats n’apportaient pas au cannibale plus de plaisir que l’assassinat à petit échelle.
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