Il y a une époque maudite de ma vie que je n'oublierai jamais parce qu'elle a marqué mon âme et mon cœur au fer rouge. A cette époque, alors que je n'étais qu'un adolescent, fragile et déjà doté d'une grande sensibilité, ainsi que d'une curiosité, d'une avidité intellectuelle effrénée, le monde m'avait déjà profondément meurtri. Il faut dire que, lorsque je suis né, une tache de vin colorait la plus grande partie du coté gauche de mon visage. Par la suite, évidemment, durant une partie de mon adolescence, j'ai subi une dizaine d'opérations de chirurgie esthétiques, et je me la suis fait retirer. J'ai souffert afin de la faire disparaitre et de retrouver un visage "normal". Mais, pour moi, il s'est agi de la seule solution afin d'avoir une vie au cours de laquelle je ne subirai plus le regard des autres, les jugements, les mises à l'écart, les rires ou les moqueries. C'est à ce moment là , d'ailleurs, alors que j'étais seul et désespéré, blessé par la méchanceté de mes camarades de classe qui s'acharnaient sur moi à chaque fois qu'ils me croisaient. Je me souviens qu'aucun d'eux ne désirait me serrer la main pour me dire bonjour, de peur de se salir, qu'aucune des jeunes filles ne souhaitait me faire la bise, de peur de se salir également. J'entends encore leurs rires résonner dans ma mémoire, leurs visages qui grimacent des sourires méchants ; leurs chuchotements à mon encontre, tout en me fixant de loin. C'est à cette époque que je me suis réfugié dans les livres pour la première fois. C'est à cette époque que j'ai commencé a me construire, par leur intermédiaire, cet univers imaginaire que j'ai étoffé, élargi, avec le temps. A chaque récréation, alors que mes camarades de classe se retrouvaient ensemble pour jouer au football, par exemple, moi, je m'asseyais dans un coin isolé de la cour du collège. Je me plongeais dans des livres sur la mythologie, sur les légendes et les mystères de notre monde, comme l'Atlantide, les mystères des Pyramides, Nazca, les Ovnis, le trésor des Templiers, des Cathares, sur les civilisations antiques comme Sumer, les Incas, les Mayas ; et j'en passe. Je me suis progressivement ouvert l'esprit à toutes ces choses, et a bien d'autres encore, puisque de fil en aiguille, je me suis intéressé à la philosophie, aux religions, à l'existence de Dieu, aux sciences, à la Préhistoire, à l'anthropologie, et bien d'autres choses encore. Lorsque mes camarades de classe me croisaient, ils se moquaient de mon intérêt pour tous ces domaines qui les dépassaient, eux qui n'avaient qu'une seule idée en tète à cette époque : draguer les filles, ou sortir en discothèque. Je ne dis pas que je ne m'intéressais pas aux filles, loin de là . Mais j'étais aussi conscient qu'avec cette tache de vin sur mon visage, il n'y avait aucune chance pour que l'une d'elle ne s'intéresse a moi. Et j'ai longtemps préféré admirer l'élue de mon cœur de loin, rester en retrait pour la voir profiter pleinement de sa jeunesse, et des attraits de sa beauté, de sa sensualité, de son charme, qu'elle voulait partager avec des camarades plus attirants que moi. J'ai préféré chasser ces sentiments naissants de mon cieur afin de ne pas avoir mal, d'oublier ce sentiment permanent de rejet de la part de ceux que je désirais approcher, de celles de qui je voulais me faire apprécier ou aimer. Non, jamais je n'oublierai cette période en enfer qui a contribué à faire de moi ce que je suis aujourd'hui ; cette période au cours de laquelle ont débuté les années noires de ma vie...
|