Les trottoirs semblent onduler dans un brouillard de chaleur. La clarté de cette fin de matinée est aveuglante et gomme les couleurs pourtant gaies et vives des façades et des palmiers immobiles qui se gorgent de soleil, en attendant de projeter leurs ombres, plus tard, pour une fin de journée sans fraîcheur. Les touristes paraissent énivrés par leurs rêves qu'ils sont en train de vivre. Leurs tenues, toujours surprenantes, sont censées se fondre dans le cadre environnant et font retourner les autochnomes, ébahis par tant d'anachronismes vestimentaires. Les terrasses des......
Stop ! Stop ! Arrêtez l'image ! ça va pas du tout, là ! Non non....ça, c'était un scenario classique, déjà tout tricoté pour les années ordinaires ! Faut vous remettre à vos copies, les mecs ! Mes lecteurs, à moi, ils veulent du réel, de l'authentique, du vécu au jour le jour ! Si je vous laisse embrayer,vous allez finir par faire intervenir les guitares, avec un baissé de rideaux sur une " Ajaccienne " chantée par l'association du foyer du troisième âge de la Citadelle. Faut du vrai !
Ah bon...On reprend tout...
Sombre jour.L'estivant s'en revient lentement Avec son grand imper qui flotte dans le vent... C'est un mois de mai exceptionnel, les copains ! J'ai entendu ce midi, dans le resto du Casone où je déjeunais en famille, que la Corse n'avait pas subi une telle débâcle climatique depuis 1862.. Un ciel menaçant, chargé de lourds nuages sombres qui cavalaient, poussés par un vent hivernal plus que frais, avec des petits interludes de rafales de pluie fine qui s'infiltrait partout. Les touristes, têtes basses, dissimulaient leurs beaux T-shirts de couleurs vives sous des K-ways ou des toiles de fortune ne laissant visibles que leurs gambettes blanchâtres, en mal de coups de soleil. Nous nous dépêchions de rentrer pour nous mettre à l'abri quand, à un carrefour, un stupéfiant équipage s'arrèta, nous obligeant à rester sur le trottoir. J'imagine que les habitants de l'ile de Ré, à une certaine époque, ont dû ressentir ce que j'ai ressenti, lorsqu'ils regardaient passer les rangs de bagnards, partant pour se faire embarquer, à destination de Cayenne. Le joyeux petit train des vacances, ouvert aux quatre vents, était là , rempli de touristes encapuchonnés, entoilés , assis bien droits sur leurs bancs de bois et semblant honteux de s'y trouver. Devant notre ébahissement fortement marqué, quelques uns nous firent un triste sourire d'excuse. Les membres de ma famille savent comprendre et partager l'affliction des âmes en peine. Mon épouse leur a dit : - " Vous n'avez pas de chance..normalement, il fait un temps splendide, en cette saison. " Ma soeur a voulu atténuer l'effet de déception que cette remarque pouvait créé et ajouta : - " Revenez une autre fois, il fera surement beau temps ! " Comme l'ensemble des mines se trouvant devant nous avait tendance à s'allonger en nous écoutant, j'ai crû bon de préciser, mais là , j'avoue la part de machiavélisme qu'il y avait dans mon commentaire : - " De toutes façons, dites-vous bien que, chez vous, ça doit être encore pire . " Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir à méditer sur la justesse de mon analyse qui les a fait béer en me regardant, les yeux ronds. Je ne le saurai jamais. Le petit train à repris son triste voyage, probablement vers les iles Sanguinaires dont le guide devra leur préciser l'emplacement, noyées comme elles devaient l'être dans ce brouillard de pluie fine qui, pour l'heure, semblait dissoudre le convoi qui a disparu, petit à petit, dans un silence inhabituel pour ce genre d'équipage.
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