Etranger, toi qui lit ces quelques lignes nées de l'Esprit d'une Créature condamnée ; à se soumettre aux Volontés des Puissants ayant jadis décidé ; que je ne suis qu'une Ame damnée ; je te révèle par ces Mots teintés d'effroi glacé ; que je m'apprête à quitter ce Monde de dégénérés. Car sache le, toi qui n'a ni nom ni visage, je suis un Homme oublié de ceux et de celles qui m'ont autrefois enchainé ; aux remparts illustres de cette Cité d'Airain inachevée. Dès lors, moi qui ne suis qu'un Inconnu au regard terrifié par tant de folie ; je hurle mon désespoir à la face de ces Etres sans Passé ni Avenir aux songes inassouvis. Je me vide de mon Ame avide de Mythes interdits et de Connaissances non abouties. Je m'éteins lentement en rêvant de ces Univers libérés d'excès qui n'ayant pas fini ; d'empoisonner les Espoirs de ce Territoire mille fois maudit. Mais je laisse aussi éclater une dernière fois cette rage dont les cicatrices rougies constellent ce corps affaibli ; m'appartenant encore pour d'ultimes minutes névrotiques. C'est toutefois en pensant à celle qui m'a permis d'endurer la souffrance distillée en moi par ces Génies de la Nuit ; que je quitte sans regret cette Contrée aux illusions couleur de suie. Puisque c'est elle dont j'ai secrètement suivi les méandres jusqu'aux abords de cette Ville endormie ; il est naturel que je subisse la vindicte de Déités qui l'y ont accueilli. A tel point, ne le néglige pas mon ami, que ma chair écorchée vive par ce Geôlier perverti ; garde en elle pour l'Eternité la trace de ce cheminement chaotique. Et que je ne la trahirai pas tant qu'il me restera un souffle de vie ; lorsqu'inévitablement, elle s'attachera au service de celui qui m'a anéanti. Alors, tandis qu'inexorablement, je sens ce feu intérieur se diluer, puis s'évaporer au milieu des nuées enténébrées ; je me réjouis de savoir en sécurité celle à laquelle j'ai dédié mon existence fracassée. J'imagine ce qu'aurait pu être mon Destin si, métamorphosé par mon union avec celle qui a choisi de me quitter afin d'enflammer ; les sens de ces Etres sans foi ni loi se terrant aux fins fonds de cette Cité exécrée ; s'était tournée vers celui qui l'a toujours aimé. Je clame d'une voix frêle et affaiblie cette Ode que nul n'écoute si ce n'est ce vent déchainé ; qui m'environne continuellement, emportant avec lui au loin ces vers que je lui ai dédié ; et que toi, Etranger, tu as peut-être pris soin d'écouter... Dominique
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