J' ai semé une graine de saule, pour voir comment elle se débrouille, comment elle s' emmêle dans le sol, dessous le ciel, parmi les hommes et les gargouilles. Je l' ai jeté par dessus l' épaule, juste pour de rire. Imaginant sève et nervures, elfes et verdures et des pousses à la Palmyre.
Je suis partie loin de mon pays, emplie de doutes, déjà fanée comme une image flétrie au soleil, découvrir des merveilles. J' ai vu le palais du Sanssouci, style rococo, et les rallyes de Monte Carlo, le sac sur le dos. J' ai goûté aux pluies diluviennes du Viêt Nam, à l' enfer du macadam et aux sécheresses du monde.
J' ai vue la Chine, la muraille bien murée et la péninsule de Macao. J' ai chanté au vent du sirocco et j' ai vu tous ces os, dans les mortes eaux. J' ai touché des doigts la tristesse du monde et les mirages du bonheur.
J' ai marché sur la place Saint Pierre de Rome; j' ai vu Grenade et les jardins de l' Alhambra, sous le poids des heures. J' ai photographié des cités antiques, des troglodytes, des huttes dansantes: au son de la flûte et du pipeau. Des dômes d' églises cuivrés, et le Puy de Dôme.
Du cirque de Gavarnie au gouffre de Padirac, en passant par les chateaux cathares: j' ai même chanté les lézards qui chauffent au soleil, au son d' une guitare. Lorsque je suis revenue au pays, sans le blé mais ravie: il aurait fallu un miracle pour que le saule eût poussé. Il était pourtant là , bien ancré dans ses racines. Rien ne l' avait détruit, ni les séismes ni les mines.
Il avait bien grandi, comme des lentilles dans du coton. J' avais bien vieilli, l' air un peu con. J' avais semé là , juste pour de rire, l' histoire de nos deux vies.
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