Ma mère avait planté, devant notre maison,
Quelques rosiers-pompons en petites boutures.
Je les ai vu pousser, recouvrir l'armature
En forme de tonnelle, en très peu de saisons.

Nous possèdions, l'été, le plus joli ombrage,
Un énorme buisson de roses rouge sang
Où venait se fleurir, parfois , quelque passant
Et qui servait d'abri, lorsque grondait l'orage.

Et puis on a rasé nos maisons, nos jardins.
Les chevaux ont repris leur terrain, leur espace;
Mais je retrouve encore, maintenant, quand j'y passe,
Des vestiges sacrés; pour d'autres anodins.

Un jour, j'y suis allé à la fin d'un printemps.
Je roulais lentement, pensant à ma jeunesse,
Lorsque, en m'éloignant,j'aperçus, de justesse,
Un bouquet rougeoyant au milieu de ce champ.

Le rosier de maman, maintes fois labouré,
Piétiné et flétri, gardant toujours l'espoir,
N'a pas voulu mourir.J'ai couru le revoir
Et pris quelques racines que j'ai déterrées.

Ton beau rosier, maman,a traversé la France,
Voyagé sur la mer, découvert le soleil.
J'ai refait sa tonnelle: je la voulais pareille,
Pour lui faire oublier ses années de souffrance.

Maintenant, ce rosier a des enfants chez nous:
Tous ceux de ma famille l'ont, en héritage.
Je le dis en riant; ce rosier a mon âge
Et où que je serai, il me suivra partout.

J'ai changé de maison. Transportant mes affaires,
Un grand pot a suivi, avec quelques boutures.
Je l'ai laissé dehors, dans un coin de nature,
Ayant, en attendant, bien d'autres choses à faire.

Voilà. Je peux enfin me mettre à ma fenêtre,
Regarder les montagnes,admirer la campagne,
J'ai, baissant le regard, mon ancienne compagne:
Le rosier de maman. Et elle le voit, peut-être...