| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Accueil >> xnews >> Micronouvelles - 1 - Nouvelles confirmées - Textes
Nouvelles confirmées : Micronouvelles - 1
Publié par Iktomi le 25-03-2013 15:48:05 ( 1248 lectures ) Articles du même auteur



Protection rapprochée


Un verre de vermouth à la main, le Président promenait sa lassitude parmi ses invités. Ses deux gardes du corps le suivaient pas à pas, en portant de temps en temps l’index à leur oreillette. A intervalles réguliers, l’un d’eux semblait sussurer des confidences à son bracelet-montre. Le Président supportait leur manège avec une apparente impassibilité alors qu’en réalité ce qu’il appelait « ce cinéma » l’irritait prodigieusement. Au prix d’un violent effort, il parvint à adresser un sourire éclatant à l’ambassadeur d’Australie, très fier de lui présenter sa nouvelle (et très jeune) épouse, une magnifique aborigène à la peau grenat et aux stupéfiants yeux vert pâle. C’est à cet instant que l’incident éclata. Le Président se flattait d’avoir l’ouïe assez fine et il se persuada que ses gardes du corps venaient d’échanger à mi-voix des commentaires appréciateurs sur la plastique de la jeune Australienne, quelque chose du genre « chouette pépée » ou « chouette poupée », il n’était pas bien sûr. Il se retourna d’un bloc et les foudroya du regard. L’un deux murmura une phrase inquiète à l’adresse de sa montre. Le Président entendit distinctement « gorgonzola », et somma l’homme de répéter « mot pour mot, et à haute et intelligible voix » ce qu’il venait de dire.

L’homme déglutit avec peine et s’exécuta :

« Gorgonzola commence à s’énerver… »

« Je suppose, fit le Président avec hauteur, que ceci est le très poétique nom de code que vos chefs ont décidé de m’attribuer cette semaine ? Pourrais-je savoir ce qu’ils m’ont réservé pour la semaine prochaine ? Fourme d’Ambert ? Stilton ? Livarot ? »

« Non, Monsieur le Président. On suit l’ordre alphabétique. La semaine prochaine, le code commencera par un H. »

« Oh, vraiment ? Comment vais-je être baptisé ? Herpès ? Hémiplégique ? Hermaphrodite ? »

« Monsieur le Président, je n’ai pas le droit de… »

« C’est un ordre ! »

« Haruspice », fit l’homme du bout des lèvres.

« Plaît-il ? »

« HARUSPICE… »

« Voilà qui est mieux », dit le Président, soudain calmé. Il but une gorgée de vermouth et poursuivit son chemin en recommençant à distribuer des sourires. C’était la première fois de sa vie qu’il entendait ce mot.

Article précédent Article suivant Imprimer Transmettre cet article à un(e) ami(e) Générer un PDF à partir de cet article
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Bacchus
Posté le: 25-03-2013 16:02  Mis à jour: 25-03-2013 16:02
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Micronouvelles - 1
Il n'est pas besoin d'être devin pour imaginer le nombre de dictionnaires qui seront ouverts après la lecture de ton texte. Je viens de refermer le mien et maintenant, j'ai un avantage sur ton président : je sais...
Texte court mais distrayant. Probablement un extrait ?
Merci . Bacchus
Iktomi
Posté le: 25-03-2013 16:50  Mis à jour: 25-03-2013 16:50
Modérateur
Inscrit le: 11-01-2012
De: Rivière du mât
Contributions: 682
 Re: Micronouvelles - 1
Merci, cher Bacchus.

Ce n'est pas un extrait, mais comme le titre générique l'indique, une micronouvelle... enfin, restons modeste : un essai, une expérience de micronouvelle.

Les plus abouties tiennent en six mots ou en trois lignes, tu vois que j'ai encore du chemin à faire.

Je ne résiste pas au plaisir d'en citer deux ici, elles sont de Félix Fénéon :

A Oyonnax, Mlle Cottet, 18 ans, a vitriolé M.
Besnard, 25 ans. L'amour, naturellement.


Mondier, 75 bis, rue des Martyrs, lisait au lit. Il mit le
feu aux draps, et c'est à Lariboisière qu'il est maintenant
couché.


La perfection : à côté, ce que je fais, c'est de la gnognotte.

Bien à toi.
Bacchus
Posté le: 25-03-2013 17:51  Mis à jour: 25-03-2013 17:51
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Micronouvelles - 1
Je connaissais mal ce genre d'écriture. En fait, je l'avais oublié. Tu m'as fait souvenir de quelques textes de Mac Orlan qui m'avaient amusé, il y a bien longtemps.
L'exemple de Fénéon est magistral: une petite aventure en quelques mots.
Merci. Je ne me lasse pas d'apprendre
Amicalement Bacchus
Loriane
Posté le: 27-03-2013 16:20  Mis à jour: 27-03-2013 16:20
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9505
 Re: Micronouvelles - 1
L'écriture minimalisme, ce style direct d'une écriture dépouillée est très au goût du jour.
Bien que cela existe depuis bien longtemps nous la voyons réapparaître plus encore alors que par ailleurs nous parlons de "décroissance".
Cela correspond probablement à la lutte contre les excès de notre époque, mais aussi cette écriture est celle de l'époque des publicistes, de la presse, et aussi des textos.
Pas ou peu d'adjectif, pas ou peu d'adverbe, économie et efficacité. Comme dans les textes des chansons, surtout celles de Serge Gainsbourg.
J'ai trop pratiqué ce genre d'écriture dans mon travail, et bien que je conserve toujours l'amour du slogan, la formule concise qui frappe, je ne suis pas une fana de ces économies de mots. J'aime trop les mots.
Mais le défi de trouver le mot juste, reste un exercice excitant.
Nous sommes loin ici, de Balzac ou des écrivains du XIX et début du XX qui étaient de gros utilisateurs de mots.
Cette mode me rappelle un sketch, une personne conseille à une autre de simplifier son message de trois lignes, message, qui va se terminer en Trois mots : Verbe sujet 1 complément.
Merci
tchano
Posté le: 27-03-2013 19:39  Mis à jour: 27-03-2013 20:04
Plume d'Or
Inscrit le: 18-01-2012
De:
Contributions: 297
 Re: Micronouvelles - 1
Je ne connais pas ce mot et je n'ai toujours pas chercher sa définition.
Je parie, au risque de me ridiculiser, que cela n'a pas d'incidence quant à la chute de ta nouvelle.
Moi j'aime bien cette issue inattendue et le mode court et dépouillé que tu emplois.
Cela m'amuse d'imaginer que le président décolère parce qu'il imagine que le mot lui est avantageux, ou pour ne pas signifier sa lacune.
Autre hypothèse, et non des moins savoureuse, le mot n'existe pas.
aliv
Posté le: 30-03-2013 07:41  Mis à jour: 30-03-2013 07:41
Plume d'Argent
Inscrit le: 25-03-2013
De:
Contributions: 290
 Re: Micronouvelles - 1
Une petite nouvelle bien écrite, vraiment très agréable à lire.
Et non , je ne suis pas encore aller voir mon dictionnaire, je suis trop fainéante pour cela.
Mais je voudrais bien savoir ce que veux dire ce mot, donc je vais jeter un coup d'oeil à mon dico.
En tout cas merci pour cette histoire.
Loriane
Posté le: 30-03-2013 09:59  Mis à jour: 30-03-2013 09:59
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9505
 Re: Micronouvelles - 1
Pour les ceuss qui on mis leur dico sous la pile :
Les Haruspices sont, comme les auspices, des devins, ( qui viennent des étrusques!) ils pratiquent l'Haruspicine, c'est à dire un art divinatoire en lisant des signes dans les entrailles d'animaux sacrifiés et plus souvent dans le foie.
couscous
Posté le: 31-03-2013 15:42  Mis à jour: 31-03-2013 15:42
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Micronouvelles - 1
C'est finement écrit. J'aime cet humour indirect. Je vais lire les autres.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
68 Personne(s) en ligne (5 Personne(s) connectée(s) sur Textes)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 68

Plus ...