Marco à contrecœur se dit qu’il fallait voir un psychiatre, et peut-être qu’il prenne un traitement, cette idée ne l’enchantait pas. Sa mère avait une opinion sévère sur les psychiatres, pour elle la majorité des psychiatres étaient des charlatans qui empoisonnaient à petit feu, avec des drogues. Marco craignait de vexer profondément sa génitrice en se confiant à un étranger plutôt qu’à elle, cependant il se dit qu’il n’avait pas le choix. Les crises de démence se rapprochaient de plus en plus, au lieu d’une fois par semaine, c’était une fois tous les deux jours.
Marco résistait mais il avait de plus en plus de mal à ne pas céder à ses pulsions. Le mangeur d’homme n’attendit que deux semaines avant d’obtenir un rendez-vous. Ce qui était un vrai coup de chance, deux des patients du docteur Palati étaient décédés dans un intervalle de quelques jours d’écart, l’un tué d’ailleurs par Alphonse. Les médecins qui se spécialisaient dans la psychiatrie n’étaient pas légion, résultat il fallait souvent attendre plusieurs mois avant d’obtenir un rendez-vous avec un psychiatre. Le docteur Palati était un homme qui s’avérait encore séduisant, malgré ses rides profondes notamment à cause de son regard vif, sa grande érudition, et sa capacité à mettre bien à l’aise ceux qui parlaient avec lui, y compris les anxieux.
Le cabinet de Palati se situait à Paris, son domicile était voisin de son lieu de travail, le rez-de-chaussée servait aux consultations, et le premier étage de lieu d’habitation. Le cannibale était fébrile, pendant qu’il lisait un livre dans la salle d’attente, une pièce avec une tapisserie bleu clair, et remplie de copies d’œuvres de maîtres, telles qu’une imitation de « Tournesols dans un vase » de Van Gogh ou « Vieille femme au rosaire » de Paul Cézanne.
Les psychiatres étaient des gens habitués à étudier le psychisme de leurs patients, le cannibale avait peur que Palati découvrit qu’il était un dangereux psychopathe. La salle où recevait le docteur contenait trois confortables fauteuils, contrairement au cliché répandu il n’y avait pas de divan. Marco demanda si les toiles présentes étaient aussi des copies, Palati lui répondit qu’il s’agissait d’originaux qu’il avait peint lui-même. Le cannibale félicita le psychiatre pour son talent de peintre, en effet le docteur avait une technique qui rendrait envieux beaucoup de peintres amateurs. Marco expliqua à Palati qu’il faisait un rêve récurrent, où il était sous la forme d’un loup-garou, et qu’il dévorait sa petite amie Sophie. En outre il souffrait d’une envie de verser le sang, quand il voyait des femmes légèrement vêtues ou nues, il resta silencieux sur son envie de les manger.
Le docteur Palati diagnostiqua Marco comme étant schizophrène, et lui prescrivit du risperdal et du xanax, en outre il lui conseilla de venir le voir au moins une fois par semaine. Le traitement et les séances de psychanalyse eurent un effet apaisant sur le cannibale. Le psychiatre au soulagement de Marco ne lui proposa pas de l’hypnotiser, car d’après le docteur cela pourrait aggraver ses troubles psychiques. Une personne sous hypnose était dans un état d’esprit la poussant à faire des révélations, Marco avait peur en se faisant hypnotiser, de parler des meurtres qu’il avait commis. Les crises de folie n’avaient pas disparu mais elles s’espaçaient, et perdaient progressivement en intensité.
La schizophrénie pouvait donner des pensées morbides, mais il était très rare qu'un schizophrène soit agressif à l'égard d'autrui. Cette maladie mentale causait une forte souffrance, mais ne rendait pas spécialement destructeur, car elle n'altérait pas le libre arbitre. La plupart des schizophrènes demeurait responsable de leurs actes, car la schizophrénie n'engendrait pas l'apparition d'une double personnalité contrairement à certaines idées reçues. Certains schizophrènes en tuant une mouche pouvaient ressentir de la culpabilité.
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