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Accueil >> xnews >> Chimères d’un morceau de papier 2/3 - Poèmes confirmés - Textes
Poèmes confirmés : Chimères d’un morceau de papier 2/3
Publié par emma le 09-03-2013 09:00:00 ( 1109 lectures ) Articles du même auteur



Desperate housewife


« Ménagez-vous, ménagez-vous... » Qu’il a dit, le bon docteur.
« Vous êtes épuisée, claquée, sur les rotules, à cran. A cran d'arrêt pour le moment, mais il y a un jour, le fusible saute et là, là... Crack ! Kaputt ! Blackout ! En d'autres termes : burn-out. »
Qu’il a dit, le docteur.

Mais pourtant je me ménage, docteur, vous jure, je me ménage !
Je me ménage, aspirateur,
Puis je me ménage, serpillère,
Après je me ménage, éponge à récurer,
Et à la fin je me ménage, balai à chiottes.

- Un arrêt de travail, peut-être, madame ?
- Inutile, docteur. Je suis femme au foyer.

***


J’ignore pourquoi


Le temps m’échappe
Le vent m’échappe
Les mots me manquent
J’ignore pourquoi

Cette chose poisseuse
Qui me connaît
Mieux que mon âme
Me colle au corps
J’ignore encore…

Elle fumait clope sur clope
L’odeur sale de la fumée myope
Emplit toujours mes yeux de douloureuses larmes
Et je sentais même à six ans
Le sol si lourd et tout le poids de ce déracinement
L’horreur de ces dimanches soirs
Quand les tâches ménagères sont faites
Qu’il n’y a plus rien, plus rien à faire au monde
Sauf à promener l’œil absent
Sur l’écran bleu télévisé qui n’était qu’un autre miroir
De la vacuité

Elle fumait clope sur clope,
Et il n’y avait rien
Rien de plus triste au monde
J’ignore pourquoi…

***

Rencontre avec la mélancolie


A présent, je sais que la mélancolie, est une tare héréditaire, ma mère.
J’ai hérité tes mains. Tes belles mains aux longs doigts effilés.
Longtemps j’ai cru qu’il fallait cacher, cacher la mélancolie, la dissimuler dessous une mantille ouvragée de délicieux mensonges acidulés.
« Tu ne trompes personne ! »
- Qui a parlé ?
J’étais enfant, j’allais nu-pieds contre le vent dans ma parka élimée lorsque je rencontrai pour la première fois la mélancolie.
Assise sur le banc public du minuscule square du quartier ou elle sortait souffler un peu et fumer sa clope dans l’air bleu du crépuscule, elle parlait gentiment à ma mère dans une langue étrangère.
« J’ai parfois l’impression… » Disait ma mère.
L’autre : « je comprends ».
« C’est ta fille ? » demanda la mélancolie, se tournant vers moi, l’œil clément.
« C’est ma fille. »
« Elle te ressemble tant… »
« De quoi parlez-vous ? » Ai-je demandé
« Personne ».
« Quoi personne ? »
« Ce sont des choses de grandes personnes… »
Elle m’a donnée la main. Sa main aux longs doigts effilés.

***


L’amie qui n’avait rien en commun

C’est vrai. C’est vrai nous n’avons rien en commun. Parfois… Parfois, il s’agit juste d’un bout de chemin. A l’âge encore tendre où nous n’avions pas encore le cuir trop dur sur la viande, nous prolongions à coup de rires exagérés, l’enfance. L’enfance qui ne fait que passer.
Encore aujourd’hui, alors que nous avons encore moins en commun, il suffit d’un regard échangé, d’un mot glissé en douce pour sentir les secousses d’un grand rire monter… Monter comme la moutarde monte au nez et à la barbe des autres.
Je pensais que tu étais là pour moi, pour me tirer de cette torpeur, de cette léthargie métaphysique. C’était là, le sens de cette étrange amitié.
Tu m’avouas un jour, bien des années après, à quel point ton enfance avait été un gouffre, un calvaire dégueulasse, navigant à vue entre indifférence et maltraitances familiales.
« Mon amie, as-tu conclu, tu es la seule chose à garder de ces années merdiques ».
Parfois je m’en veux de n’avoir jamais vu que tu souffrais. Moi. Incapable de comprendre le monde. Moi et mes maux imaginaires.

Chimère ! Tout est ta faute !

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 09-03-2013 23:15  Mis à jour: 09-03-2013 23:15
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9505
 Re: Chimères d’un morceau de papier 2/3
Trop drôle !! tu me rappelles un souvenir :
j'ai eu la même réaction que toi, quand les enfants étaient petits je ne voulais pas m'arrêter et le médecin n'a pas compris quand je lui ai dit : "mais arrêtez vous me faites peur !! ménage, ménage vous n'avez que ce mot à la bouche" Il disait aux enfants " il faut que ta maman se ménage"
Trop drôle.

J'aime l'ambiance de "j'ignore pourquoi", l'évocation en mots simples est très efficace.
Ça fait un bon poème.

Rencontre avec la mélancolie.
J'aime vraiment beaucoup celui-ci, tout est parfait, surtout les mots qui mènent sur un silence, on peut compléter les vides qui n'en sont pas.
une coquille : "mandille" mantille ?

L'amie,
C'est vrai, il y a toujours un morceau de son enfance que l'on a donné à personne, que l'on avoue longtemps, longtemps après, parce que le malheur c'est pas chic, et parce que en parler c'est encore le vivre, il faut du temps pour dire les choses. Mais c'est très bien écrit.

Dommage de les laisser comme ça, en vrac comme des fonds de tiroir, en fait chaque poème est fini et très bon comme il est. Ils ne méritent pas cette fosse commune.
Merci
emma
Posté le: 10-03-2013 21:51  Mis à jour: 10-03-2013 21:51
Modérateur
Inscrit le: 02-02-2012
De: Paris
Contributions: 1494
 Re: Chimères d’un morceau de papier 2/3
Hop ! J'ai corrigé "mantille" (c'est bien mantille que j'avais en tête).

Ce bon docteur dis "ménagez-vous !" depuis toujours à des générations de malades, mais impossible de l'écouter. La société moderne va vraiment trop vite et on en demande vraiment trop aux pauvres individus au bord de la crise de nerf !

Encore merci pour ta lecture et ton commentaire !
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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