Chapitre IV : Le sanguinaire
Marco était de plus en plus heureux, sa mère grâce à sa rencontre avec Mathieu Morel, reprenait goût à la vie. Cela réconfortait le cannibale, même si une partie de lui-même aurait voulu que Laure sa génitrice ne connaisse pas d’autre compagnon, à cause de l'attachement de Marco pour son père défunt. Sophie bouleversée par la mort brutale d’Hubert, avait fini à cause des soins prévenants du cannibale par tomber amoureuse de lui. En outre Marco était ravi d’avoir trouvé un confident pour le récit de ses meurtres dans la personne d’Alphonse. Toutefois le côté audacieux pour ne pas dire téméraire de son ami, dans l’exécution des forfaits qu’il accomplissait faisait peur à Marco.
Le cannibale n’avait pas peur qu’Alphonse parla de lui, s’il se faisait prendre, car Marco le croyait d’une grande loyauté à son égard, mais il appréhendait les conséquences d’une arrestation pour son ami. Non seulement Alphonse serait déshonoré mais il subirait une série de punitions très sévères, la vie en prison en France pouvait s’avérer un calvaire. Même si plusieurs réformes depuis le dix neuvième siècle avaient abouti à un adoucissement de la vie des détenus. Il n’empêchait que les prisonniers subissaient des conditions d’incarcération difficiles à supporter, un prisonnier à moins d’être riche ou de faire parti des rares élus à bénéficier d’un travail payé, mangeait une nourriture de basse qualité, et qui s’avérait peu ragoûtante. Sauf cas très exceptionnel un prisonnier vivait dans une forte promiscuité, à cause de l’obligation de partager un espace de moins de dix mètres carrés avec un ou deux autres détenus. L’hygiène en prison s’avérait défaillante, un prisonnier qui arrivait à avoir une douche par semaine, disposait d’un régime de faveur. En outre il fallait supporter les vexations et les brimades qu’infligaient les durs et, les caïds à ceux qui étaient isolés ou, qui montraient des signes de faiblesse. Alphonse possédait un côté délicat qui en fera une cible privilégiée pour les railleries, et les passages à tabac. De plus les tueurs sadiques comme Alphonse étaient très mal vus par les autres prisonniers.
Marco se disait que s’il était capturé par la police, il risquait aussi d’avoir droit de la part des durs, à des gentillesses. Il avait un côté sensible qui le desservirait, il adorait les films avec de belles histoires d’amour et les romans à l’eau de rose. Si les durs découvraient les goûts littéraires et télévisuels de Marco, le cannibale se ferait câliner dans les règles de l’art. En juin, alors qu’il se rendait à la cantine du lycée Marshall, un événement inattendu eut lieu. La cantine était une zone où plus de trois cents personnes pouvaient se restaurer. Il était fréquent que les élèves finissent toute leur assiette, grâce au grand talent des cuisiniers, et notamment de Charles Coq. Charles travaillait dans un restaurant trois étoiles qui avait fait faillite, suite à la mauvaise gestion des recettes pourtant florissantes par le propriétaire de l’établissement. En regardant le décolleté provocant de Nina une fille qui adorait mettre en valeur sa poitrine, Marco eut une crise de rage, il eut envie de la déguster, de la couper en morceaux, de manger en public sa cervelle et son cœur. Le cannibale pendant une minute lutta contre une pulsion qui semblait irrésistible. Il se sentait bien plus téméraire que d’habitude, des notions comme la discrétion et la retenue, lui semblaient des absurdités. Mais finalement au prix d’un grand effort de volonté, le mangeur d’homme parvint à se retenir. Marco baptisa la partie de lui qui s’était manifestée avec force, le sanguinaire.
Pendant quelques temps le sanguinaire resta en sommeil, ne le troubla pas, mais alors que le cannibale était en train de faire l’amour avec Sophie, le sanguinaire refit surface. Il lui souffla de manger avec de la sauce vinaigrette le foie de sa bien-aimée, la lutte pour garder le contrôle de son corps fut plus âpre que jamais. Marco prétexta un besoin d’uriner urgent pour se retirer de sa partie de jambe en l’air. En fait il n’avait pas du tout envie de faire pipi, mais il craignait que la vue du corps nu de Sophie ne le poussa à commettre l’irréparable. Un conflit violent eut lieu dans l’esprit de Marco, il se dirigea vers la cuisine, et sortit du vaisselier un couteau, au bout de cinq secondes il le rangea, puis il le sortit, ensuite il le rangea à nouveau, il prit et remit dans l’étagère le couteau une dizaine de fois. Au bout de cinq minutes le sanguinaire finit par se taire, mais Marco était à bout de forces. Devant le regard étonné de Sophie, qui demanda ce qui s’était passé, le cannibale répondit qu’il couvait sans doute quelque chose, et qu’elle ferait mieux de rentrer chez elle, pour ne pas être contaminée.
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