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Nouvelles : Chronique à la salle d'attente
Publié par malhaire le 27-02-2013 13:20:00 ( 1210 lectures ) Articles du même auteur




Il y a quelques jours je me suis rendu chez le médecin.

Par ces temps d'hiver, je me doutais bien avant même de partir que j'allais passer beaucoup de temps dans la salle d'attente de ce petit cabinet médical de campagne. Bien sûr, je n’avais pas imaginé prendre un bain de jouvence ou même d'intelligence parmi ces villageois malades, mais je ne m’étais pas pour autant préparé à passer plus d'une heure et demie dans une bauge à ramassis d'idiots, tous issus de notre France, si profonde parfois...

Je pousse la porte, et là, je ne vois que des vieux, bientôt tous plus mort que vivant. Sans doute des agriculteurs pour la plus part d'entre eux. Une odeur tenace s’est propagée.

Depuis toujours, par provocation sans doute, je crie haut et fort que je n'aime pas les vieux. Dans mon incapacité à accepter la déchéance qu'induit le temps qui passe, je leur en ai toujours voulu de se laisser aller ainsi... Sans doute en protestation du sort qui nous est réservé, je préfère les incriminer de leur propre état.

A ces propos, inlassablement, on me rétorque que mon tour viendra et qu'un jour aussi je serai vieux... Impassiblement je n'ai de cesse de répondre que cela est bien peu probable...



Bref, planté au cœur de cette salle d'attente, moi qui pressens depuis toujours que ces villageois font toujours tout ensemble, je n'avais alors qu'une crainte, qu'ils engagent la conversation. Avec ce mal de crâne et cette fièvre, je ne pouvais pas m'attendre à pire. Je n'avais pourtant pas imaginé que leurs causeries à venir réveilleraient en moi l'intolérance la plus abjecte, le mépris le plus radical; cette haine insubmersible qui potentiellement je crois, sommeille au fond de chacun d'entre-nous.



Dés le début de la conversation, quel ennui !!! Des banalités sur le climat et inévitablement le long chapitre concernant l'état de santé de chacun qui se dégrade. Viennent ensuite des discussions autour de la chasse. Je glisse alors ma tête entre mes mains pour tenter de ne plus rien entendre ; ma température redouble. Puis chacun vient à parler de sa ferme et de ses animaux... Alors que je ne prête plus guère attention à ces insupportables gémissements, une phrase vient alors me sortir de ma torpeur.

-" Ce pauvre verrat semble s'ennuyer tout seul, et je m'demande si j'vais pas y'en mettre un autre avec, après tout, c'est à la mode en ce moment !!!"



Et c’est alors que l'homme s'esclaffe d’un air suffisant, trop fier et trop content de son bon mot. Oui, il rit à pleines dents jaunes et cherche dans le regard de chacun de ses congénères, une approbation, qui ne tarde pas à se manifester par des ricanements niais et d’autres sourires ruraux.

Puis comme si son succès auprès de cette large assemblée ne suffisait pas, son regard est alors venu chatouiller le mien déjà bien fixé sur ses deux orbites porcines.



Inflexibles, mes yeux lui ont répondu ;



- « Espèce de gros lard, que sais-tu de la mode, toi qui es engoncé dans ton fauteuil et qui ne sais même pas si tu vas pouvoir en ressortir ? Oui, qu'en sais-tu de la mode, toi qui ne t’es peut-être même pas rendu compte que tu étais venu au cabinet médical avec tes charentaises ?





Peux-tu lire dans mon regard que je suis de ceux qui pensent que baiser demande moins d'efforts que de réfléchir, et que j'en déduis souvent que les vrais enculés, les analphabètes et les consanguins, se reproduisent plus aisément ?... En effet, l’absence de réflexion vous laisse plus de temps libre !!!

Peux-tu imaginer un instant dans mon regard, que je devine que ta propre mère s'est probablement laissée engrosser dans une porcherie ?

Serait-ce te céder trop d'intuition que de croire que tu peux lire dans mon regard mon consentement pour le mariage pour tous, et plus encore mon impatience à voir voter un projet de loi qui viserait à euthanasier les abrutis d'ignares consumés d'intolérance, de souffrances inutiles et de peurs infondées ? »



Non, sans doute, n’a-t-il pu lire tout ça, et tant mieux.

Son regard s’est rabaissé.

Face à son intolérance, la mienne ne s’est pas manifestée bruyamment.

A présent, elle s’écoule et se dissous au gré de ses quelques mots…

Est-il une vraie moralité à cette histoire ? Oui, je le crois.



Je ne devrais pas écrire quand je suis affaibli, car probablement, suis-je un très mauvais malade ?
.




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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 28-02-2013 19:19  Mis à jour: 28-02-2013 19:19
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9505
 Re: Chronique à la salle d'attente
C'est superbement bien écrit, c'est d'une douce violence, dit avec des nuances brutales.
C'est aussi une introduction pas banale pour entrer dans un débat social pénible.
Mais c'est aussi très réducteur de penser que seule la paysannerie est plus attardée et moins tolérante.
C'est vrai que dans ce domaine du mariage entre homos, -ouais ! que c'est bon d'employer les vrais mots- je n'attends pas grand chose d'un débat avec les chasseurs ou les viticulteurs de l'Aude ou du Roussillon, mais malgré tout je me plais à croire que certains ont quitté les vieux a priori de la connerie.
J'entendais hier Axel Red, dire dans une interview à quel point elle était stupéfaite de la violence du débat en France et combien tous ces arguments lui semblaient idiots, elle rappelait qu' il y a plus de dix ans que les homos se marient en Belgique et tout va bien, la terre tourne encore.
"Ma grande biquette", c'est à dire ma fille vit depuis 18 ans avec une femme, elle viennent d'avoir une petite fille (en Belgique) et j'atteste, que les phrases assassines et connes viennent de tous les âges et de tous les niveaux sociaux, de l'entourage et aussi de la famille.
Vivre avec les cons est notre deal à tous.
Merci
emma
Posté le: 01-03-2013 10:00  Mis à jour: 01-03-2013 10:00
Modérateur
Inscrit le: 02-02-2012
De: Paris
Contributions: 1494
 Re: Chronique à la salle d'attente
J'ai bien ri à l'histoire des charentaises...
Je pense que des ignares à l'esprit étroit, il y en a dans tous les milieux et pas seulement chez les vieux ruraux. Ton texte laisse à penser que les imbéciles y prolifèrent plus aisément. C'est un peu dommage.

Comme dirait quelqu'un qui m'est proche : "des cons tu en rencontreras toute ta vie". Autant commencer à vivre avec plutôt que d'espérer qu'un jour l'intelligence triomphera...

Amicalement !
aliv
Posté le: 01-04-2013 18:56  Mis à jour: 01-04-2013 18:56
Plume d'Argent
Inscrit le: 25-03-2013
De:
Contributions: 290
 Re: Chronique à la salle d'attente
Un texte agréable à lire remplit de sous entendu pas toujours clair.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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