Après avoir quitté la ville aux blanches tours Dont les conteurs vantaient les mille et uns atours, Les bazars turbulents où s’unissaient en ronde Les parfums épicés venus de par le monde, Porté célèrement vaisseaux voguant Par delà de la mer, de l’immense Océan, Et les conteurs vantaient en plus de ces bazars Où l’on déambulait, porté par le hasard, Ses terrasses fleurant quelque senteur de menthe Qui baignant dans un pot les sens de l’homme enchante,
Ses parcs et ses jardins où fleurissaient toujours, Lorsque venait le temps du florissant amour, De rouges hibiscus et des palmiers sans nombre Qui lors des jours brûlants offraient toujours leurs ombres Aux hommes alanguis par l’astre qui tirait De son arc contracté sur la terre ses traits Et frappait, indistinct, les femmes et les hommes, Les vieillards, les enfants, tous les êtres en somme, Après avoir quitté la ville au nom de Tyr, Ils pénétrèrent tous la plaine qui s’étire
De Sidon la farouche à la cité de Dieu, De la mer agitée au désert capricieux. Les armées des Chrétiens formaient quatre colonnes : La première venait des flots de la Garonne Et tout ces gens suivaient un blason carminé Où dormait une croix à la teinte dorée. Le comte de Toulouse, à la rapière habile, Raymond le valeureux, au surnom de Saint-Gilles, Mènerait ses guerriers vers une terre neuve Où couleraient les jours comme coulent les fleuves.
Suivant les toulousains, suivant le premier groupe Venaient les italiens, venait le second groupe. Ils portaient pour fanion celui des Hauteville Une vieille maison à la gloire fertile ; Chevauchant devant eux leur adoré champion Qui portait pour seul nom celui de Bohémond. Son courage certain, montré dans tout combat, Lui valut tout l’amour de ses braves soldats Et le suivant toujours, toujours d’une grande aide, Il venait son cousin portant nom de Tancrède.
Le bravoure des deux, Tancrède et Bohémond, Etait au moins égale à celle de Raymond, Pourtant, vils scélérats, quoique bien courageux, Un autre sentiment se logeait en leur cœur. Ils n’étaient point venus, ces barrons italiens, Pour une ville sainte à libérer pour rien : Profitant de la gloire et des cités soumises Et de leur renommée à la bataille acquise, Les normands d’Italie prirent comme province La ville d’Antioche, en devinrent les princes.
Et il venait enfin, fermant ce long cortège, Godefroy et Baudoin, serviteurs du Saint-Siège. Leur lignage venu de la Lotharingie Allait ici germer sur la terre rougie Par les flots purpurins qui coulèrent sans fin De tous les cops occis, et maures et chrétiens, Défendre le Seigneur, servir la Sainte Croix, Protéger la cité dont ils seront les rois. Voilà tous les soldats venus en Terre Sainte Sous différents fanions, sous différentes teintes,
Mais tous étaient unis par une même croix Sur leurs torses gravée, par une même foi, Qui vivait en leurs yeux et en leur brave cœur Comme brasier géant d’une indomptable ardeur. Sur le sable brûlant, ces milliers de soldats, En un mouvement seul, marchaient d’un même pas. L’arène s’élevait au grés de leurs goulée Et leur chemin cachait comme un voile enroulé Autour d’un blanc minois qu’une pudeur discrète Réserve au seul amant, à ses amours secrètes.
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