Je l’ai ruminé pendant longtemps, mon programme de lectures pour 2012. En tête de liste, un projet que je n’ai cessé de différer depuis 2010 : lire et relire Camus. Relire ce que je connais déjà : L’étranger, La peste, Le premier homme, La chute... Et puis découvrir ce que je ne connais pas encore : Le mythe de Sisyphe, L’homme révolté, L’été… Pour Noël, j’avais commandé Camus dans la Pléiade – j’ai des goûts modestes. A la place, j’ai eu Gogol, toujours dans la Pléiade – je ne vais quand même pas me plaindre ! De Camus j’ai prévu de remonter à Nietzsche. L’an dernier, je me suis offert l’intégrale du vieux Fred… pas dans la Pléiade, non ! Sais pas pourquoi. Un reste de méfiance, peut-être. Qui finira par se dissiper, je n’en doute pas. Et alors il pourra entrer dans ma bibliothèque par la grande porte. Puis de Nietzsche je remonterai jusqu’aux stoïciens, et des stoïciens aux présocratiques. Un voyage dans les idées qui va m’emmener à deux mille six cents ans d’ici. Je dis bien : deux mille six cents ans d’ici, pas deux mille six cents ans en arrière, ou dans le passé. Une pensée antique n’est pas une pensée dépassée ou obsolète. Je ne l’ai jamais aussi bien compris qu’en lisant récemment L’art de la guerre qui est peut-être aussi… éloigné de nous (distance chronologique, d’ailleurs, plus que culturelle à mon sens) ou peu s’en faut, que les présocratiques. On pourra m’objecter que je suis allé chercher mon exemple en Chine et pas en Grèce, mais je soutiens que la Chine et la Grèce d’il y a deux millénaires et demi ne nous sont pas aussi radicalement étrangères qu’on le croit. Pour ma part en tout cas, je m’y sens bien plus à l’aise que devant ces aberrations fondamentalistes monothéistes ou crypto-nationalistes dont nous sommes abreuvés depuis des décennies. J’ai donc décidé de vivre une année philosophique. Soit, soit, dira-t-on, mais et l’amour dans tout ça ? Pourquoi l’avoir placé dans le titre avant la philosophie si c’est pour n’en pas glisser un mot ? Comme je n’ai pas l’esprit de sérieux, je pourrais essayer de m’en tirer avec une pirouette, genre : « On n’emmène pas de saucisses quand on va à Francfort » (André Pousse à Dany Carrel dans Le Pacha - 1968). Je vais donc tâcher de m’en sortir avec une pirouette un peu plus recherchée. A l’origine, ce texte devait être intitulé « L’année des mille étreintes ». Et puis, j’ignore pourquoi, je me suis attardé sur la philosophie : elle se nourrit de mots, et l’amour de silences… n’est ce pas ce qui les rend complémentaires et indissociables ?
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