Mon amie, assis devant ce feu de cheminée dont les flammes ondulent devant mes yeux, je glisse un regard plein de tristesse et de chagrin vers la fenêtre qui apparait dans le prolongement du mur. Ses contours sont constellés de toiles d'araignées centenaires ; de la poussière s'accumule à ses angles. De la crasse la recouvre en partie. De ma main flageolante, j'essuie un carreau. Je regarde vers l'extérieur et la plaine enneigée qui s'étend loin au-delà de l'horizon. J'observe le ciel gris et nuageux qui obscurcit la steppe. Un léger brouillard l'enveloppe progressivement et se répand partout ; il se rapproche de mon habitation, et je sais que cette dernière sera bientôt dévorée par cette brume couleur de nuit. Mais, je n'en n'ai pas peur. J'ai l'habitude de l'Obscurité. C'est même le lieu où je me sens le plus à l'abri des blessures que l'existence peut m'infliger. Comme si l'absence de lumière me protégeait de ceux et de celles qui veulent me faire du mal ; qui s'acharnent sur moi ; qui me considèrent comme un être dont l'existence leur est nuisible, et qu'il faut anéantir à n'importe quel prix. Alors, je me replie sur moi. Je me réfugie au cœur de mon antre personnelle où personne ne peut m'atteindre. Je me plonge dans mes livres et mes recherches concernant l'histoire tourmentée de ce monde ; je découvre ses mythes et ses légendes, si riches et si énigmatiques. A partir d'eux, je crée des récits à la fois fantastiques et mystérieux, que je partage parfois avec toi, mon amie. Car chacun de nos contacts, chacune de nos conversations, chacun de nos échange me sort de ma mélancolie et de ma tristesse d’être considéré comme un ennemi. Et lorsque je pense à ceux et celles qui me négligent, qui se moquent de moi, de mon aspect, de mon mode de vie ou de mes centres d’intérêts, des larmes amères coulent malgré moi de mes yeux. Je suis une personne extrêmement sensible, sache le. Je suis quelqu'un de très cultivé, certes ; qui a énormément de Savoirs, qui est très curieux du monde qui l'entoure, et des autres. De l'Histoire aux Mythes et à la Religion - sous ses multiples aspects, si étranges soient t'ils -, des Sciences à la Philosophie, des Nouvelles Technologies à l'Astrophysique, de la Littérature à l'Archéologie et à la Quête de nos Origines, je suis avide de Connaissances. J'aime l'Art, la Beauté ; l'échange, apprendre toujours davantage et partager avec tous ceux et toutes celles dont le Destin me fait croiser la route. Mais beaucoup me rejettent à cause même de cette particularité issue de ma personnalité. Alors, je reste là , assis devant mon feu, à regarder par la fenêtre. J'observe la plaine enneigée, dont les herbes sont dissimulées par la froideur de l'hiver. Je cherche des yeux cet amas d’arbustes situé à l'Est de ma demeure isolée. J'examine ses branches dénudées, ses épines recroquevillées sur elles mêmes, ses troncs noueux et torturés par le gel. Et je me sens aussi abandonné que lui. Le visage ravagé par le chagrin, mes pensées se tournent alors désespérément vers toi. Parallèlement, je m'empare de l'un des nombreux ouvrages que je suis en train d'étudier. Il s'agit d'un traité sur la dérive des Continents durant le Paléolithique. J'en repousse d'autres vers l'un des cotés de la table basse devant la cheminée en face de laquelle je suis assis. Je m'installe plus confortablement, en remontant la couverture qui cache me jambes et diffuse sur elles une agréable chaleur. Et je me remet à parcourir les lignes, puis les pages de cet ouvrage passionnant, tandis que mon esprit imagine en partie l'endroit dans lequel tu te trouve actuellement, avec qui tu es en train de discuter, quels vêtements tu porte et qui te rendent encore plus resplendissante que d'habitude. Je me dis que les gens qui t'entourent ont bien de la chance, de pouvoir admirer ton charme, ta sensualité, de pouvoir partager ton amitié, ton affection, ta tendresse ; de pouvoir être de ceux qui te côtoient et auxquels tu consacre du temps et de l'énergie. Mon amie, mon Dieu, combien tu me manques...
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