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Nouvelles : L'été à Mandelieu
Publié par kealcig le 19-06-2023 03:50:00 ( 224 lectures ) Articles du même auteur



L’autoroute traverse Mandelieu au centre-ville et dégrade l’esthétique de son urbanisme comme une balafre sur une joue défigure un visage, cependant cette ignominie de l’aménagement urbain participe grandement à rendre la ville accessible, ce qui se révèle primordial pour son attractivité touristique, car il s’agit de l’un des secteurs d’activités les plus importants tant en termes de rentrées pécuniaires que d’emplois concomitants.
Mandelieu- La Napoule est une commune du littoral méditerranéen jouxtant Cannes. Les plages constituent l’une des attractions les plus certaines. L’été, la population s’accroit, les hôtels sont pleins, les campings et les résidences secondaires aussi, les commerçants se frottent les mains, leur chiffre d’affaire bondit, l’activité devient frénétique, les grandes surfaces ouvrent plus tard, les restaurants s’étalent dans les rues par l’adjonction de terrasses proprettes, fleuries, les embouteillages congestionnent la ville, on se déplace en deux roues (motorisées ou non), si ce n’est pour les éviter ou à défaut de les contourner au moins pour se faufiler comme un dribbleur au foot dans une défense ; les cigales cymbalisent, la chaleur est écrasante, leurs chants sont plus merveilleux que des concerts, les femmes sont belles, oniriques et flânent en minijupe, leurs jambes longilignes hypnotisent les hommes, enfiévrés, ceux-ci se trimballent en débardeur pour arborer leurs muscles saillants afin de convaincre les femmes qu’ils sont suprêmement virils et des partenaires envisageables, on fait du sport, de la course à pieds sur les bords de la Siagne ou sur les bords de mer, du vélo, de l’aviron sur la Siagne, du Kayak en mer, les plages sont bondées la journée, même le soir parce qu’on y fait des barbecues ou des soirées, les grenouilles croassent la nuit dans les jardins luxuriants, on veille tard, la vie ne s’arrête plus, la vie devient insomniaque. On se sent en vie, de bonne humeur, tout est beau et les problèmes deviennent aussi éphémères qu’une vie de papillon, de toute manière la nuit effacera toutes les scories du jour, on aura oublié les évènements de la veille, l’amnésie sera salutaire et nous rechargera, on sera des individus neufs, débarrassés des soucis, prêts à avancer dans une nouvelle journée. Le soleil nous sourira, on lui rendra son sourire non par une politesse exquise mais parce que l’on en aura envie, on ne connaîtra pas la déprime, la déprime c’est quand il fait gris et que les jours deviennent anémiques. L’été, on fera l’amour, on sera généreux, on aura envie de rire, de boire et de s’étourdir dans les volutes de fumée, la musique inondera nos oreilles de milles soleils, de milles sommeils.
On vivra torse nu, les cœurs dénudés, le soleil tatoué sur la peau, on mangera des fruits aux couleurs vermeilles, on étudiera les corps mélodiques, avec une minutie méthodique, on composera des rapsodies pour des muses qui se moqueront de nos rapsodies, mais d’une caresse naïve, les encourageront, la lune dévore une grappe d’étoiles et comme elle a encore faim, cherche un nuage pour s’y cacher.
On fera la sieste sous un parasol, on aura l’impression de vivre comme dans un rêve. On parlera avec nos amis, on aura envie d’être bienveillants, on ne connaîtra pas le ressentiment et on estompera les haines. On boira le soir. On boira sans raison. On dansera avec les étoiles, on aura le vertige, on lira dans le ciel la couleur du lendemain. On ne voudra pas dormir, on ne voudrait jamais dormir, mais on se couchera dans des nuits atrophiées. On voudra s’éblouir dans des nuits infatigables.
L’été, on filme le shérif de la ville, il parade dans des émissions de téléréalité, il est obèse et brimbale sa masse obscène en se déplaçant rempli tout autant de toute son importance supposée que de son insuffisance affirmée, il est empli de la certitude des ignorants, on le traite de bouffon, de minus habens, on colporte des rumeurs invérifiables et récurrentes à son sujet, par exemple on prétend qu’il s’est fait pédiquer avec un balai par des délinquants excédés afin de se venger et qu’il a aimé ça. Le cochon !
Le port accueille des yachts somptuaires, des catamarans venus de toutes les mers, l’Estérel ocre plongeant dans l’azur de la Méditerranée sert d’amer afin de guider ces navires vers les côtes, ils déverseront des touristes friqués qui viendront dilapider déculpabilisés leurs espèces, alors on les recevra avec une politesse protocolaire, voire obséquieuse pour les encourager dans leurs dépenses, on vendra nos âmes et notre temps pour quelques billets comme des otaries dociles effectuant des acrobaties pour quelques poissons, on se consolera en se disant que c’est la saison et qu’il faut gagner du numéraire en prévoyance de l’hiver, pour que les commerces prospèrent.
Les petits bateaux qui rentrent de la mer remontent la Siagne jusqu’au port de plaisance à sec, les cormorans aquatissent, les cygnes aux longs cous majestueux nagent en file indienne et sillonnent la rivière, malgré le panneau d’interdiction, les parents imités par leurs enfants jettent des quignons de pain sec aux canards, de la malbouffe qui leur provoquera carences et maladies, sur les rives, les pêcheurs sont silencieux et patients comme des chats guettant leurs proies, ils sourcillent lorsque quelqu’un passe derrière eux bruyamment, lancent des regards torves et maudissent intérieurement les gêneurs, ils aimeraient râler mais s’en empêchent, cela ferait fuir les poissons, on marche dans la ville, on marche sur le bord de mer, on parcourt les espaces vert, on gravit le San Peyre pour bénéficier de l’ivresse de sa vue panoramique, l’horizon céruléen et capiteux comme un vin qui monte à la tête. Les crépuscules sont flamboyants ; nos hormones nous rendent baroques et primesautiers, on passe d’un corps à un autre, d’une âme infinie à une autre, on s’endort n’importe où, sans lieu fixe, au petit bonheur la chance.
On craint les incendies, les maladies vénériennes, les bagarres sans motifs, les accidents avec les alcooliques et les mauvaises rencontres. Les insectes pullulent, les mouches sont folles et nonchalamment bruyantes, les moustiques agressifs comme des guérilléros affamés troublent la torpeur de nos nuits paresseuses, les guêpes cherchent à construire des nids partout où elles découvrent des cavités inoccupées, les fourmis nous envahissent, elles recherchent du sucre, des miettes de pain, de la nourriture, avec discipline, en colonne romaine. On exsude excessivement, dès le moindre effort, aussi on prend plusieurs douches tièdes –l’eau n’est pas froide en cette saison- par jour. On vit dehors, on n’est jamais chez soi, on guette les aventures et les discussions sans fin, on aimerait posséder un clone ou le don d’ubiquité pour vivre toutes ces vies potentielles, absorber le temps pour ne plus courir après, retrouver l’aurore de nos yeux d’enfant et la modestie de nos questions. On souhaiterait effacer les nuits infatigables à arpenter les rues à la recherche de nos fantômes, décréter l’amnésie. On se recompose dans le présent et on aimerait se multiplier pour comprendre les infinies possibilités de la vie. On ne capture que des fragments de cette vérité et de ces fragments épars on tente de reconstituer un puzzle, cependant l’image restituée sera toujours imparfaite car des pièces du puzzle seront toujours manquantes. Il y aura toujours une zone d’incertitude dans la compréhension du Monde. Il y aura toujours ce que les esprits avides d’explications superficielles du Monde, appelleront Dieu. C’est-à-dire une équation trop complexe pour être résolue immédiatement.
On célébrera les palinodies de l’amour, le vertige des sentiments, les crépuscules flamboyants, on marchera main dans la main, l’atmosphère moite et versatile et l’on traversera les nuits fécondes. On s’abreuvera de nos bouches et de nos paroles. On s’oubliera à l’envi dans des caresses noctulescentes. On sortira par la fenêtre au petit matin. Le ciel rubicond et nébuleux. Le chant des oiseaux perchés sur les branches qui signifie la fin de la nuit, le début d’une nouvelle journée.
Les roses écloses colorient les jardins exubérants, les arbres promettent des fruits délicieux, l’allée efflorescente exhale un parfum de lilas capiteux, elles sont une ode à la vie, une fragrance qui s’inscrit dans un souvenir, tandis que lumineux comme des anges, l’été insouciant nous régénérera, de son souffle roboratif, onctueux.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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