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Annonce : La troisième fois est la plus bonne....
Publié par Vadnirosta le 20-03-2023 09:01:02 ( 156 lectures ) Articles du même auteur



La troisième fois est la plus bonne....



A Mitsou* par qui Tout apparaît. . .












Ce soir tu prends le bus pour l'autre village, celui-là même qui existait encore hier, fier, avant d'avoir perdu son nom la nuit prochaine , noyé par une pluie décidée. Comme tous les matins, tu es toujours très excitée** à l'idée de clore un nouveau rendez-vou s avec ta mélancolie quotidienne. Les feux rouges s'entassent aussi bien que la pluie redouble à l'intérieur et à l'extérieur de toutes choses. Aussi, tu éconduis*** d'elle en la louangeant le plus joliment possible. Il s'agit bel et bien de ta manière de franchir****. Tu sais que ton esprit torturé ne ment jamais à ton enveloppe d'un jour aux écorces lisses de yeuse verte: il martèle ton cosmos intime, le déforme, le tort, le nuit et doucement le gourmande* **** tout en gardant la préciosité intacte d'une berceuse scintillante et perlée. Faut dire que tu es un cas isolé. Un spécimen rare. Une nature complexe, mixte, qui ose s'avilir et se mourir alors qu 'i l s'agit en fait de transpirer sa jactation****** et sa nervosité au soleil de tous les pays ... Tu es aussi un hypochondriaque superbe et anormal, sans frontière ni barrière et en voie d'extinction ... Car tu étudies l'hypochondrie durant les moments précieux de tes pérégrinations saturniennes, et tu te complais tellement dans cette étude! - Ton hypochondrie consiste en ceci: de chaque porte ouverte à la pluie, quel que soit le nom qu'elle porte, savoir tirer la plus grande quantité de poison pour ton propre usage... Et puis tu sais que le carabin vit dans les trachées ...******* Tu es la terreur péri phérique des nantis du centre, le nimbus stratus de passage égaré et redouté qui cache la fière Raison sédentaire de tous ces nobles gens bien installés. Tes volcans, submergés par un illogisme lent, s'endorment au gré des séismes électriques. Toi tu griffonnies******** tou t l'Or du monde dedans tes laves mises à nu ...

L'avion décolle et vogue dans l'air. En cherchant ton tabac dans la soute de tes poches de méchant kangou rou, tu tombes sur cette lettre de Melancholia. Visiblement très attachée à toi , elle ne cesse de te dire doucement à l'oreille: « Je reçois de tous les côtés des compliments qui me sont très agréables. On me félicite de vous avoir choisi et tout le monde me promet en vous un mari parfait. Quelle que soit la bonne opinion que les autres ont de vous, j'ai la mienne propre, bien plus sympathique encore, car je vous connais depuis trop longtemps pour ne pas savoir vos grandes qualités, votre loyauté et votre délicatesse. Sachez aussi que je demeure la seule à pouvoir masquer par un fort calmant l'excitation du grand sombre que vous êtes... *********»
Tu es encore à cheval entre deux sièges, oui, tu es encore à ta furieuse atonie lorsque apparaissent aux hublots et avec fracas une myriade inoffensive de féroces mygales géantes. Elles nagent dans les flaques d'eau que maintiennent les vitraux lumineux du sous-mari n ferroviaire. Que faire? Que faire? D'autant plus que lesdites araignées répugnantes semblent grossir à vue d'œil à force de boire les eaux des cieux et que tu ne peux réprimer l'infâme kyste étoilé que ces bêtes ignobles génèrent
en toi. Sans t'en apercevoir, tu parais soudain très boutonneux comme un crapaud au point de te questionner sur la santé de ton pauvre cœur, en passe de glisser, branlant, hors des bras de Melancholia. Pour te consoler, tu te dis qu'à force d 'échouer dans les camions-écoles , tu sais à présent tout très bien calculer sans aucun effort et à la décimale près . ..Et puis tout se débrouille petit à petit dans tes systèmes et tu entends au loin très très vaguement une très vieille chanson yiddish et elle fait comme ça: « shteyt a bokher, un er trakht/ Trakht un trakht a gantse nakht/
Vemen tzu nemen un nishtfarshemen/ Vemen tzu nemen un nisht farshemen **********... »
Alors que la bande passe entre tes oreilles, des nuages inquiétants aux formes maléfiques envahissent progressivement le paysage sonore et viennent se sculpter insidieusement aux cieux sans se presser et avec l'aide bienveillante de tes mauvais démons de la fumée, tes farfadets misérables qui ont survécu aux horreurs froides des tabacs bruns de la seconde guerre mondiale. Tu sens tout un Réseau parfaitement quadrillé se mettre en marche dans tes pauvres poumons. Tu découvres tes alvéoles nues, à vif : elles baignent comme par erreur dans une fosse commune peuplée de rats, parmi la vermine encouragée, le rebut organique en tas, le salpêtre béni et puis aussi les affreux chiens loups derrière les barbelés, avides de chair, de boue et de détritus en putrescence. Et puis tout se débrouille encore mieux et tu entends très vaguement un air qui fait comme ça :
« Lindraji sz i adi gilyi, na tuke rakhjom la avri/ Dav tu menge andar jilo, hatyarasz amen de misto**** *******... »
Les heures passent et la folie reprend pour la dernière fois ses droits. Tu vas et tu viens dans le ventre oppressant de la Jaguar, sans pouvoir t'extirper de toi-même, de ton soleil nocturne. Tu files tout droit sur l 'autoroute jusqu 'au prochain lacet fameux, jusqu 'à la nouvelle intranquillité déjà soignée. Maintenant tu le sais : tu es Jésus et la croix en même temps puisqu'un Christ démantelé, prisonnier de sa mandorle, descend en toi par une pluie implacable qui le hache, le transperce et le cloue après Transfiguration. La grisaille et l 'ambre de l'Etoile sont rongés tous deux par la frénésie des Marées Lentes de sang (en tube !) qui ont choisi un rouge à lèvre vermeil , sans doute pour plaire à Judas ... C'est à travers cette merveilleuse scène hérétique -hélas sans bûcher !- que tu réclames au plus vite ton chemin de croix le plus pénible, ta couron ne de lauriers la plus piquante, tes Gorgones les plus infirmes, les plus désagréables au toucher. Tu te frappes plus lourd et tu te flagelles au mieux. Soudain, tu tombes de la croix, de tout ton poids, puis plus rien. Rien qu'un engourdissement du tonus. Rien qu'une lenteur sans attribut ni oxymore. Rien qu'un coup de frein brusque du bus. Rien qu'une adéquation totale de toi-même avec le liquide infâme, cette foutue pluie qui cogne à présent sur la vitre et non plus sur ta tête .. . Et puis tu en viens enfin à l'écoute la pl us attentive de ta musique préférée, la musiq ue nomade de ton baladeur ; tu en viens enfin au Keren Chave d'Ando Drom et ça fait à peu près ça et pour toujours: « Keren savorale drom,/ te khelel o puro rom,/ aj, lalalalala la la la laj/ o puro rom te khella/ amari voja kerla./ aj**** ********... »

Cet air-là le plus magique te dit enfin de faire ton petit bonhomme de chemin en terrien, sans te laisser embarquer par tes cauchemars et tes dédales obscurs qui ne proviennent que de toi , sans te laisser happer par la partition éternelle en mode mineur de tout un violon plaintif, car voyons , tu pourrais bien lire Verlaine, t'imprégner des Poèmes saturniens sans vivre toujours ta mélancolie à contre-sentiment . Tu pourrais respecter les règles du jeu sans tomber dans l'équivoque imbécile. Tu pourrais accepter la patience du temps, ne plus désirer ainsi toujours attraper ce temps-là pour le malaxer avec tonicité et grande pompe. Tu pourrais cesser de vouloir à tout prix reléguer la langueur à une vague usine en ruine, à un pas lourd de louve. Tu pou rrais cesser de vouloir donner toujours plus de relief à la pluie qu'elle n'en détient en réalité en la triturant comme tu le fais ainsi avec la désorganisation de tous tes neurones en éveil. Tu pourrais te fondre dans la grisaille et privilégier les mots des sanglots. Tu pourrais tomber amoureux au lieu de tomber de chagrin par ondées lacrymales. Tu pourrais écouter le rire des cascades. Tu pourrais goûter à l'envie des mers sans Marées. Tu pourrais te réfugier au centre-ville, le plus près de l'église. Tu pourrais enfin te taire sans renier Poésie. Tu pourrais faire bouillir trente grammes de cassis dans un demi litre d'eau afin que la brume enroue enfin et vraiment la gorge des Horloges. Tu pourrais tamiser, mettre en bouteille et savourer une cuillerée à soupe pour chanter à jamais et vraiment ta partition la pl us rauque de l'hiver et puis aussi pour supplier le supplice du Lierre têtu, enroulé vraiment dans ta gorge. Tu pourrais te préparer une infusion d'euphraise en vue de tousser vraiment par quintes. Tu pourrais mélanger de la mélasse ordinaire avec du citron et de l 'eau bouillante dans un pot et laisser par-là repartir vraiment le rhume************* ...
Tu pourrais admettre que suer n'est toujours pas un délice************** ...


* = Chanteuse fameuse du groupe de musique tzigane hongroise Ando Drom (= « Sur la route » ou
« en route » en rromani, langue des Rroms).
** Adjectif volontairement féminin.
*** = Pathologie verbale.
**** = Idem.
***** = Idem.
****** = Idem.
******* = Contrepèterie.
******** = Pathologie verbale.
********* = Contrepèterie .
********** = de Tumbalalaika, chanson yiddish célèbre : « Unjeune garçon se tenait debout, et il pensait/ Pensait et pensait toute la nuit,/ Qui prendre ( =choisir) sans offenser! Qui prendre sans
offenser ... »
*********** = De Lindrdji szi, chanson tzigane interprétée par Ando Drom : « Ce chant est somnolent/ Je n'ai pas écrit çapour vous. / Cela vient de mon cœurl Soyons tous heureux ... »
************ = De Keren Chave d'Ando Drom : « Faites place, les enfants,/ Laissez danser un vieil homme. I Les danses anciennes de !'homme, / Il tape sur des vingt et unjours ... »
************* Cf. Les secrets de santé des Gitans, Desforges, 1977.
************** = Contrepèterie.


Yohann Gardon, pour atelier d'écriture « Chemin de traverse », octobre et début novembre 2013,
Saint Genis Laval.




















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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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