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Annonce : « Fragile comme une lingerie fine »
Publié par Vadnirosta le 12-03-2023 15:06:53 ( 174 lectures ) Articles du même auteur



« Fragile comme une lingerie fine & »

Y’a pas si si longtemps je me suis réveillé loin de chez moi à Dieppe j'avais une moustache hérissée
qui me barrait le visage mes yeux que d'épaisses paupières entouraient saillaient de leur orbite et un
fort vilain nez trop long et rougi par le froid autant que par l'intempérance s’épatait pesamment à la
base j'étais un grand gaillard solidement musclé d’à peu près quarante ans à peau brune aux cheveux
drus coiffés en brosse on aurait dit que j'avais muté bouffée après bouffée y’a pas si si longtemps dis-
je je me suis réveillé loin de chez moi nu dans mon lit à deux places de célibataire des profondeurs
ma peau de bique puait une odeur sale je devais sentir la pipe et un parfum de fille mon
appartement était une vraie porcherie les plaques de la cuisinière étaient couvertes de taches de
graisses huileuses le papier-peint tout moisi par endroits et auréolé laissait couler un mince filet
d’eau les jours de pluie dans la cuisine juste au-dessus de l’évier cradingue un désordre indescriptible
régnait dans ce cloaque sombre des bas-fonds d'un alcoolisme mondain sévère mon cendrier mon
cher ami je l’avais choisi sans hésitation et spécialement pour les plus viles occasions une tête de
mort effrayante qui laissaient échapper par les multiples orifices les douces fumées que je prenais un
malin plaisir à inscrire autour des constellations les plus scintillantes de la Voie Lactée une tête de
mort trouvée au hasard d'un alexandrin baudelairien oui oui je m'intéressais aux poésies et aux
littératures les plus obscures Cioran Bataille tout comme le Marquis de Sade résumaientjoliment ma
vie fort laid j'étais toutefois parvenu à trouver une place chez Sephora tout près du port la mode
glamour et le monde de l'apparence n’avaient ainsi aucun secret pour moi même si j'étais resté en
fait un enfant hypersensible et donc très efféminé en creusant encore et en encore peut-être jusqu'à
l'os y’a pas si si longtemps je me suis réveillé avec une femme à mes côtés elle aussi était nue ce
n’était pas une épaisse campagnarde comme toutes mes conquêtes d'un soir qui allaient comme un
gant à mon enveloppe détestable elle était assurément la mieux tournée et la mieux mise elle avait
une figure avenante des façons réservées un agréable sourire et des cheveux blonds très fournis
ajoutez à cela des yeux vifs intelligents légèrement bridés une gorge appétissante des bras et des
jambes de fille bien plantée je respirais son odeur saine et un peu forte j'avais eu affaire à elle il y a
déjà vingt ans c'était à l'époque la femme de ménage de ma mère et elle couchait avec moi et aussi
en catimini avec mon père car c'était un chien d’ivrogne relativement fort argenté en plus d’un vieux
loup de mer empli de désirs maritimes je les avaient surpris une fois alors qu’elle se rhabillait je me
suis réveillé vous dis-je et j'étais stupéfait elle achetait désormais des flacons d'odeur des rubans de
la poudre elle prenait un plus grand soin de sa personne se coiffait mieux je le vis en lorgnant au sol
sa robe brodée en coton et nylon Brigitte Bardot sa culotte en dentelle de chez Dément ses bracelets
en plaqué or Padam Padam et perles de rocaille de chez Caroline Najman au sol sa valise
soigneusement décorée d'une reproduction de débauche ingresque abritait une autre petite tenue
très très bien rangée un gilet en tulle fin brodé de perles Flolove un soutien-gorge en dentelle de
chez Etam une jupe longue en soie de chez Marie-Sixtine une culotte en dentelle Etam un collier en
plaqué or Padam-Padam une bague en plaqué or elle aussi seule sa voix était devenue plus rauque
que jamais aucune de mes filles n'avait la poitrine aussi ferme ni aussi ronde elle s'appelait Pauline

elle avait dû peut-être s’appeler Paulette il y a mauvais temps elle avait dû changer de ruban car elle
avait maintenant des jolis souliers du linge transparent à la place des chemises de grosse toile de
naguère ce linge fin me semblait si fragile soudainement Pauline dormait profondément à mes côtés
un peu de Paris Premières Roses de Yves Saint-Laurent dans les cheveux se mêlaient à mes fragrances
intimes habituelles celles du Mâle de lean-Paul Gautier parce qu’elles sentent enfin l'Homme le Vrai
de Vrai bref tout ce qui ne fera jamais « pédale » pour causer enfin vulgairement oui vraiment
Pauline n'allait pas avec mes abîmes vespérales une femme de dandy américain qui ne convenait pas
à mes draps sales de la Nuit aux très chers Trous Noirs à ma barbe en broussaille à la Gainsbarre le
temps d’un coït un soir de lune que je faisais disparaître aux petites aurores mais qui se préparait à
repousser encore mieux pour le Crépuscule d'après faut vous dire que je menais une double vie
secrète tant et si bien que personne ne pouvait s'en douter j’étais le Commerçant modèle qui se
dissimulait soigneusement dans le jour et puis le Roi déchu au lâcher-prise aigu qui trônait « by
night » sur tous les estaminets de la rue Basse 6 la rue Basse c'était une rue bordée d'échoppes et de
débits mal éclairée tortueuse mais assez large où des filles en cheveux au seuil de certaines maisons
vous faisaient signe et vous invitaient à les accompagner le temps d'une « escale sportive » ah les
odeurs de cette rue déchaussée çà et là par le vomissement de je ne sais quelles eaux savonneuses
toute la viscosité du vice y fermentait toute cette puanteur me donnait vraiment l'eau à la bouche
mon regard se posa machinalement sur la table du salon une bouteille de fine ou de madère
patientait d'être entièrement bue et puis deux petits verres à moitié remplis c'était mon habitude je
« récupérait » la « marchandise » sur le trottoir et je les attiraient toutes chez moi en leur offrant au
préalable des verres dans les bars les plus pourris de la rue Basse puis afin de les finir je leur
proposais quelque liqueur exquise dans le salon de mon appartement la plupart du temps elles
n'étaient pas gênées par mes décompositions qui leur faisaient écho mais là je rencontrai un souci
cette mie-là allait-elle s’acclimater à mon milieu à tous mes amis d'environ cinquante ans peu
soignés d’eux-mêmes quoique gantés les moustaches teintes grands efflanqués plutôt que minces et
respirant surtoutes leurs médiocres personnes des airs matois et mal en point qui n'attiraient en rien
la sympathie qu’allait-elle faire de leurs faux col de Celluloïd qui leur entouraient le cou d'une
blancheur douteuse qu’allait elle penser de leurs bottines vernies et à tiges de drap clair qu'ils
portaient elles étaient vieilles et fatiguées guidé par une envie pressante je sautai du lit puis parvins
très vite à la salle de bain et là au fond du lavabo je vis une seringue tachée de sang et à l'intérieur un
reste de cette poudre immonde que l’on nomme héroïne une junkie une junkie chez moi le rebut du
Rebut elle pourtant si délicate le sol en carrelages défoncés tenait stable son sac à main plein à ras-
bord il y avait dedans un rasoir à se raser le sang la page quarante-trois du missel des boucles
d'oreilles en laiton doré de chez joanna Laura Constantine d'autres boucles d'oreilles martelées et
dorées à l'or fin Stefano Polettti de la poudre compact visage Microsmooth de chez Sephora un fard
à joue soyeux quartz rose de chez Shu Uemura un correcteur anti-cernes haute couvrance de chez
Laura Mercier un rouge à lèvres la crème Too faced de chez Sephora une ombre à paupières boite
ronde blanc nymphéa de chez Bourgeois une poudre cheveux « Prêt-à-powder » de chez Bumble &

ème

Bumble un shampoing déjaunisseur 7 Élément ainsi tous ces produits onctueux si chers de fausse
vestale tous ces poudroiements subtils allaient jusque dans le creux de son bras gauche et je ne pus
ressentir soudain que du mépris à son égard ainsi qu'une vague sensation de gêne teintée d'une
profonde déception et d'une honte encombrante bien que ses injections appartenaient plus que
jamais à ma Fange, à ma jungle préhistorique aux terribles dinosaures carnassiers et s’effectuaient
dans les mêmes bas-quartiers de débauche que les miens dans la glace je la voyais se réveiller peu à

peu s'étirer doucement enlever péniblement son peignoir du matin maintenir sa tête dans ses mains

et ses coudes sur ses cuisses pour signaler une gueule de bois certaine elle me rejoignis dans la salle
d’eau me fit reculer comme un étranger commença sa toilette sans mot dire y prit un soin
méticuleux elle était alors ordinairement nue avec ses bras et ses bottines et me tournait le dos
j’admirais les épaules, les hanches, les larges cuisses quelle plénitude et cette gerbe de cheveux
blonds qu’elle tordait, les bras levés et enroulait ensuite pour la fixer très bas sur une nuque
éblouissante qu’elle offrait donc de splendeur à mon regard tordu et grisâtre puis Pauline se penchait
dans le miroir commençait d'arranger son visage elle en avivait le regard d'un cerne appétissant en
soulignait la forme de la bouche d'un trait pastel se poudrait se promenait autour des paupières et
sur les sourcils un doigt léger mouillé délicat attentif et satisfaite d'une transformation dont elle se
croyait embellie dépliait son gilet en tulle fin brodé dans la valise puis mit sa petite tenue de
rechange tellement légère elle positionna avec une extrême application aussi ses boucles d'oreilles
martelées et dorées à l'or fin Stefano Poletti son collier doré à l'or fin de chez Louise Hendricks et son
jonc tout aussi doré à l'or fin Dear Charlotte sur Puloma sa manchette en laiton doré de chez Aime
Pauline m’apparaissait soudainement comme une Aphrodite parfaitement saisie dans le marbre
blanc le modèle sublime qu'auraient privilégié les plus grands sculpteurs antiques hellénistiques dans
un atelier d’occasion en loque en friche en décomposition ô moisissures ô vomissures ou bien
transpercé de toutes parts par des hurlements insurrectionnels loin de toute féérie par des
barricades sans palaces par des flèches rougeoyantes abandonnées sans instants de répits Pauline
éclairait tous les regards muraux de la ville à cet instant précis elle ne s'était jamais piquée y’a pas
longtemps je me suis réveillé presque chez moi presque ailleurs le temps d'une nuance à savourer le
temps d'une litote* à claironner le temps d'un Dièse bienvenu et tout blanc sur la morne Partition de
mon cœur hanté ce cœur qui s'essoufflait sur les rythmes les plus fous tenus par tous les Diables
époumonés sifflotant un air patriotique « bien de chez nous » je veux dire façon Dimey...

*: « Va, je ne te hais point... »

Yohann GARDON, Brignais, février 2015, atelier « Autobiographie ».

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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