Les surpoids de la Marguerite
Le plus courant: T’aimer pas du tout < cela est une formulation feinte puisqu'ils nous l’ordonnent > à l'autre bout de la Terre peut-être en Bolivie se défaire de son poncho trop encombrant essayer de remonter malgré tout et coûte que coûte sur le Faîte de la Falaise dense et cependant toute enveloppée de vents de Tes cheveux terreux en broussaille par l’ascension de la Cordillère des Andes las amorcer la première attaque qu’un vague mal inflige à la phrase 6 première pétale de la Marguerite qu’un vent mauvais vient ôter de nos mains réécrire son rêve et y retourner.
Assez courant : T’aimer un peu < puisqu'ils nous tempèrent > retourner un peu dans Ton regard et m'y perdre mon strabisme sera toujours des plus obscurs aussi cette masse si dense se chargera toujours et avec toute son énergie cumulée au fil des ans d’effacer un peu le Tien pour une langueur océane essayer de tout recoudre en moi pour T’apparaitre présentable ne plus pouvoir quitter sa caverne et ses poils d'un autre âge avoir peur des dinosaures des silex tranchants et des feux aux fumées surannées réécrire graphiquement son rêve de Lascaux déjà tout délavé et y retourner.
Courant : T’aimer beaucoup < puisqu'ils sont un peu impuissants > ouvrir dans sa tête un album-photos T’y apercevoir bottée avec Ton père si haut et si grave comme un violoncelle larmoyer beaucoup comme un saule garder souvenance de beaucoup d'espoirs de jade et d'envolées lyriques aujourd’hui endeuillés puisqu'il ne reste plus que l'Empreinte instantanée d’un Ruisseau arrêté qui a perdu à jamais son amont et son Aval ou plutôt son horizontale son cours sûr sans dénivelé réécrire son rêve et y retourner. Assez rare: T’aimer passionnément < puisqu'ils n’y peuvent vraiment rien > oublier lentement nos lunettes nos grimaces devant la glace nos motifs de partage de chaque instant presque nos émotions Toi à cause du froid et de la faim et de Ta lassitude de moi peut-être moi sous les coups sourds et implacables d'une solitude qui se love désespérément et aussi d'un soleil tout gris celui de la Mélancolie saturnienne qui engourdit et voile la vie 6 Pâmoison remonter remonter réécrire son rêve et y retourner. Rare : T’aimer à la folie < puisqu'ils sommeillent par manque d’imprudence > contempler à nouveau sur un banc notre réalisme magique si cher à Kusturica celui qui nous va comme un gant pour Le Mariage balkanique et ses confettis et ses loups et le perdre de vue soudainement devant les cieux qui se fâchent pour ma part pour des reflux d’hallucinations indélébiles, pour une paranoïa qui s’ancre profondément et au plus vite dedans toutes mes fêlures, pour des affres aigÜes à éroder au Ricard en criant dilo dilo dilo* simultanément aux quatre coins du monde trop tard pour réécrire son rêve mais non on a encore le temps avant d’y retourner.
Très rare: T’aimer sur l’Asymptote ou juste au-dessus pour mieux Le couronner et Le nimber < puisqu'ils ont la prétention de savoir combien contiennent les cœurs > aller aller aller enfin Te retrouver aujourd’hui mardi au squat < l’atelier peinture se déroule habituellement tous les mercredis après-midi au 204 de l’avenue Roger Salengro à Villeurbanne > ne pas T’y voir en pleuvoir des trombes tout le lendemain y retourner le jeudi et puis tous les autres jours désormais revenir au Château sans sa Princesse hurler
Les surpoids de la Marguerite
repartie avec sa famille en Roumanie trop compliqué en France indigence froid famine s’en trancher une main s’en arracher une dent s’en crever un œil revenir infirme chez soi plus moyen de réécrire son rêve car plus de main droite valide pour réécrire la réalité ne plus pouvoir dormir nuits blanches à profusion puis plus rien tout devient plus blanc que le blanc.
*= « fou » en rromani (cf. le film Gadjo Dilo de Tony Gatlif)
Yohann Gardon, Brignais, janvier 2015, pour atelier « Autobiographie ».
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