J'étais gros j'étais obèse a cause des paradis d'artifice. Je ne me rasais que rarement. Pourtant, j'étais riche de ces images qui émeuvent la gente féminine et qui me donnaient du coup un air de Femme ratée, toute pleine de fêlures. Déchéance alcoolique, diront certains, vieux gamin hypersensible diront d’autres, sans doute plus clairvoyantes. Un soir, une fille de janvier entra dans ma vie de démesures. Elle avait dû reconnaître les artères obstruées d’un écorché vif, les organes vieux d'un fumeur invétéré de tabacs bruns à sauver de nœuds complexes et autres malaises envahissants. Elle s’appelait Pauline et je ne la dégoûtais point. Pauline m'invita un soir dans son appartement pour y déguster les courgettes revenues a la poêle et puis aussi un dessert délicieux dont j'ai oublié le nom. En pénétrant dans son logement, je ressemblais a un clochard dont la dernière douche remontait à un quart de siècle. Pourtant, elle était la, sans jugement et me désirait sans aucune répugnance. Elle avait les dents du bonheur et moi les yeux du malheur... Après le repas, une envie d’Elle me secoua de toutes parts et je lui suppliai de lui faire l’amour malgré ma barbe de huitaine, malgré mon adipose sévère. Alors la Tendresse vint toute seule avec le vin rose a partager et puis tous les regards tordus a raccommoder. J'allai et je vins en Elle comme un intrus l’aurait été pour toute la Femme entière du monde ; j’allai et je vins en Elle sans trop faire dégouliner, sans trop rajouter les regards rouillés et puis tout ce qui moisit dans les Escaliers du Corps. Elle m’a donné un plaisir fou malgré mon petit sexe, malgré mon apparence de nature morte. Oui je T’aime Pauline puisque Tu as su réveiller mes morts d'un trop profond sommeil, puisque Tu m’as en quelque sorte permis de perdre dix kilos le temps d'un coït sulfureux, le temps tout blanc d'un soir de pleine lune, puisque Tu as su me faire renouer avec l'Amour le temps d'un oubli béni, le temps d'un ciel de pluie ensoleillé, le temps d'un poids de plume d'oiseau. Je T’aime encore et c'est tout ce qui compte même si Tu es sûrement maintenant dans les bras d'un autre. Souviens-Toi d’un nous dénué enfin de moi-même (donc d’un mot à la douche avec une entrée en la matière en majuscule), de Tes mains pâles dessus ma tempête assoiffée de Tendresse; souviens-Toi de mes pleurs si longs sur Ton visage; souviens- Toi de moi en Toi en ce dernier Voyage; souviens-Toi de ma bouche encore fumante dedans Ta Source claire; souviens-Toi du Nid où nous cherchions vainement à nous ressembler sur l’Arbre de Vie...
Fait en état d’ivresse.
Yohann GARDON, Saint Genis Laval, novembre 2014, autobiographie.
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